Profond et mélancolique

18 ans après son dernier album , Danielle Charaudeau, 60 ans, est ramenée à la vie musicale en 2003 par le décidément omniprésent Benjamin Biolay.

Elle débute comme actrice à la toute fin des années 50, et se rebaptise Valérie Lagrange. Elle le prouve en posant nue dans la paille sur la toute première couverture du magazine Lui en 1963.
Elle perce dans la chanson aussi, avec notamment l'étonnante "me fais tu l'amour ou bien la Guerilla" aux accents folkloriques sud américains-Tequila écrite par Gainsbourg en 1965.
Elle embrasse ensuite à pleins bras le mouvement hippie ("I love you so /Si ma chanson pouvait" en 1971) et plonge dans la vague des communautés artistiques peace and love Kerouac et tout.
Puis elle tourne rock’n’roll rebelle new wave à l'orée des 80s sous la houlette de son compagnon, le guitariste compositeur Ian Jelfs du groupe Alice ("Faut plus me la faire", succès en 1981)

Il y a toutefois une constante de fond chez Valérie : crier à l’homme de se ressaisir, de mieux se respecter, lui et ce qui l’entoure. C’est une chanteuse à textes, à hargne, à cœur. Une Pasionaria.

Fin 89, Ian, très abîmé par les excès, tombe dans un coma dont il sortira muet et presque impotent. Valérie le prend sous son aile et patiemment lui réapprend tout. Aujourd’hui, Ian ne peut plus jouer de musique : il s’exprime en dessinant des vagues aux crayons de couleurs que l’on retrouve ici ou là sur la pochette de « Fleuve Congo ».

« Fleuve Congo » : l’album comme le titre, sont remplis de profondeur et de mélancolie.
Un choix de textes simples et forts, très forts : Lagrange, Biolay, Jammes, Kérouac, Rimbaud, Giraudoux ; tous autour des thèmes universels de l’amour, de la mort, de la mort de l’amour, de l’amour de la mort.
La chanson de Tessa (en duo avec B.Biolay), troublante épitaphe pleine de tendresse, de vie et d’espoir, est bouleversante (splendides arrangements de cordes).
Le texte de Kérouac (lu sur un simple accompagnement piano-bar) semble raconter l’« accident » de Ian .
La version gentiment orientale de la bouleversante Prière de Francis Jammes (sur une musique de Georges Brassens) lui donne une nouvelle facette.
On retrouve La Guerilla des débuts reprise en clin d'oeil
La maison sous les glycines (orchestrée façon Césaria Evora), comme une ultime étape en forme d’apaisement.
Mon amour pour toi, simple cri plein de passion intense.

Pour parler des arrangements, ils sont variés, toujours subtils et d’une grande sensibilité.
De la très belle musique, de la très belle chanson qui élève le cœur et l’esprit.
Merci Valérie.