Dog Poison
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Dog Poison

Album de Oh Sees (2009)

Le neuvième album des Thee Oh Sees, Dog Poison, sort à la fin de l'année 2009, quelques mois après Help, des splits, un EP et une flopée de singles. Autant dire que l'année fut chargée et riche, Help restant un des albums les plus denses et les plus respectés de la tortueuse carrière du groupe de John Dwyer.


Avec ses dix chansons pour vingt-quatre minutes au compteur, Dog Poison est à la première écoute un disque insignifiant, plus proche du pétage de câble qu'autre chose. Si la première piste conserve un semblant de structure pop et de texte articulé (chose finalement assez rare sur les grands disques du groupe), le mixage atroce et étouffé donne l'impression d'entendre le groupe fou jammer depuis l'autre côté d'une baie vitrée dans un garage. Et si l'on se dit que cette première chanson est un leurre, la bien nommée "Fake Song" qui lui succède confirme pourtant nos pires impressions, et ce malgré les jappements de coyote qui sont une des marques de fabriques de la troupe.


On reste donc circonspect sur toute la première moitié du disque, dont on peine à retenir autre chose d'accrocheur que la basse envahissante et sur-mixée, l'énergie garage sale toujours communicative et une flûte un peu space qui semble s'être perdue par là et qui s'invite sur tous les morceaux en mode complètement bordélique. Mais la sauce peine à prendre, aucune chanson ne sortant vraiment du lot.


Puis, sur la deuxième moitié, le tempo ralentit (un peu), le mix s'éclaircit (beaucoup), et les musiciens refont preuve d'un peu plus de discernement. On se dit que la bande s'est juste trompée de drogue et qu'au lieu d'accoucher d'un miracle de garage à la sauce revival Nuggets (dont on sent pourtant l'intention dès le début), ils jouaient juste un peu n'importe quoi n'importe comment sur des amplis déréglés. Mais le krautrock sous speed de "I Can't Pay yout o Disappear" fonctionne, les fulgurances pop faussement naïves à la fin de "The Sun Goes All Around" aussi, et puis sur "Dead Energy", sorte de manifeste de l'album, le groupe sonne vraiment comme une bande de gobelins ou de gremlins (bref de créatures petites moches et vaguement lubriques) en train de jammer dans une grotte, comme si un gamin faisait irruption dans une orgie de lutins de l'atelier du Père Noël. L'humour grinçant à l'oeuvre fait subitement sens et on se prend à relire ces 24 minutes furibardes comme une mini odyssée de garage psyché complètement rigolarde, une sorte de joli pétage de plomb, de caprice truffé d'indices (les titres "Fake Song", la fausse narration vaguement fantasy bucolique de "The River Rushes", la fin de l'album) pour finir avec panache une année pourtant autrement plus marquante. Le final explicitement roublard de "It's Nearly Over", jam délibérément crétine mais assez irrésistible et qui constitue le morceau le plus long du disque est sans appel.


Album lo-fi et expéditif, sans prétention mais aussi sans grand éclat, Dog Poison est un petit caprice sympathique à côté duquel on peut tout à fait passer - c'est loin d'être le meilleur disque de Thee Oh Sees - mais qui se juge pour ce qu'il est, 24 minutes de rock crado et délirant, au second degré, avec ses fulgurances et ses excès. Nul doute que certains y verront un des meilleurs opus du groupe, justement pour son aspect resserré et sa filiation plus qu'évidente avec tout un pan de la musique garage (pop, rock, psyché ou proto-punk) américaine de la fin des sixties. Pour ma part c'est un peu léger, mais la deuxième moitié du disque le sauve et éclaire la première sous un nouveau jour.

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le 16 janv. 2016

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Krokodebil

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