Cozz & Effect
7.1
Cozz & Effect

Album de Cozz (2014)

"Money issues make your mom act funny"

Cozz est un rappeur inexplicablement inconnu à l'heure d'internet, des réseaux sociaux et du rap 2.0.
Sans page Wikipédia, et avec à peine 2000 fans sur Facebook, la sous-exposition du jeune (21 ans) natif de Los Angeles reste mystérieuse, à une époque où le buzz musical se construit en quelques clics à partir d'une vidéo Youtube. Pourtant, Cozz ne manque pas de moyens ni de talent. Signé sur le label de J. Cole, Dreamville Records, son premier album Cozz & Effect est distribué par Interscope. Mais malgré son jeune âge Cozz propose un rap à des années lumière de la mouvance actuelle, sûrement au détriment de son exposition médiatique. Pas de drill à la Chief Keef ou de beats de DJ Mustard pour lui. Au contraire, maturité et sobriété sont les maîtres-mots de sa musique. La pochette, toute en contraste et en simplicité représente parfaitement l'univers décrit dans ce très homogène album de 12 titres : une ambiance froide, désenchantée, parfois planante, et étonnamment pessimiste. A écouter son rap, on pourrait le croire tout droit sorti des meilleurs studios de Detroit ou de Chicago.
Car s'il vient des ghettos de LA, sa musique n'a pas la couleur chaude des productions californiennes habituelles, toutes en synthé et en basses. Cozz ne chante pas d'odes à la fête ou aux formes féminines généreuses. Quand il parle d'alcool ou de fumette, ce n'est pas pour rapper à leur gloire, mais pour parler des seuls échappatoires qu'il a trouvés pour fuir la dure réalité qui l'entoure. "Hennessey memories leaving me nauseous" explique-t-il sur "Knock Tha Hustle". Ce morceau est la parfaite illustration de son style. Sur une prod mélancolique, construite sur un sample de saxophone à la Pete Rock, le jeune MC décrit avec précision la pauvreté et la violence qui gangrènent les ghettos de South Central. Au refrain de ce morceau il répète avec entêtement "Been patiently waiting, can't wait too long dog/ I've been broke man for way too long/No hot water for way too long". Il n'est donc pas étonnant que ce soit précisément ce morceau qui ait donné envie à J. Cole de signer son jeune protégé, et qu'il y ait ajouté un couplet pour en faire un un remix. Sur le premier single de l'album, "Dreams", Cozz s'empare également de cette thématique qui semble lui tenir à coeur.
Avec son autre single, "Cody Macc", il prend le temps de se présenter à son public. Porté par un clip époustouflant le mettant en scène dans les rues d'une Los Angeles totalement vides, il expose sa ville et son univers. Sur le planant "Western. Ave Slaves" il offre son analyse des conditions de vie de la communauté afro-américaine. Avec "Murda" il s'essaye à l'égotrip, passage obligé pour tout rappeur, avec une écriture que n'aurait pas reniée le Wu-Tang Clan à son apogée: " The crowd has to love him, they feel a deep lyrical acupuncture/I'm spiritual as a nun but I drink 'til my bladder ruptures/Rollin' blunts as fat as nunchucks "
Les punchlines sont souvent efficaces et l'album révèle son goût pour les comic-books: "What the fuck is you actin' fantastic for/ It ain't a thing for me to get to clobbering", "The knife got me feeling like I'm Superman/But praying I don't run into a crip tonight" ou "I'd rather go comic and go to Gotham/ And meet with Batman and start robbin' ".
Vous l'aurez compris, Cozz a tout pour réussir: un flow acéré, une bonne plume, une envie de raconter les choses, une cohérence musicale, un style particulier et reconnaissable (même si l’influence de Kendrick Lamar se fait sentir), et surtout une maturité artistique impressionnante pour un débutant comme lui. L'album comporte certes quelques légers défauts, assez caractéristiques d'un jeune rappeur: certains morceaux ne sont pas très bien construits, et la qualité des refrains laisse parfois à désirer. Rien qui ne saurait être corrigé avec le temps donc.
Il ne manque à Cozz qu'une chose pour réussir: l'exposition. Rien de très surprenant à cela: sa Cité des Anges semble cruellement manquer de soleil.
Léo_Mouren
8
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le 26 oct. 2014

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Léo Mouren

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