Cet album, il faut l'écouter à 8h, au réveil avec une tasse de café fumante, tu sais cette odeur qui grise l'esprit encore brumeux de la nuit ? Il y aurait un grand soleil orange sur une table en bois, et il pleuvrait des haikus. Ca commence doucement avec Man On Fire, Edward te berce encore un peu avant de sautiller énergiquement dans son costume blanc. Mais tu t'arrêtes avant la dernière chanson.


A 10h, c'est bien aussi. Aucune centrale nucléaire ne peut fournir autant d'énergie. Alors tu recommences à la première chanson. Tu te mets à sauter, à sourire bêtement. Parfois même, l'envie folle de faire des câlins aux inconnus croisés sur ton chemin te prends. Il est beaucoup trop tôt pour la dernière chanson, il faut attendre.


Et puis là, BIM ! Le grand soleil orange est au milieu du grand ciel bleu, il est 12h. Ca mérite un autre round. En attendant que tes poivrons de toutes les couleurs cuisent, tu chantes un peu, tu danses beaucoup en faisant attention à ne pas renverser le verre de je ne sais quelle boisson festive que tu t'es servi(e) avant de lancer l'album pour la 3ème fois de la journée. C'est le moment d'écouter I Don't Wanna Pray en boucle. Toujours pas la dernière chanson.


L'après-midi se passe tranquillement, doucement, lentement. Tu sors, histoire de voir ce qu'il en est du reste du monde. Il y a toujours un grand soleil orange dans un grand ciel bleu. C'est peut-être le moment d'écouter de plus près, tu t'aperçois que les morceaux sont très bien foutus, qu'il y a plein de couches instrumentales différentes et qu'aucune n'est en trop. La précision et la subtilité du haïku. C'est très tentant, mais il faut attendre encore un peu pour la dernière chanson.


On approche le début de soirée, la lumière commence à être vraiment, vraiment belle. Et tu sens quelque chose qui monte, ça vient de nulle part mais c'est très puissant, très intense. Tu sais plus trop si tu as envie de rire, de pleurer un peu, de voler, de courir, de grimper aux arbres. Mais les copaings arrivent, ils sont beaux, bienveillants, lumineux et eux aussi ils ont ce truc quelque part dans leur carcasse. Ca commence à devenir fou. Ca y est, tu commences à sentir ton appartenance au cosmos (si, si, je t'assure), tu te sens bien dans ta maison, tu es chez toi partout où tu vas. Tout est incroyablement beau, tu te demandes comment un amas de chair peut en arriver à un tel point de bouillonnement émotionnel. Hors du temps, il y a le grand soleil orange qui descend dans le grand ciel violet. Il est toujours généreusement chaud, et c'est dommage qu'il ne soit pas comme ça pendant tout le reste de la journée. On se rapproche de la dernière chanson.


Et voilà, maintenant la nuit est tombée et c'est très réjouissant. La nuit dure toujours plus longtemps que tout le reste, c'est l'éternité qui s'offre à toi. Ca chante, ça crie, ça danse, ça trépigne de partout. "Il pouvait à peine sortir un mot tellement ça l'excitait de vivre" - voilà, c'est ça, c'est exactement ça, t'en peux plus tellement tu es présent partout, Kerouac avait dû écouter Edward Sharpe. C'est tellement fort que l'esprit n'arrive pas à conceptualiser la sensation physique, ce truc quelque part entre les poumons, le coeur et le diaphragme, qui te secoue de droite à gauche. Bras levés vers le ciel, tu te mets à chanter si fort que même un orchestre militaire ne pourrait te faire taire. Et, magie, ça reste harmonieux. Les copaings font pareil, et voilà une troupe d'illuminés qui hurle vers les étoiles, tout ça parce qu'un groupe de musiciens un peu perchés a su parfaitement arranger la trompette avec tout un tas d'harmonies vocales sur quelques chansons prophétiques.


Et puis tu commences un peu à fatiguer, alors c'est l'heure de la contemplation des étoiles depuis la grande table en bois. Le moment de s'apercevoir que la journée qui vient de s'écouler aurait pu durer un an, tu n'y aurais vu que du feu. Tu te sens bien, absolument rien ne pourrait te faire descendre de la perche sur laquelle tu as grimpé. Il faudrait pouvoir partager ça avec tous tes semblables mais, franchement, il y a peu de chances qu'une langue assez riche existe dans le monde pour fournir des mots suffisamment corrects. Alors tant pis.
Mais il faut pas s'inquiéter, parce qu'à l'abri sous la voute céleste, calme et feutrée, ça y est, tu peux enfin te le permettre : All Wash Out. Bref vacarme pour commencer, et puis cette petite guitare toute douce. Edward qui se met à chanter comme s'il pleurait, facile de l'imaginer secouer ses mains vers le ciel en se dandinant (http://www.youtube.com/watch?v=p9x-J7QUIbw). Oh, la Voie Lactée ! Putain, tu flottes. Ca doit être les cuivres. Et puis ça redescends un peu, tu te ralentis à nouveau, en répétant la seule ligne du refrain. S'il ne fallait retenir qu'une chose de toutes les choses du monde, ce serait cette ligne. La chanson est terminée, toi tu continues, tu murmures, tu divagues, tu sais même plus où tu es, où tu pourrais bien être.


Home, sûrement.

DharmaBum
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le 1 oct. 2014

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