DJ Momo fait partie des artistes à s'être illustrés sur la scène franco-belge des années 2013-2015 grâce à ses nombreux sets live en direct de Bagdad où il mixait des morceaux ma foi très variés : cela pouvait aller du gospell à Godflesh en passant -entre autres- par Godspeed you! Black Emperor, l'un des groupes fétiches de ce musicien musulman survolté. Cela dit, en fin d'année 2015, le bonhomme décide de prendre un revirement assez inattendu et risqué pour sa carrière en composant de la musique électronique, et plus particulièrement un sorte d'hybride entre une sorte d'acid house profonde et une espèce de post-synthpop désabusée bien que non moins juteuse et sucrée. En ressort un résultat assez inattendu et unique en son genre : l'album One Two Tree, sorti en décembre 2015, qui risque vite de s'affirmer comme une pierre angulaire dans le domaine de la post-eurobeat française de la seconde moitié des années 2000. Cela dit, si le public a tout de suite adopté le revirement technologique et musical de l'artiste franco-algérien (3000000000000 albums vendus en à peine 3 minutes 58, selon les chiffres du Nouvel Observateur au 11 janvier 2016, soit deux semaines seulement après la sortie de l'album); la critique américaine est, elle, bien plus en retrait. Elle irait jusqu'à qualifier cet album de "nul", voire même de "trop pourri". DJ Momo, ou Didier-Mohammed de son vrai nom; est fortement touché par cet échec critique et décide cette fois-ci de viser plus haut, de composer non pas une oeuvre populaire qui fasse bouger les fessiers de la plèbe, mais bel et bien un chef d'oeuvre qui allait révolutionner l'art moderne dans tous ses aspects.


C'est ainsi qu'après 4 mois de retrait dans les montagnes sibériennes pour recharger ses cosmos et réfléchir au réel sens de l'existence, notre DJ favori reprend ses platines et pond, en trois semaines et demi seulement, une oeuvre qui allait bouleverser l'univers voire même la France toute entière. Ce "Live au Stade Velodrome", enregistré intégralement en direct du Stade Velodrome où il a présenté pour la première fois les morceaux en question, est un revirement artistique plus violent encore que celui effectué avec One Two Tree. Fini les petites basslines funky, fini les petits dub dub électroniques aigus et mélodiques. DJ Momo nous sort un album pur et dure, de la techno 100% pur jus suivant une structure house rigide et implacable; sur lesquels viennent se poser une flopée d'expérimentations instrumentales et électroniques des plus diverses et variées. Alors bien sûr, çà et là sont disposés des interludes funky ou quelques petits morceaux plus légers et dansants pour calmer l'atmosphère générale de l'oeuvre, mais même dans ces moments plus "décontractés", on garde ce côté froid et imparable d'une musique qui a sa propre ambiance, ses propres codes.
Déroulant au fil de ses morceaux une atmosphère sombre et malsaine, l'album paraît tout d'abord à l'oreille comme une grotesque parodie d'un mauvais album du fin fond des années 90. Des gros kicks bien saturés, des vieux hat tout pourris, de la reverb à foison et des synthés plus entêtés et répétitifs que jamais; et nous voilà replongés dans l'enfer d'une époque pré-Bug-de-l'an-2000 qui ne mériterait pas forcément d'être remémorée.
Pourtant, en y regardant de plus près, l'album n'est rien de ce qu'il a l'air, et chaque morceau vient détruire le précédent tout en y ajoutant un petit supplément qui continue l'avancée dans cet univers hostile et bruyant mais indéniablement fascinant.
On a d'un côté Eating a boy, France post-Charlie et Arigato, qui viennent caresser l'oreille de l'auditeur avec leur côté funky et catchy qui plaira aux plus jeunes comme aux plus âgés. D'autre part, on a des morceaux beaucoup plus sales et bruyants comme Aerodynamix, Le séjour au Congo ou la fin du Taux de suicide au Congo, qui laissent présager un avenir apocalyptique et hanteront vos cauchemars les plus terribles et horribles. Enfin, entre les deux on a des morceaux plus tortueux, absurdes ou plus simplement malsains, comme Techno Pop qui pousse la répétition jusqu'à écoeurement jouissif, mais surtout Discotech qui installe une ambiance vraiment malaisante, faisant presque penser à un asile psychiatrique ou à une moite cellule de prison.
Cependant, au stade Vélodrome le 21 juin 2016, cet album a fait danser le peuple. La foule a tout de suite adopté ce bijou de musique électronique aussi délicat à aborder que très attachant. Et si dans vos oreilles seul dans votre chambre ça peut paraître ennuyeux, dans un stade rempli de milliers de personnes avec la fournaise au-dessus de vos têtes, ça démonte, je peux vous le dire car j'y étais. Il faut dire que l'album ne manque pas de morceaux EDM dansants : Elektrodanzing et Pablo le pâtissier sont des perles du genre, sans parler de Le Chantier qui repousse les limites du genre avec brio.
Je pourrais vous parler de chaque track, parce que chacune d'elle est passionnante et a connu une gestation difficile et tortueuse, mais ce serait vous gâcher la surprise de ce Live au Stade Velodrome que de vous en expliquer et décrire toutes les facettes une par une, sans vous laisser l'explorer de par vous même. (C'est pourtant ce que j'ai un peu fait, malgré moi...)


Cela dit je ne peux m'empêcher de parler du dernier morceau, ce mastodonte imposant et exigeant d'une dixaine de minutes, qui est en réalité une expérimentation noise pop autour d'un mashup au mauvais goût plus que douteux. L'instru de Game Over de Maître Gims avec le chant des Inconnus, ça peut vite faire peur et donner envie de jeter le CD à la poubelle. Cela dit, si on survit aux trois premières minutes et qu'on accorde au morceau une écoute attentive, on se rend vite compte que DJ Momo a été malin et que sur la longueur, son remix fonctionne à merveille. Alors certes ça pique les oreilles, ça enterre le bon goût six pieds sous terre et ça ferait rire même le plus mauvais compositeur électro des années 80... Mais c'est une expérience émotionnelle sans pareil que je conseille à tout grand amateur de musique.


Au final ce Live au Stade Vélodrome est un album très difficile à aborder mais très difficile à quitter aussi, tant il devient addictif. Un morceau pris à part n'a aucun intérêt, c'est l'ambiance globale qui rend chaque minute de l'oeuvre incroyable et transcendante, et c'est pour ça qu'en tant qu'album, l'oeuvre est merveilleusement bien pensée. Il s'agit d'un tout, et pas d'une vulgaire compilation de morceaux plus ou moins sympathiques comme pouvait l'être One Two Tree.
En tous cas peu importe que vous aimiez ou pas, je vous conseille de jeter une oreille à cet album, on pourrait lui trouver autant de qualités que de défauts certes; mais au final c'est une expérience unique en son genre et qui transcende toutes les limites imposées par la musique électronique de nos jours en revenant à la base du genre.


Sur ce, je m'en vais attendre avec impatience le prochain projet de DJ Momo, et j'espère qu'il sera aussi impressionnant et ambitieux que celui-ci.

SirilAnouna
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Albums

Créée

le 19 août 2016

Critique lue 235 fois

1 j'aime

SirilAnouna

Écrit par

Critique lue 235 fois

1

Du même critique

Stalker
SirilAnouna
1

Le pire film de tout l'univers

C'est le 8 juillet 1971 que le célèbre cinéaste Andreï Tarkovski se lance dans une quête impressionnante mais totalement folle : réaliser le pire film de tout l'Univers, et le faire passer auprès des...

le 17 avr. 2016

16 j'aime

8

Live au Stade Velodrome
SirilAnouna
10

Sound of the future

DJ Momo fait partie des artistes à s'être illustrés sur la scène franco-belge des années 2013-2015 grâce à ses nombreux sets live en direct de Bagdad où il mixait des morceaux ma foi très variés :...

le 19 août 2016

1 j'aime

Bu‐ikikaesu
SirilAnouna
2

L'hormone est à son maximum, de même que mon envie de suicide après avoir écouté ce vomi auditif

Je fais partie des personnes qui ont haï les deuxièmes opening et ending de Death Note. Déjà parce que ça colle pas du tout, mais alors PAS DU TOUT avec l'ambiance lente et envoûtante de l'animé...

le 10 mai 2016

1 j'aime

1