Faites-le taire

Je tombe des nues.

"Hang" était une de mes plus grosses attentes de l'année. Les trois albums de Foxygen étaient tous très intéressants : le premier était un bordel inouï complètement enragé, le suivant une merveille pop aux relents psyché et 60's délicieux, le troisième un imposant double album un peu enflé mais dont les arguments suffisaient à faire oublier les défauts.

"Hang", avec sa courte durée et ses 8 morceaux, s'annonçait comme un successeur passionnant dans la veine de deuxième (et meilleur) album du groupe. La pochette est très jolie et donnait envie d'écouter, l'album avait leaké et de toute façon je comptais l'acheter à sa sortie.

Sortie de route dès la première chanson, on se demande pourquoi le groupe se lance dans un truc aussi improbable, une grosse chanson de pop symphonique avec des bouts de soul dedans, que même les Stones à la fin des années 70 n'auraient pas osé. C'est surproduit, l'orchestre est parfaitement décoratif, Sam France se la pète au sommet du monde, quelque chose cloche d'emblée. Peut-être ils nous font une blague. Peut-être que la chanson va se désintégrer de l'intérieur, se salir un peu.

Bah non. Le reste de l'album suit cette pénible voie. Orchestrations léchées et opulentes, breaks incessants façon cabaret ou opérette, on nage entre la richesse indigeste des Moody Blues sans le génie mélodique, l'inventivité carton pâte de Queen ou de ELO sans la rigueur musicale qui va derrière, et des paroles indigentes beuglées par Sam France qui ne sait plus s'il doit imiter Lou Reed, Mick Jagger ou David Bowie et qui passe de l'un à l'autre constamment en en faisant des tonnes. C'est insupportable, c'est vain, c'est inutile, et si de temps en temps on est amusé par la tournure que prennent certains morceaux, ça reste juste parce qu'on ne sait pas ce qui leur est passé par la tête pour faire un disque aussi criard et anachronique. On se croirait dans une parodie hyper cynique de comédie musicale ou d'opera rock composé à la fin des seventies en s'inspirant des fifties mais produit comme dans les eighties. Le trou noir total.

Au bout d'un moment, après un morceau tellement délirant (America) que j'en étais physiquement fatigué, j'ai cru qu'on était vers la fin du disque alors que ce n'était que le milieu. Le reste est encore plus poussif, avec des improbables ballades geignardes et "tourmentées" de fin de comédie musicale qui sonnent complètement faux, un peu comme si le groupe avait regardé La La Land et décidé de faire leur propre OST sous ecstasy.

Le pire dans tout ça, c'est que je me dis que ça aurait pu marcher. Qu'il manque un truc pour que tout bascule du côté réussi de l'entreprise. Mais non, tout sonne calculé, faux, c'est le disque le moins spontané et honnête que j'ai entendu depuis des lustres, on dirait juste qu'ils se moquent de toute une tradition musicale en sabotant délibérément ce qu'ils font. Les passages qui font penser à Lou Reed le rendent monstrueux, ceux qui ressemblent aux Stones ressemblent aux pires moments de leur carrière. Ce disque respire la haine, ou pire, le mépris, et je le rejette violemment pour ça.

On sent que des montagnes de coke ont du passer par là, que Sam France ne se prend vraiment pas pour de la merde, mais ce suicide commercial est condamné à se vautrer lamentablement, voire à compromettre l'avenir du groupe (déjà tumultueux par le passé), alors que je garde un souvenir impérissable de leur passage sur scène au Pitchfork festival.

Pendez-le(s) haut et court.