De retour avec Harry Potter pour ce troisième (et meilleur) opus de la saga, avec aux commandes un Alfonso Cuaron plein d’idées qui nous livre un matériau riche et dense avec son Prisonnier d’Azkaban. Poudlard est redésignée, et l’histoire amorce le plongeon vers les ténèbres, mais ce n’est pas une raison pour changer de compositeur : John Williams continue le travail et nous livre une Bo qui se démarque clairement des deux autres opus, mais dans le (très) bon sens du terme.

Déjà, la différence est nette : exit le quasi "mickey-mousing" valorisant la beauté de la magie, ainsi que les grands thèmes de la duologie (HP 1 et HP 2 sont jumeaux), on ne garde que le "Hedwig’s Theme" dans sa version la plus épurée pour les premières minutes du film pour faire le lien. Place à des créations plus intimistes. L’évolution de la musique suit parfaitement celle de la saga, à l’image du match de "Quidditch, Third Year". Beaucoup plus axé sur les cordes et les voix que sur les cuivres, qui se veulent fatalistes (tout comme le nouveau motif du Quidditch), le tout pour un rendu beaucoup plus sombre. C’est bien logique en théorie, mais assez complexe à appliquer quand on y pense, car trouver une continuité en abordant un monde musical quasiment distinct de l’œuvre précédente n’est pas chose aisé. Il s’agit de la grande nouveauté d’HP 3.

Pour cela, il va bien évidemment préserver le côté magique de sa musique en gardant les mêmes instruments, mais va les exploiter différemment pour en retirer le côté démesurément enthousiaste cher aux premiers, où tout nous émerveillait (le thème du Patronus, audible dans "Patronus Light", en est un exemple : même noble avec ses voix, il reste assez soft). En effet, le changement vient du fait que c’est désormais un monde que l’on connait, que Harry connait (la magie n’est plus donnée en spectacle, mais fait partie du cadre) ; les grelots festifs n’ont désormais plus lieu d’être pour décrire les lieux : le merveilleux a seulement sa place pour décrire les nouveaux évènements (on n’est plus dans la découverte mais dans l’approfondissement). C’est pourquoi l’ambiance des scènes plus légères (le chant du début d’année, le premier cours d’Hagrid, …) ne tiendra plus du merveilleux, mais du folklorique. Par exemple, le thème de « Double Trouble » (dont les paroles viennent de Macbeth) décliné tout au long du film donne une ambiance assez médiévale (flûtes traditionnelles enjouées, clavecin, …), afin d’accompagner bon nombre de scènes grâce à sa légèreté évidente : le premier cours d’Hagrid avec "Hagrid The Professor" par exemple. Il se substitue donc aux morceaux à la Home Alone et Hook que nous proposaient les deux premiers opus.

De plus, le clavecin se substitue au célesta, en un sens, car s’il s’agit de sonorités relativement proches, elles n’ont clairement pas les mêmes effets : le célesta est l’instrument magique merveilleux par excellence, alors que le clavecin peut, en plus de ses accents légers et folkloriques, procurer la peur et le mystère dans les moments décisifs (le thème de Pettigrew, pour ne citer que lui, très efficace durant l'escapade nocturne d'Harry).

En effet, lorsque la musique s’anime et développe retranscrit la beauté de la magie, elle n’exprime plus la même chose : l’ensemble est posé, et se rapproche plus des sentiments que peut éprouver notre héros plutôt que de la beauté de la situation en elle-même (seul "Leaving Hogwart’s" avait ce rôle, mais les sentiments vécus étaient plus enfantins que ceux développés dans ce troisième opus). Cela se retranscrit par une valorisation de la flûte, qui se rapproche du personnnage, en particulier lorsqu’elle joue un thème lent et mélancolique qui dégage une beauté évidente : le thème du Passé. Etant le principal enjeu de cet épisode, la recherche de ses origines et la découverte des amis de ses parents sont parfaitement retranscrit dans un thème, "A Window To The Past". Il intervient à chaque évocation de son passé sous des formes diverses et variées (comme un rêve lors de sa première apparition avec la photo chez les Durleys avec sa note continue au violon et son motif au célesta, mélancolique sur le pont avec Lupin dans "A Window To The Past" et majestueux dans « Finale » avec Sirius).

Toutefois, la terreur est aussi au rendez-vous surtout dans l’acte décisif (ou les actes ^^) avec des cordes qui s’énervent avec des cuivres aux sonorités plus corrosives ("Lupin's Transformation and Chasing Scabbers", "The Werewolf Scene"). Également avec les attaques des Détraqueurs, où la musique monte en intensité en attendant pendant tout le film que les voix du Patronus prennent le relais (elle s’arrête net avant ça). Cela se ressent dans les musiques d’actions qui ne sont en rien accentuées sur l’épique, où sur la potentialité d’un exploit : on ne ressent ici que le danger ("Quidditch, Third Year").

Enfin, l’ensemble, film comme musique, n’en reste pas moins dénué d’humour, comme en témoigne les nombreuses créations annexes qui viennent dynamiser le film par moments : la valse pompeuse "Aunt Marge’s Waltz", la deuxième partie de "The Whomping Willow and The Snowball Fight" et le délire absolu de "The Knight Bus" (avec l’anecdotique thème de Stan Rocade introduisant une musique ultra-jazzy ; tout comme le premier cours de Lupin, avec une musique dynamique qui ressemble au "Sing Sing Sing" de Luis Prima).

Beaucoup plus intime et proche de ses personnages ("Lupin’s Transformation and Chasing Scabbers"), Williams ose la redéfinition complète du style Potter en communiquant différemment avec son orchestre : le style se veut moins enthousiaste, mais pas moins plus que plaisant. Dans tous les cas, chaque registre est maîtrisé, et la musique accompagne bien le film vers son objectif, en faisant preuve d’une innovation qui diversifie plus encore l’univers musical d’Harry Potter. Une grande réussite =)
Soundtrax
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Williams' Wondrous World

Créée

le 29 juin 2014

Critique lue 592 fois

6 j'aime

3 commentaires

Soundtrax

Écrit par

Critique lue 592 fois

6
3

D'autres avis sur Harry Potter and the Prisoner of Azkaban: Original Motion Picture Soundtrack (OST)

Du même critique