Dune
7.1
Dune

Album de Canine (2019)

Depuis sa formation, le collectif Canine aime cultiver le mystère autour de son identité. Interviews masqués, visuels énigmatiques, incantations mystiques… Écartons ici toute comparaison fallacieuse avec le Ku Klux Klan, nous parlons bien de musique et non de pyromanie.


Le stratagème proposé intrigue et interpelle, tant le groupe paraît à la fois insaisissable et fascinant. Après un premier EP extrêmement prometteur mêlant pop, soul, gospel et baroque, Canine a décidé de passer à la vitesse supérieure en nous offrant Dune, son premier album. Comparer mon impatience à celle de Marc Dutroux à proximité d’une école maternelle relève de l’euphémisme, tant j’étais ressorti époustouflé de leur première représentation parisienne au théâtre Marigny le 26 novembre 2018.


Il est bien question d’une représentation, tant l’œuvre de Canine semble bâtie autour de la théâtralité. Tous ses membres sont autant de protagonistes d’un récit à rebondissements empreint de poésie et de mystère.
Dès lors, que pouvons-nous attendre de la première pièce de cette étrange troupe ? S’agira-t-il d’un boulevard bancal ou d’un plébiscite de la critique ?



Mystique tragédie



Dune est une ambitieuse tragédie épique en deux actes distincts.


Dans le premier, le spectateur est immergé dans l’univers sombre et secret de Canine, où le sacré côtoie le religieux au travers d’une histoire où se mêlent romance, désir, violence et trahison. Laughing et Fight rappellent au bon souvenir de l’EP précédent, déployant de célestes polyphonies et d’élégants arrangements baroques en soutien d’une voix androgyne lancinante et captivante.


Seulement, le résultat obtenu est à l’image du morceau-titre Dune : fourmillant de bonnes idées, mais confus et approximatif. Trop souvent, les différents instruments semblent s’opposer plutôt que de se compléter, la faute à un mixage brouillon. Cette surabondance malvenue se retrouve également dans le morceau Glow, sur lequel les sonorités électroniques et les parties vocales se fracassent maladroitement les uns aux autres dans un brouhaha peu digeste.
Les cordes sont utilisées jusqu’à l’overdose, les cuivres paraissent tantôt discrets, tantôt pompeux, l’enchaînement des titres manque de rythme et de cohérence… bref, on reste sur sa faim.


Le deuxième acte est, fort heureusement, bien plus réussi. On y retrouve l’entraînant Twin Shadow, titre qui avait participé à la popularisation du groupe sur leur premier EP, ainsi que diverses expérimentations plus pop comme Sweet Sway ou Forgiveness, mais aussi et surtout l’épique morceau Temps, qui réussit à concilier electro pop et baroque dans un final à couper le souffle. Plus pop, plus épuré et plus enclin au jeu des références (Sweet Sway emprunte à No Diggity et Forgiveness à Feeling Still), ce deuxième épisode semble plus maîtrisé, comme libéré de la surcharge d’ornements qui pesaient sur son poitrail.


Et même si je reste convaincu qu’il aurait mieux valu clôturer l’album sur Temps plutôt que sur le quelconque Jardin, force est de constater que Dune, malgré ses nombreux défauts, vient confirmer l’immense potentiel de Canine sur la scène des curiosités musicales françaises. Tantôt brouillon, tantôt génial, souvent inégal, ce projet s’appréciera à sa juste valeur en live (jeudi 28 février 2019 au centre Pompidou pour les parisiens), où toute l’ambition de la mise en scène entrevue sur le plan musical, sera sublimée par le talent et la minutie de ce collectif d’acteurs, chanteurs, danseurs et instrumentalistes qui n’a pas fini de nous surprendre.



  • En quelques mots : Une tragédie en deux actes inégaux

  • Coups de cœur: Sweet Sway, Forgiveness, Temps

  • Coups de mou : Dune, Glow

  • Coups de pute : RAS

  • Note finale : 6+

JLTBB
6
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le 14 avr. 2019

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