Quand Archie s'apaise, il devient émouvant...

Archie Shepp aime le Free Jazz. Il aime Coltrane. Il aime innover et déposer haut-perchées les notes de son saxophone.


Le concert Let my people go ne s'inscrit que partiellement dans cette mouvance. A croire que la fougue n'est plus du côté de la jeunesse.
Car le piano de Jason Moran semble lui fournir le tempo qui stabilise et adoucit son art.
Exit le Free Jazz.
Le duo présente donc une inspiration "coltranienne" très apaisée et bien moins déconstruite que ce à quoi l'on pourrait s'attendre d'Archie Shepp.


Bien sûr le saxophoniste prend toujours un malin plaisir à "coincer" les aigus comme la plainte d'un canard qui se ferait déplumer.
Mais :
- la mélodie globalement très mélancolique reste toujours présente.
- l'émotion respire dans tous les morceaux, forte et fébrile à la fois.


Ainsi les 2 artistes subliment le morceau du maître Coltrane "Wise One" (issu de l'album Crescent).
Sur 13 minutes, Archie fait s'envoler ses phrases musicales avec délicatesse et douleur
Jason - à l'accompagnement d'abord puis en soliste - restabilise et semble ouvrir une perspective rassénée.
Et les impromptus de style Free Jazz se font plus discrets, très courts et s'insèrent magnifiquement dans l'ensemble pour lui donner plus de puissance.


On pourra noter au-delà du morceau central :
- l'album est donc un hommage aux maîtres du jazz et fait la part belle aux reprises : Coltrane donc, mais aussi Ellington et Monk.
Parmi elles se distingue la réinvention du morceau Go Down Moses d'Armstrong.
Une manière pour Archie Shepp de continuer à s'inscrire dans le "Black Arts Movement".
Le morceau est totalement déconstruit et reconstruit au saxophone et au piano. Pour ne conserver et n'entonner qu'un long couplet musical, qui va crescendo. Toujours avec cet esprit de puissance déstructurée qui n'en conserve pas moins sa cohérence, sa fébrilité.
- plus anecdotique, la composition du duo Sometimes I feel like a motherless child.
D'une tristesse infinie et sur laquelle Archie Shepp chante son désespoir.


Bref un très beau concert plein de subtilité.

Raider55
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le 14 oct. 2021

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