Fiction
Fiction

Album de The Comsat Angels (1982)

Après les ténèbres, voici la lumière.


Comme The Top fut un moyen d’échapper aux démons de Pornography pour le gang de Robert Smith, Fiction est l’échappatoire qu’il fallait aux Comsat Angels afin d’éviter de sombrer dans la dépression. Stephen Fellows était sans équivoque sur le sujet. Il ne se voyait pas enregistrer de nouveau un disque aussi intense que Sleep No More. Si tel avait été le cas, cela les aurait conduits à la folie ou pire encore.


Ce style de raisonnement n’est pas toujours rassurant. En effet, combien de groupes se sont plantés en cherchant à s’adoucir après avoir enregistré leur magnum opus ? Beaucoup. Beaucoup trop même.
Seulement, il ne faut pas plus de quelques minutes pour se rendre compte que nous avons tout faux au sujet de cette sortie. Fiction est excellent et il nous le prouve dès son introduction.


“When the sky-full of tears. Is threatening to fall. Don't stand in the way. Come inside, close the door. The sky will clear again. After the rain…”.


Impossible de faire plus explicites que ces paroles. « After the Rain » est une merveilleuse ballade solaire. Tellement lumineuse qu’elle chasse les ombres qui avaient envahi le cœur des concepteurs de Sleep No More. La voix de Fellows est métamorphosée sur cette chanson. Évoluant dans un registre plus intimiste, elle affiche un mimétisme troublant avec celle de Rob Dickinson du groupe Catherine Wheel. Un titre dream pop et psychédélique qui semble avoir influencé une des meilleures formations du shoegaze, vous voyez le topo ? Même constatation concernant « Pictures ». Une composition lente et atmosphérique proche de l’ambient évoquant les moments crémeux de Bark Psychosis. C’est à se demander pourquoi aucun journaliste digne de ce nom n’ait cherché à exhumer cette bande bien plus influente qu’on ne le croit.


Le reste de l’album évolue dans un registre plus familier avec les Anges de Comsat en dépit de ce nouveau son, psyché et éthéré, annonçant les Chameleons et For Against (le presque planant « Not A Word »). En fait, toute la réussite de Fiction tient dans un seul domaine : l’écriture. Les morceaux ont beau être plus soft qu’auparavant, l’efficacité des mélodies (le refrain addictif de « Zinger ») est exemplaire. Les idées fusent également de toutes parts dans les cerveaux frais et imaginatifs de ces Anglais. Il suffit d’écouter la rythmique tribale de « Pictures », celle, trépidante, de « Don't Look Now » ou ce faux reggae triste qu’est « Now I Know ». Même Police, dans ses moments les plus mélancoliques, n’est pas parvenu à composer une pièce aussi poignante.


En vérité, ce disque est presque aussi grand que le précédent. Vous l’avez compris, tout est dans le presque. « Ju Ju Money » est raté à cause de son refrain poussif. Il aurait été plus judicieux de la remplacer par le fabuleux single « It's History » qui n’apparait pas sur cet album ! C’est dommage car il s’agit du seul titre à faire tâche dans cet enchaînement de chansons magistralement écrites et interprétées.
Parce qu’il ne faut pas oublier le casting derrière cette œuvre éclipsée par la concurrence (mais pour quelle raison ?). Une rythmique très inventive (rien que la basse est extraordinaire), des guitares au son cristallin sans équivalent à cette époque et surtout cette voix...
Si Stephen Fellows était incroyable sur Sleep No More, ici, il est immense ! Émouvante, déchirante et enveloppante, son interprétation en fait une des voix les plus vitales des années 1980. Mais également une des moins connues !


Voilà le triste sort réservé à ce quatuor qui fut oublié dans les cachots de cette décennie sans aucune raison valable. A ce sujet, mettez-vous « What Else!? » dans les cages à miel et vous comprendrez pourquoi je tiens tant à le réhabiliter. Si vous n’avez pas le moindre frisson ou une boule dans la gorge lorsque Fellows lâche son "there's always something else!!", cela signifie qu’il est temps pour vous d’écouter uniquement de la musique instrumentale.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 13 oct. 2017

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