Attention, ici on ne rigole pas. Arjen Anthony Lucassen est ambitieux, il veut pousser le concept album, l'opéra-rock au niveau supérieur. Une heure et demie de musique mélangeant les genres avec plein de solos de synthé et de ponts à la flûte. Un chanteur invité pour interpréter chaque personnage de l'histoire. Un narrateur pour raconter une histoire complexe. Des peintures de Jef Bartels peintes spécialement pour illustrer le livret qui accompagnera l'auditeur. L’œuvre totale vous-dis-je.


Lucassen n'en est pas à son coup d'essai : Into the Electric Castle est déjà le troisième album d'Ayreon. Mais c'est bien avec cette tentative que le néerlandais va enfin sortir de l'ombre et se faire reconnaître dans le monde du metal progressif.


Il y a d'abord ce concept étrange. 8 êtres humains en provenance de différentes époques historiques se trouvent réunis dans un lieu magique, guidés par une voix mystérieuse qui leur impose de réussir à rentrer dans le château électrique pour ne pas mourir, à la façon d'un Battle Royale ou d'un Hunger Games. On apprendra à la fin que cette "voix" est en fait celle d'un "Forever" (race extraterrestre qui sera développée dans les albums ultérieurs d'Ayreon, notamment 01011001) et que l'aventure de nos héros est en fait une expérience de cette race sur les émotions humaines.


Cette histoire à peine tirée par les cheveux est en fait un pur prétexte pour un album de folie : elle permet d'entendre la délicieuse Anneke Van Giersbergen (The Gathering) en égyptienne, Damian Wilson (Threshold) en chevalier médiéval, Arjen lui-même en hippie ou encore Fish (Marillion) en highlander écossais. Les 11 guests prestigieux de l'album contribueront grandement à son succès et chacune de leur interprétation est à la fois convaincante et musicalement réussie, malgré des personnages, il faut le dire, un peu cliché.


Mais l'histoire est aussi prétexte à ce qui est devenu la marque de fabrique de Lucassen, qui fait à la fois l'extraordinaire de ses compositions et leur crédibilité difficile : musicalement l'album part dans tous les sens, fixant sur une base déjà pas vraiment définie entre rock psyché et metal progressif, des instruments folks (vaguement justifiés par l'origine des personnages) et des expérimentations électro (vaguement justifiées par le futurisme de l'Electric Castle) à tout va...


Alors que certains albums du genre comme Light of Day, Day of Darkness ou Metropolis Part II sont comparables à des cathédrales ou chaque pierre a sa place et participe à l'élégance de la construction de l'ensemble, Into the Electric Castle est un palais baroque issus des fantaisies d'une princesse capricieuse, impressionnant d'abord de par la richesse, la variété de son architecture mais surtout parce qu'il arrive à ne pas s'effondrer sous le poids de toutes ces tours. Un peu comme le château sur la pochette.


De joyaux, l'album en est rempli, de l'entrée en matière Welcome to the New Dimension à l'adieu de Giersbergen l’égyptienne dans Valley of the Queen en passant par l'initiatique Across the Rainbow Bridge. On alterne les tons entre dramatique, épique, comique ou mystérieux, avec quelques unes des mélodies les plus mémorables du projet Ayreon.


Là où l'album pèche, c'est bien sûr dans le too much : comme dans un Disney, chaque scène sera l'occasion d'une chanson emphatique et d'une autre instrumentation expérimentale ; la durée de l'album (plus d'une heure et demie) finit par rendre épuisantes les discontinuités musicales et les éternelles surenchères.


C'est donc un album très exigeant, qui demande à l'auditeur une certaine oreille mais surtout une grande concentration et une certaine tolérance, mais, enfin parvenu au bout, à cet "Electric Castle", on est rarement déçu du voyage tellement il a été riche en rebondissements et en émerveillements !

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le 7 avr. 2015

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Nordkapp

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