Fallen Angels
4.9
Fallen Angels

Album de Bob Dylan (2016)

Deuxième volet de ce qu'on croyait être un diptyque hommage aux belles chansons américaine et qui sera finalement une pentalogie mais qui est en vérité la suite logique d'une saga débutée dès 1962 sur le premier album et poursuivie sur disque (Good As I Been To You et World Gone Wrong plutôt branchés blues/trad), à la radio (les 100 numéros de l'émission "Theme Time Radio Hour") et sur scène (la centaine de reprises distribué lors du Never Ending Tour depuis maintenant une trentaine d'années). Vous me suivez ?


Ce que j'essaye de vous dire les haters, c'est que le prix nobel 2016, Dylan le mérite tout autant pour ses indéniables qualités de songwriter que pour son travail acharné de passeur. Que ce soit avec des hommages assumés comme celui-ci ou des emprunts moins honnêtes (les plagiats malins disséminés sur "Love & Theft" et Modern Times). On pourra débattre des années sur la pertinence du choix de l'académie suédoise et sur l'attitude plutôt désinvolte de l'improbable lauréat vis-à-vis de cet honneur, Bob n'a pas le temps pour ces conneries. Il est bien trop occupé à parcourir le monde pour prêcher la bonne parole du Great American Songbook et, pendant ses RTT, se poser en studio pour nous pondre ce genre de collection où il n'est pas question de bâcler le travail. Comme sur Shadows in the Night - enregistré dans le même studio avec le même ingénieur son - celui à qui on a longtemps reproché une voix faiblarde a totalement maîtrise de son organe, de ses limites et des possibilités. Pas question d'imiter Sinatra car ici, on est pas dans la reproduction mais dans un souci d'atmosphère. Alors Dylan fait dans la nuance, la mesure et tape souvent très juste (en particulier sur la touchante "All The Way", numéro d'équilibriste où le Bob retombe toujours sur ses pattes). C'est formidable de l'entendre chanter aussi bien même si, à la longue, le résultat est parfois un peu trop lisse, trop scolaire. Mon Bob, je l'aime bien quand il est fragile, prêt à dégringoler. Quand il est capable de fulgurances inattendues. Là, bien que l'album soit plus court, plus virevoltant et plus léger que son prédécesseur, le résultat est un peu plus ennuyeux - bien que le swing de "That Old Black Magic" arrive à point nommé et reste ma performance favorite.


En réalité, ceux qui s'amusent vraiment, c'est la bande à Tony Garnier. Le groupe de scène s'en donne à coeur joie et fait la démonstration de sa versatilité sur des ambiances aussi différentes que la valse début de siècle "Polka Dots And Moonbeams" ou l'intro jazz manouche du délicieux "Skylark". C'est le paradoxe qui me saute toujours aux oreilles après cent écoutes : Fallen Angels est plus dense, varié et lumineux que Shadows in the Night mais aussi plus monotone et moins émouvant. Il faut dire que les sujets abordés sont moins graves, que les histoires d'amour s'y terminent mieux et qu'il s'agit donc d'un contrepoids plus optimiste au grand frère de 2015. Ce dernier était parfait pour une marche automnale, pluvieuse et nocturne, celui-ci conviendra mieux à un après-midi de farniente printanière. Il est également une parfaite porte d'entrée à un monde de songwriters qui disait beaucoup avec peu ("Melancholy Mood", monument d'économie) et à qui Dylan a su dédicacer, comme il se doit, son Nobel.


Bref, c'est toujours la même histoire, en 2016 comme en 1966 - la sortie consécutive de l'imposant coffret consacré à la tournée européenne avec les Hawks nous l'a bien rappelé. Dylan divise, Dylan n'en fait qu'à sa tête, Dylan n'a de comptes à rendre à personne. On veut qu'il se remette à composer et arrête de se la jouer Pascal Sevran ? Il annonce la sortie d'un triple album de reprises. Se mettant ainsi à dos les fans et les haters. La vérité est ailleurs. Dans une petite rue de Singapour ou dans un studio tamisé d'Hollywood. Dans les souvenirs d'un vieux chanteur de music-hall qui parcourra le monde jusqu'à son dernier souffle. Le spectacle continue avec cet album globalement mineur mais régulièrement sublime.

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le 2 avr. 2017

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