Cet album, pas vraiment best of, pas vraiment album original non plus est idéal pour partir à la redécouverte d'un des plus grands poètes de la chanson française. Redécouverte tant il est vrai que Serge Lama a depuis trop longtemps été mis de côté, ne bénéficiant pas d'un amour des plus jeunes comme peuvent en connaître Brassens ou Brel, tout ça parce-qu'il n'est pas sur la fameuse photo... Sauf bien sûr s'il doit s'agir d'un amour post-mortem. La Balade Du Poète constitue alors un formidable « rappel à l'ordre », mélangeant sans complexe des morceaux live et des réorchestrations à quelques nouvelles chansons dont certaines ont été écrites à l'âge de dix ans.
Quel coffre, quelle voix, grave, si belle, nette et surtout, quelle articulation, quel bonheur de comprendre les paroles ! Elle ressort ici magnifiquement tant les arrangements, si l'on ne peut dire qu'il s'effacent (ils ne sont pas envahissants), arrivent à la mettre en valeur et nous font nous rendre compte qu'elle est à ranger à côté des plus grandes voix. On sent immédiatement les influences du chanteur que sont Piaf, Bécaud ou Brassens, elles ne sont pas d'aujourd'hui, mais Lama n'est pas pour autant pathétique, comme ont pu l'être certains chanteurs qui ont récemment tenté des retours en faisant « jeune », avec plus ou moins de réussite.
Lama n'a pas besoin de ça ni de personne, il a fait de splendides chansons et il le sait. Il lui suffit alors de quelques réarrangements pour nous dire : « Hé, vous pensez connaître ma musique ou plutôt, ne pas la connaître ? Alors écoutez ça et on en reparle ».
Mais c'est d'un poète qu'il est question ici et c'est quand même culloté d'implicitement s'autoproclamer poète dès la pochette de l'album, poète c'est un statut, un piédestal, une consécration. Il a cependant raison, il est poète, qu'on l'aime ou non, il pratique à merveille la science divine de la poésie, en ce sens que les alliances de mot lui permettent de suggérer des images qui vont au-delà du sens même de ces mots. Il ne s'arrête pas là, il joue également avec ces mots, bien sûr pas comme le faisait Raymond Devos mais quand même, il sait bien manier, jongler avec les sonorités. Tout ça bien mélangé fait qu'à chaque chanson on tend l'oreille, par curiosité, par gourmandise, on se sent aimé par le chanteur, valorisé dans notre intelligence et notre aptitude à comprendre le sens caché des textes. Trop de chanteurs oublient aujourd'hui que les paroles d'une chanson doivent faire sens, raconter quelque chose pour capter l'auditeur sur la durée. Serge Lama fait donc la pari que beaucoup d'entre nous n'ont pas encore oublié et perdu le goût de la langue française, pourvu qu'il réussisse ce pari auprès du plus grand nombre et au moins auprès de ceux qui liront ceci.
Jambalaya
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le 18 févr. 2013

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