Avant de se doter d’un président normal, la France avait « participativement » financé l’émergence du premier chanteur normal. Grégoire avait ainsi tout du monsieur tout-le-monde : un prénom passe-partout, un physique « Alain de loin » et une voix aussi mélodieuse que celle de votre voisin du dessous quand il prend sa douche. Monsieur tout-le-monde a d’ailleurs immédiatement adopté ce confrère, achetant son premier album par camions entiers. Alors pour toi, pour moi, pour eux et tous ceux qui le veulent, le chanteur sort aujourd’hui son troisième album, « Les roses de mon silence ».



Un titre bien joli, à défaut d’être immédiatement compréhensible. Poétique. Plus travaillé, malheureusement, que les textes de l’album lui-même. Plus encore que sur la voix (toujours aussi éraillée, toujours aussi défaillante ; on aime ou pas), c’est en effet sur les textes que Grégoire se montrait le plus perfectible et que nous espérions une embellie. Il n’en est rien, et la malédiction ayant plombé les deux albums précédents reste la même : un texte peut tuer une mélodie, aussi jolie soit-elle. Aussi, si l’on note bien quelques tentatives de renouveau musical avec l’introduction d’un clavier à la Super Pop Corn sur « Capricieuse », d’un accordéon (« Les Roses de mon silence ») et même d’une cornemuse (ambiance « Lacs du Connemara » sur « Viens avec moi »), on bloque surtout sur la pauvreté des paroles, qui n’auraient même pas gagnées à être chantées en anglais. Titulaire d’un diplôme d’allemand, le monsieur est un adepte de la déclinaison et construit donc toutes ses chansons autour d’une reprise infinie et lourdingue de la phrase de titre, débouchant sur des records époustouflants comme les 33 occurrences de « C’est pas » pour 2 minutes 31 de chanson (qui fait donc presque aussi bien que les 46 reprises de « Elle est » en 2 minutes et 36 secondes). Autant dire que les chansons de Grégoire portent bien leur titre.

Greffez à cela des rimes encore plus pauvres que celles de Grand Corps Malade, et vous obtiendrez ainsi certains refrains aussi légers qu’un bol de Fitness nature, dont nous avons la gentillesse de ne rien vous dévoiler pour mieux vous laisser le bonheur de la découverte. Reste que, parfois, fatigué par tant d’efforts de composition, le monsieur se laisse aller et tombe dans la facilité de l’auto-recyclage (« Lève-toi », qui n’est autre que « Toi+Moi » avec un masque). On vous laisse vous faire votre propre avis sur la chanson centrale de l’album : « La plus belle maman ». Sur 17 titres, le rire se transforme vite en agacement, d’autant plus que certaines mélodies avaient un vrai potentiel. L’avantage d’une tracklist aussi longue, c’est en effet qu’il y a forcément une ou deux exceptions à ce grand brassage de vide : « Coup du sort » qui, malgré une mélodie de kermesse qui fera fureur auprès des prochains Enfoirés, jouit d’une véritable énergie et de paroles tout à fait acceptables, tout comme « Capricieuse », qui pousse même le vice jusqu’à titiller l’oreille avec délice et rendre la chanson plutôt addictive.

Véritable yéyé des temps modernes, Grégoire propose donc un album de chansons courtes et con-cons. Elle est là, en fin de compte, la signification du titre de cet album : le silence –de Grégoire- est d’or.
CLaze
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le 22 mai 2014

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