On monte en température avec Sunny Murray. Ils sont venus, ils sont tous là, Delcloo a envoyé Paul Alessandrini et le photographe Jacques Bisceglia quérir la bande à Shepp au festival d’Alger, celui-ci a signé un contrat d’exclusivité mondiale sauf pour les Etats-Unis. Un truc extraordinaire se prépare, jamais vu en France, en deux mois la fine fleur mondiale du jazz moderne va enregistrer à Paris une vingtaine d’album à un rythme effréné, vers la fin de la période jusqu’à un album par jour !
Ont-ils tous été conscients de ce qui se passait ? Une telle rencontre aurait pu engendrer l’uniformité, la ressemblance, la routine ! Non rien de tel, au contraire, le creuset est resté fécond, riche des rencontres et de la diversité…
Sunny Murray, une légende déjà, n’a-t-il pas réinventé le jeu de la batterie ? Redécouvert la puissance des cymbales ? Joué en dehors du temps pour mieux le défier ? Sunny Murray est un géant toujours en mouvement, son corps en entier est dans l’effort, il frappe, frappe, toujours, en continu en riant du tempo et de la continuité rythmique, jouant des intensités, force et puissance maîtrisées seront sa marque, devenant, quand il joua dans son orchestre, l’alter égo idéal d’Albert Ayler.
L’Afrique, oui l’Afrique, mais pas l’Afrique réelle, une Afrique rêvée et mythifiée, nourricière et riche de toutes les sagesses… Sunny Murray nous emmène, avec des mélodies simples, dans un foisonnement rythmique, traversé par le sifflement des flûtes de toutes sortes, vers une série de sommets paroxysmiques, jouant de mille percussions et de sons répétitifs sur lesquels la voix de Jeanne Lee psalmodie, portée par le piano… Anches et cuivres petit à petit s’ajoutent, Shepp tire et emmène la masse vrombissante vers un sommet du Spiritual Jazz !