utant ne pas se voiler la face: cette reformation 'âge d’or' de Guided By Voices sent l’opportunisme à plein nez (c’est le principe en même temps...). Les albums de Boston Spaceships, pourtant réussis (comme le très bon Brown Submarine ou encore Our Cubehouse Still Rocks), sortant dans une indifférence quasi générale et les disques solos de Robert Pollard récoltant encore moins d’enthousiasme, la solution est toute trouvée pour relancer la carrière du songwriter insatiable. Coup de bol: en octobre 2010, Matador fête ses 21 balais et sollicite naturellement le groupe pour une soirée à Las-Vegas. Robert Pollard réuni pour l’occasion ce fameux line-up, dissous depuis 1996, et monte par là-dessus un tournée. Celle-ci s’avérant sold-out, il splitte Boston Spaceships et part en studio avec Guided By Voices courant 2011.
Sont donc de retour au bercail les guitaristes Tobin Sprout et Mitch Mitchell, le bassiste Greg Demos, le batteur Kevin Fennell ainsi que Jim Pollard, frère de, à la composition sur quelques morceaux. Bonne nouvelle, même si on peine à croire que ce line-up puisse à nouveau bricoler un album de la teneur de Propeller, Alien Lanes, Under The Bushes Under The Stars ou du mythique Bee Thousands. Autres temps, autre époque. Crainte confirmée par la sortie du premier single "The Unsinkable Fats Domino" (relatant les déboires du bluesman durant l'ouragan Katrina) qui ressemble à s’y méprendre à du Boston Spaceships malgré l’écriture à quatre mains. Les autres morceaux choisis pour figurer sur des singles, l’excellent "Chocolate Boy" et "Doughnut For A Snowman", sont du même tonneau: mélodies ciselées et petites nappes de synthé.
Tout ceci est bien sympathique mais point de Guided By Voices ici. Si l’amorce de l’album par "Laundry & Lasers" et "The Head" fleure bon la production amateur et l’enregistrement bancal, nada pour les ambiances si particulières du groupe. Il faut attendre "Spiderfighter", premier morceau écrit par Tobin Sprout pour retrouver des accords bizarroïdes et ce tissu mélodique typique, avec outro au piano façon Who en prime. Car voilà bien le sauveur de Let’s Go Eat The Factory avec ses cinq morceaux. On retiendra l’entêtant (ou agaçant selon l’humeur du moment) "Waves" mais surtout la ballade marmonnée "Who Invented The Sun" qui renoue avec l’atmosphère lunaire et décalée d’antan.
Pourtant, à plusieurs reprises, on sent le groupe pédaler après son glorieux passé. "Cyclone Utilities (Remember Your Birthday)", "God Loves Us" ou encore les deux premiers morceaux possèdent cette patine faite de voix caverneuse et de mise en place incertaine. Les bizarreries avinées sont aussi de retour avec "The Things That Never Need" et "The Big Hat And Toy Show", les ballades cabossées également, jouées sur une guitare désaccordée comme il se doit, telles "Go Rolling Home" ou "The Room Taking Shape". Mais pourquoi sont-elles placées l’une après l’autre en fin de face B? Quand ces moments particuliers permettait d’écrouler une montée en puissance, ils sont ici complètement inoffensifs. L’articulation des 21 titres de Let’s Go Eat The Factory est peut-être la clé de ce semi-échec.
Mais certains titres réussis suffisent à sauver l’album. "Either Nelson", "We Won't Apologize For The Human Race" ou dans une moindre mesure "Imperial Racehorsing". Mais bizarrement, ces morceaux ressemblent plus à du Guided By Voices dernière époque et aurait d’avantage leur place sur Mag Earwhig! ou Earthquake Glue que sur les albums référentiels du groupe.
Finalement, cet album a surtout le mérite de proposer autre chose, même s’il prend racines quelques quinze années plus tôt. A l’heure où toutes les nouveautés sont oubliées en quelques semaines, on farfouille encore des mois après dans ce bazar pour en extirper de temps à autre une pépite passée inaperçue jusque-là. Et malgré les milliers de disques sortis par Robert Pollard depuis 2004, Let’s Go Eat The Factory est ce qui se rapproche tout de même le plus de son glorieux passé.
Ben_Vlm
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le 24 janv. 2014

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