Indéfinissable charme

L'instauration d'un genre musical taraude n'importe quel artiste maudit. La réputation, dudit genre, apportera toujours un ressenti quelconque. Prenons la pop. Soi-disant, élevée par les Beatles, elle aurait vampirisé soigneusement les contrées françaises, qui se refusent, encore, d'uniformiser la pop. L'industrie respecte, méticuleusement, la notion de "variété". Par exemple, Christophe, illustre artiste français, a toujours été étiqueté comme un chanteur de variété. Or, son art, tourné autour de la pop, a construit une génération. Daho, aussi, a théorisé, à sa façon, la pop. Françoise Hardy interrogeait également la pop, France Gall de même, et, ce, en invoquant l'influence de la pop anglaise. Ne sont-elles pas encore cataloguées dans la variété ? Certains ont toujours souhaité s'y complaire - le Doc, sur Première Consultation, appelait à le classer dans la variété - mais rares sont les exemples contemporains. La variété est-elle un faux genre ? La pop correspondrait-elle à une définition anglo-saxonne de la variété, telle qu'elle serait conçue en France ?

Par ces basses paroles, nous introduisons la thématique frappant notre esprit depuis la découverte de Thousand. En somme, le tunnel végétal respecte le projet fantasque d'une quête de sens, tenu par l'artiste Stéphane Milochevitch, où sont confrontés l'amour, la déception, le désir, le songe et le bonheur. L'illusion du rêve vivifie l'album par sa fulgurance et sa justesse. Néanmoins, nous constatons un paradoxe inhérent au concept. Chaque morceau déconstruit la sensibilité du personnage, concevant, jusqu'au bout, le tunnel, dont il souhaite s'échapper.

Chaque recoin du Tunnel touche au sensé. La sensibilité, maintenue telle une nécessité pourtant prégnante à l'univers, caractérise tous les instants de l’œuvre. Dans sa conception musicale, l'album diffuse des sonorités pop et folk, mais aucune n'est réellement tenable. En fait, il semblerait que l'album ne ressemble à rien de persistant, du sens où la musicalité transgresse la perception d'une telle écoute. Dans mon coin, je cogite, cherchant, par une expertise - trop - relative, des contre-exemples. Il me semble délicat d'apporter un champ commun à cet album. Du moins, en établissant une comparaison avec la scène française actuelle. Hors du temps, cet album correspond possiblement à un renouvellement de la pop française. Et, également, la preuve qu'un album concept peut encore être respectueux envers son auditeur. Nous n'oublierons pas de noter l'ambition de l'album.

Il est évident que l'imaginaire traité semble commun. De plus, les références sont évidentes. En guise d'exemple, nous trouvons le premier morceau, rappelant l'art de Bashung. L'imagerie, de ce morceau, présente également des problématiques communes aux réalisations virtuoses du défunt Alain. En aucun cas, ces références seraient désobligeantes. Sublimées et aimées, elles articulent habilement le projet, rendant compte d'un univers en constante évolution. Son exploration permet d'imaginer un tunnel végétal étrangement familier. L'univers serait-il si commun à nos attentes ? Ou, au contraire, la construction, aussi méthodique, d'un univers et d'une imagerie ne tiendrait-elle pas compte de la maîtrise de l'artiste ?

Il serait difficile, dans un temps, de répondre à ces interrogations. Nous laisserons notre perception se moduler suivant les saisons. Le charme, de cet album, restera, malgré tout, notre principale priorité dans l'élaboration, continuelle, de notre vision de la pop music.