Hyperborea
7.4
Hyperborea

Album de Tangerine Dream (1983)

L’aigle blanc permet enfin à Tangerine Dream de s’envoler vers les cîmes que Joannes Schmoelling rêve d’atteindre depuis son intégration au sein du trio. Hyperborea poursuit dans cette lancée. Lui aussi constitué de quatre titres, il reprend les recettes électroniques façonnées une année plus tôt par le trio berlinois : froides, les sonorités s’ammoncellent dans un halo musical de haute volée, appuyées par la production claire dont les pourtours témoignent d’une incroyable impression de grandeur.

Dans la mythologie, l’Hyperborée est cette terre inatteignable où la nuit n’est pas, terrassée par le soleil à longueur de temps, où l’or se pèse par centaines de tonnes, où les griffons sont domptés par la vaillance des hyperborréens. Une sorte d’El Dorado pour inuits, si l’on veut. Tangerine Dream, à partir des premières mesures de « No Man’s Land », établit sa version du mythe, à travers ses couleurs new age et sa froideur désertique. Bien installées dans le paysage mandarinien, les sonorités synthétiques ne sonnent pas trop « eighties » comme c’était le cas sur le malheureux Exit. Cette fois-ci, comme pour White Eagle, elles servent un but précis, une ambition à la hauteur des grandeurs judicieusement visées par le trio. Complexes, entraînées et entraînantes, elles dirigent l’auditeur dans un vaste univers aux formes symétriques et multiples. De fait, Hyperborea est une des œuvres les plus multidimensionnelles de Tangerine Dream. L’instrumentalisation des morceaux, plus hétéroclite qu’auparavant (notamment sur « No Man’s Land » et « Cinnamon Road »), permet la mise en place d’un immense théatre des douceurs polaires. La bande son des hivers ensoleillés voit son paroxysme synesthésique dans la multiplicité des ambiances dépeintes dans « Sphinx Lightning ». Ses vingt minutes jouent des sens, des couleurs et des textures avec une aisance jamais vue chez Tangerine Dream. Par ailleurs, il s’agit là d’une excellente synthèse de l’œuvre du trio jusqu’à cette année 1983, année où, sans réelle autre raison que la lassitude, il quitte Virgin pour entamer les années bleues.

L’apport de Joannes Schmoelling sur Hyperborea est frappant à de nombreux niveaux : son romantisme électronique transcende chacun des quatres poèmes érigés à la gloire du synthétiseur. Belles et profondes, les odes s’enrichissent d’un approfondissement sonore de haute volée, qu’il s’agisse aussi bien de la portée des compositions où de la portée du simple son. Ce dernier atteint des horizons que la musique électronique n’avait jusqu’alors jamais osé regarder en face. En altérant l’aspect purement synthétisé de ses textures sonores, en y ajoutant une appréhension plus universelle (par moment empruntée à la world music), Tangerine Dream gagne en profondeur de ton et de propos.

Hyperborea signe la dernière collaboration entre TD et Virgin, mais de beaux jours restent devant le trio : il reste encore trois ans à Joannes Schmoelling avant de quitter le navire…
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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