Everyday Life
6.4
Everyday Life

Album de Coldplay (2019)

Depuis le début de sa carrière, il y a vingt ans, Coldplay a toujours eu la volonté d'être consensuel. Parachutes les a vu émerger comme les dignes descendants de Radiohead. A Rush of Blood to the Head les a vus emprunter les pas d'Echo and the Bunnymen. X&Y, puis (surtout) le flamboyant Viva La Vida, ont consacré la bande de Chris Martin comme successeurs de U2 en tant que maîtres de cérémonie dans les plus grands stades du monde. Enfin, entre les deux Mylo Xyloto et A Head Full of Dreams (dans la lignée des plus belles daubes de Maroon 5, même si tout n'est pas à jeter dans ces deux opus), se cache Ghost Stories, album cathartique dont la magie de Parachutes manque cruellement (Coldplay qui fait du sous-Coldplay, la honte).


Vous l'aurez compris au ton de cette introduction: si la décennie 2000 m'a fait profondément aimé le son de Coldplay, à la fois mainstream et exigeant, la suivante a vu les désillusions s'enchaîner. Les albums où toutes les chansons présentaient un intérêt certain et des arrangements efficaces ont laissé place à ceux où seules quelques chansons surnagent (Midnight, Magic, Hurts Like Heaven, Charlie Brown) dans un océan de daube, de lumières criardes et de mélodies fainéantes. Si on devait prendre une métaphore culinaire, on passerait du simple mais efficace moelleux au chocolat (avec son coeur coulant) à un gâteau sec au chocolat, badigeonné d'un pot de Nutella entier et de Smarties pour essayer de faire passer la pilule comme on peut.


Bref, à l'aune de la sortie de ce nouvel album, je n'attendais plus rien de bon de Coldplay, groupe, pensais-je, devenu caricatural, en pilote automatique, et englué dans une pop sans saveur et prise de risque. C'est donc, sans attente particulière, que j'écoute les premiers singles issus de la nouvelle fournée du groupe. Si Orphans reprend les recettes d'une chanson pop mainstream (avec l'EDM en moins tout de même), Arabesque voit le groupe collaborer avec Stromae pour un résultat audacieux. Avec un riff de guitare qui donne le tempo (un peu comme dans Yes ou Violet Hill), et ses trompettes, Coldplay ose, expérimente un peu, et sort légèrement des carcans où il était resté bloqué pendant dix ans. Si la chanson éponyme demeure un peu anonyme et manque de sortir de l'ordinaire, l'espoir d'un bon album de Coldplay renaît de plus belle avec Daddy, l'une des plus belles balades du groupe (minimaliste mais juste, sans jamais tomber dans le lacrymal), et Champion of the World, titre fédérateur qui ne serait pas ridicule dans une petite salle.


Et puis l'album paraît, et Coldplay nous emmène en voyage. D'emblée, Church brille par ses arrangements planants, et l'ajout d'une voix féminine arabe se fond parfaitement avec l'atmosphère de cette chanson qui aurait pu figurer dans Parachutes (elle ressemble un peu à High Speed). Trouble in Town, qui parle du racisme aux Etats-Unis, se finit en apothéose après un début porté par un piano et chant de Chris Martin mesurés et une batterie et une basse discrètes et caressées. Sur BrokEn, le groupe s'inspire quelque peu de Paul Simon et son mythique Graceland et s'essaye avec succès au gospel. Coldplay reste d'ailleurs à l'église dans "When I Need a Friend", avant de lâcher toute leur haine des armes à feux dans le concis et folk "Guns". Après le très pop Orphan, et le soul Cry Cry Cry, une guitare, un piano et la voix de Chris Martin donnent au groupe trois balades efficaces: Eko, frais comme la rosée du matin, Old Friends, plus ensoleillée, et Bani Adam, inspirée d'un poète perse du XIIIeme siècle.


Au final, si certains peuvent reprocher à l'album de partir dans tous les sens, il aura le mérite d'explorer, d'expérimenter des pistes et de prendre des risques. Surtout, après trois dernières productions qui pouvaient laisser supposer d'une influence omnipotente de Chris Martin sur les trois autres membres du groupe, on a l'impression que le groupe joue de nouveau ensemble, pour la première fois depuis 10 ans. Comme à la bonne époque.

Drama
7
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le 26 nov. 2019

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5 j'aime

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