Ekphrön
6.6
Ekphrön

Album de High Tone (2014)

Introspection spirituelle urbaine

Du grec hors d'esprit/hors de raison, Ekphrön est le sixième album studio d'High Tone. En regardant la pochette on remarque que l'écriture a changée, le G a pivoté et le N s'est fait sabrer, cool, assez réussi je trouve, c'est plus sobre. L'artwork aussi est réussi et est parfaitement représenté par le morceau d'ouverture, le très zénifiant Basis, premier featuring instrumental du groupe avec Vincent Segal, violoncelliste de renommée internationale. Une petite merveille d'inventivité, hors du temps, High Tone surprend et frappe très fort d'entrée de jeu. Le violoncelle aérien de Segal se pose tout naturellement sur cette géniale rythmique de goutte-à-goutte accompagnée de légères basses vibrantes tout en rondeur; c'est beau, subtile, morceau qui appelle fortement à fermer les yeux, à méditer. Le grand voyage astral à la recherche des 7 boules de chakras va désormais pouvoir commencer.
Superbe featuring, j'adore quant High Tone nous dévoile ce genre de facette (Propal, The Midday Sun, K'an, le morceau caché 37° sur l'album Wave Digger), c'est là que l'on voit que ce groupe fait partie des plus grands car il transcende les genres, il n'y a plus de cases, de frontières, c'est de la création pure, libre, qui touche au divin.


Après cette sublime entrée en la matière on enchaine avec le très électronique
All Expectations. Morceau dans la lignée des deux derniers albums mêlé à l'esprit premier d'Ekphrön, sa base que l'on vient tout juste de découvrir. Basses et samples "High Tonien", sirène, clavier inspiré, tout est très finement dosé, très riche en sonorités, splendide atmosphère. Pas de doute High Tone est de retour en grande forme et poursuit jusque-là logiquement son évolution, les attentes sont pour le moment comblées.


Sur Wahqam Saba on débarque dans un Moyen-Orient sous très haute tension. Introduction à l'Oud (instrument arabe à cordes pincées) sur la corde raide, voix arabisantes, énormes basses "dubstepantes" tout en déflagration - j'adore -
High Tone test ici sa nouvelle machine de guerre made in UK, tout a l'air opérationnel, il peut maintenant se mettre en route pour le front. Morceau très encré dans son époque, très intense, très suffocant, très bon mais hélas très court, dommage... Peut-être une deuxième partie en live ?


Arrive Until the Last Drop en featuring avec le chanteur Shanti D avec qui High Tone avait déjà collaboré sur l'excellent single Dry et là c'est le drame, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ça commence rock puis arrive ce maudit synthé complètement déjanté d'assez mauvais goûts ainsi que des effets vraiment pas terrible sur la voix de Shanti D, heureusement qu'High Tone se réveille sur la deuxième partie aux sonorités dubstep, ça sauve de justesse le morceau de la médiocrité. Cette partie fait d'ailleurs énormément penser à Kaly Live Dub, le morceau précédent aussi, High Tone s'inspirerait-il de Kaly !? Les rôles se seraient-ils inversés !? L'éternel outsider serait-il devenu leader !?


Le morceau suivant Raag Step nous emmène en Inde, plus précisément au cœur d'un Bollywood tout en exubérance. Un zeste de Sitar (instrument indien à corde pincées), une pincée de percussions sauce Filastine - j'adore - , du gros son "High Tonien" comme on l'aime tant, une bonne grosse rasade de voix indiennes, on saupoudre le tout d'une petite dose de skanks, ce qui nous donne un electro-dub(step) bollywoodien de très bonne facture où High Tone se caricature lui-même, du moins c'est ainsi que je le perçois. Morceau qui ne restera pas dans les mémoires contrairement aux nombreuses tueries du groupe dépeignant le sous-continent indien (Rajaskank, Delhi-Katmandou ou encore le très perchant Ohm).


On enchaine avec 72' Turned Off, sans nul doute une des plus grandes réussites d'Ekphrön. Morceau taillé dans la veine de l'album le plus abouti d'High Tone, le magistral Underground Wobble, il en rappel - entres autres - le sublime Ask the Dust. Introduction introspective nostalgique à tomber par terre qui nous propulse tout droit en pleine cérémonie bouddhiste, scratchs caractéristiques et samples parfaitement sentis de Twelve, un soupçons de dubstep évidemment mais parfaitement distillé et un final complètement vrillé, du grand High Tone.


S'ensuit Old Mind, second featuring du groupe avec le rappeur américain Oddateee. Grosses basses vrombissantes, sirènes hurlantes, High Tone est arrivé sur le front guidé par le flow d'Oddateee qui colle une fois de plus parfaitement au son High Tone; un electro-dubstep-hip-hop très urbain, sympa sans plus. Morceau nettement inférieur en comparaison au featuring sur l'album Out Back, le meurtrier Liqor, en même temps c'est quasiment impossible de faire mieux je pense tellement ils y ont mis du niveau, numéro 6 de mon top 10 morceaux actuellement ce n'est pas rien !


Sur A Fistful of Yen - single de l'album qui a fait couler de l'encre sur le web - High Tone dévaste tout sur son passage, la machine de guerre tourne à plein régime, les membres d'High Tone rentrent en transe, la folie dubstep s'est définitivement emparée de leurs esprits et tout peut arriver à l'image de cette voix robotisée tirée sûrement d'un anime. Chelou, le morceau le plus bizarre d'High Tone, très riche, il pourrait être le thème principal d'un western japonais futuriste se déroulant au cœur d'un Neo Tokyo dévasté, étrange. Mais on y retiendra surtout cette superbe introduction au Koto (instrument traditionnel japonais à cordes pincées), tout simplement magique et aussi cet envoûtant final en forme de balade planante remplie d'espoir, le milieu quant à lui bien que cohérent et parfaitement maîtrisé aurait quand même pu être de meilleur fraîcheur mais High Tone l'a voulu ainsi...


L'album se clôture calmement, hors du temps comme il a commencé avec le super Super Kat. High Tone se mût ici en grand pape du dub et célèbre une grande messe "dubisante" comme pour se laver des péchés commis avec le démon dubstep. Grandiose, morceau qui rappel un peu le très bon Replay de l'album Opus Incertum. Enfin un morceau purement dub, dans la veine des débuts en prime, il était temps ! High Tone est revenu à la réalité, a trouvé et ouvert tous ses chakras et ça fait mal !


En - grosse - conclusion : High Tone nous a pondu un album hors de son esprit premier, à savoir le dub. C'est un album terriblement encré dans l'air du temps, un voyage dans les esprits des mondes urbains actuels, un album concept qui est à déguster principalement chez soi en solitaire. Cette fois-ci, contrairement à tous les autres opus du groupe, on ne peut pas ranger cet album dans la case electro-dub français car il contient seulement un seul morceau vraiment dub. C'est précisément un album d'electro / ethno / bass music et c'est pour moi une semi-déception. Cependant ça reste un très très bon album ne nous y trompons pas. La cohérence est là contrairement au précédent, la maîtrise - déconcertante - toujours là aussi, la recherche musicale bien que moins marquée est aussi présente, c'est du pur High Tone quoi, unique et inimitable, tout ce qu'il touche se transforme en or mais ce groupe nous a tellement habitué à l'excellence par le passé...


Tout comme le dernier Kaly Live Dub (décidément), High Tone signe ici - sans conteste possible - son moins bon album. J'aurai tellement préféré qu'il continue de défricher la voie d'un dub très expérimental qu'il avait amorcé sur No Border le CD2 d'Out Back, là High Tone a choisi la voie du mal, celle du dubstep et ce n'est pas la meilleure des voies hélas, sur 2-3 titres ok, pourquoi pas, mais sur la grande majorité d'un - court - album c'est trop.
Kaly Live Dub aussi a choisi cette voie-là sauf qu'il l'entremêle à son dub (et à d'autres ingrédients) pour un résultat heavy dub plutôt convaincant (bien que la recette ne soit pas encore tout à fait au point). High Tone aussi avait commencé à explorer un peu le dubstep sur son précédent album (Spank, Dub What) et sur l'album High Damage (Watching You) et l'avait intégré avec brio à son dub pour un résultat littéralement dévastateur; sur Ekphrön il va trop loin en supprimant quasiment le dub, grosse erreur car il n'y a pas meilleur liant musical que le dub, n'est-ce pas Skream!


Mais je salue quand même la prise de risque qui est la marque des grands et pis le dernier album en date (le monstrueux High Damage en compagnie de Brain Damage dans le cadre du projet In a dubtone sessions) n'est ni plus ni moins qu'une perfection "dubiquement" parlant et les membres d'High Tone sortent aussi d'une tournée d'un an en sound system avec leur projet Dub Invaders durant laquelle ils ont composé Ekphrön donc je comprends parfaitement qu'ils aient tant délaissé le dub ici. Ils en avaient sûrement grandement besoin mais ils auraient dû faire autre chose que du dubstep car d'une part c'est un genre qui - comme son nom l'indique - descend du dub et qui d'autre part est surexploité un peu partout depuis déjà pas mal (trop ?) de temps. Il aurait été nettement plus judicieux je pense de choisir de transcender les genres tout en effaçant quasiment le dub à l'image du morceau d'ouverture et des morceaux que je cite au début, là ça aurait pu donner quelque chose de vraiment énorme et High Tone aurait pu acquérir par la même occasion une toute autre dimension...


Pour ma part j'attends d'ores et déjà impatiemment le successeur d'Ekphrön, en espérant qu'il soit plus dub, plus expérimental et surtout moins dubstep mais je ne me fait pas trop de souci pour ça !


Mon Top 3:
1: Super Kat
2: All Expectations
3: 72' Turned Off

edragal
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top High Tone

Créée

le 20 mars 2014

Critique lue 670 fois

9 j'aime

5 commentaires

edragal

Écrit par

Critique lue 670 fois

9
5

Du même critique

Ekphrön
edragal
8

Introspection spirituelle urbaine

Du grec hors d'esprit/hors de raison, Ekphrön est le sixième album studio d'High Tone. En regardant la pochette on remarque que l'écriture a changée, le G a pivoté et le N s'est fait sabrer, cool,...

le 20 mars 2014

9 j'aime

5

Ponyo sur la falaise
edragal
5

Critique de Ponyo sur la falaise par edragal

Bon ok Miyazaki est un génie mais là je suis désolé, mais quand je vois le nombre de 8-9-10 attribué à ce film ça me fait halluciner, moi pas comprendre :) , c'est de loin le moins bon Miya et...

le 20 nov. 2011

5 j'aime

3

Karma No Kusari
edragal
8

Karma sous trip

Premier album solo de la chanteuse japonaise Kiki Hitomi, ce n'est pourtant pas son premier coup d'essai dans l'industrie musicale. Elle a créée à la fin des années 2000 le duo Dokkebi Q aux côtés de...

le 15 sept. 2016

4 j'aime

3