Disclosure
7.1
Disclosure

Album de The Gathering (2012)

Depuis ses débuts à l’aube des années 90, The Gathering suit une progression stylistique étonnament proche de celle d’Anathema, au point tel qu’il serait aisé de croire qu’il y eut concertation… Dans les deux cas, des commencements doom/death peu convaincants ont succédé le départ du chanteur responsable du surplus de violence (Bart Smits et Niels Duffhues pour The Gathering, Darren White pour Anathema). A ces licenciements s’est ensuite associé un changement de direction dans l’entreprise artistique des deux groupes : les prosodies se sont éclaircies (Anathema transforme le guitariste Vincent Cavanagh en vocaliste, The Gathering recrute la chanteuse Anneke), les guitares embellies, les ambiances apaisées. C’est à cette époque que chacun des deux groupes abat ses plus belles cartes, Judgement et How To Measure A Planet ?, tous deux parus en 1999, au sein desquels ils livrent un rock atmosphérique empreint d’une mélancolie latente, tantôt frénétique, tantôt planante, distillée çà et là au détour d’harmonies aussi séraphiques qu’instables, quasi post-eschatologiques.

A partir des années 2000, les deux formations prennent des chemins séparés. Anathema débute une longue période de néant productif entre entre 2003 et 2010 pendant que The Gathering entreprend des revirements stylistiques osés et payants, comme le Souvenirs de 2003 aux frontières du trip-hop. Puis, suite au départ d’Anneke que beaucoup pensaient irremplaçable, la formation se voit contrainte d’abandonner les expérimentations sonores pour se concentrer sur la recherche d’une nouvelle chanteuse. Silje Wergeland, ancienne gothique d’Octavia Sperati, est embauchée et le quintet se remet au travail. Malheureusement, le retour discographique est loin d’être satisfaisant avec The West Pole (2009), un décevant aveu de faiblesse de la part de la nouvelle recrue, probablement affectée par un sérieux complexe d’infériorité : les traces laissées par Anneke y sont encore palpables, malgré leur évaporation progressive. Enfin, les années 2010 sont arrivées. Pour Anathema comme The Gathering, elles apportent avec un renouveau artistique bienvenu, gage d’une qualité retrouvée dans l’atmosphérique mélancolique. En début d’année, l’extraordinaire Weather Systems s'est imposé comme un des incontournables du moment (chronique ici) . Nous voilà fin 2012, et alors que ce dernier assure à Anathema une place de choix parmi les formations à suivre indispensablement, The Gathering prétend lui ravir son bienveillant titre d’ouvrage atmosphérique de l’année avec Disclosure.

Cette nouvelle libation artistique ne saurait être comparée aux précendentes explorations du groupe néerlandais, qu’il s’agisse des relents trip-hop de Souvenirs, des crasseuses sonorités de Mandylion ou même des grandeurs éclairées d’How To Measure A Planet ?, malgré une influence tangible de chacune d’entre-elles. L’élément le plus décisif de Disclosure, dans un groupe vocal tel que The Gathering, ne pouvait venir que de l’amélioration ou de l’avilissement des lignes de chant. Or Silje Wergeland semble avoir finalement trouvé une contenance satisfaisante, jouant de son timbre éthéré et de ses vocalises ambiantes avec la fraîcheur d’une nymphe nordique. Cette maîtrise nouvelle de l’organe chanté n’est pas le seul progrès ici. Malgré la relative complexité des structures et des instrumentalisations, l’ensemble procure, à travers ses douces harmonies, ses mélodies cohérentes, ses innocentes rythmiques et ses textures vertueuses, l’agréable sensation d’assister à l’épique sérénade d’une bande d’écorchés vifs s’étant regroupés près de l’obscurité d’un feu de camp. L’orchestre mélancolique de The Gathering se voit d’ailleurs grandi de cuivres, nouvellement ajoutés à l’euphonie générale. Ces derniers, en plus d’apporter un souffle héroïque aux compositions intimistes de Disclosure, connectent les émotions procurées à une sorte de jeu de contrastes mémorable : parfois énergique et chahutée, parfois délicate et sensible, la palette musicale est vaste et maîtrisée.

A la cohérence générale de l’ouvrage s’ajoute gracieusement son lot de réussites individuelles ; nous en noterons trois. « Heroes For Ghost » est l’imparable single à rallonge (dix minutes), aux lignes vocales grandioses appuyées par une atmosphère vaporeuse exceptionnelle, propice au laisser-aller le plus total. « Meltdown », aux allures d’abord electro-synchrotroniques, est d’une fraîcheur aussi originale qu’indispensable grâce à l’orchestration alternée entre cuivres et violons. La courte « Missing Seasons » et son magnifique piano-voix agrémenté d’une céleste guitare acoustique prend la troisième place du podium d’un album qui devrait lui-même terminer dans quelques uns des classements qui récompenseront, à la fin de l’année, les meilleures offrandes de 2012. Très probablement aux côtés de Weather Systems.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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