Recorded at Plaza Sound Studios, New York City,26, 27, 28 et 29août 1969.


Avec ces enregistrements du mois d’août 1969 nous touchons parmi les derniers documents sonores gravés en studio de la part d'Albert Ayler. Le dernier virage artistique important s’est déroulé avec New Grass et son cortège de polémiques. Albert persiste et signe avec cet album, celui-ci ne démontre pourtant pas une uniformité dans le style, il hésite entre un certain retour à la dimension du rhythm ‘n blues avec les chants de Mary Maria, une exploration free très décapante sur Masonic Inborn et des envolées teintées de rock sur Drudgery. Un album à plusieurs facettes, donc, sans doute assez inégal, mais avec son lot de bonnes surprises. On remarque la présence de deux bassistes, Bill Folwell (basse électrique) sur le canal gauche et Stafford James sur le canal droit. Tous les morceaux sont écrits par la compagne d’Albert, Mary Maria Parks.


Music Is The Healing Force Of The Universe ouvre l’album, le chant de Mary Maria se projette au-dessus des abysses creusés par le piano de Bobby Few, c’est un blues gorgé de vibrato, chanté avec force et puissance, mais à la recherche de son âme. La plainte vibre sans soutien tandis que le saxophone d’Albert se fait Coltranien, prolongeant la quête, Muhammad Ali porte le témoignage de l’héritage. Le morceau évoque aussi parmi les premiers efforts enregistrés de Pharoah Sanders dont les épaules croulent déjà sous le poids du père spirituel. C’est donc un morceau très intéressant, entre free et tradition, le mélange représentant à lui seul une prise de risque qui s’avère réussie, Albert Ayler est bouleversant au saxophone et, dans le duo qui l’unit à Mary Maria justifie à lui seul le choix artistique.


Le second morceau qui occupe la première face, Masonic Inborn (Part 1), est le principal morceau de bravoure de l’album. L’utilisation de la cornemuse par Albert Ayler suscite déjà la curiosité et l’intérêt, de la cornemuse free, voilà qui n’est pas très banal ! D’autant que plusieurs pistes enregistrées ont été superposées, créant un effet de masse sonore aux sonorités inhabituelles. Bobby Few improvise de longs solos accompagnés par la basse et la batterie de Mohammad Ali qui explore les rythmes les plus complexes. Ce mélange détonant développe une puissante énergie assez unique dans le petit monde du free.


A Man Is Like A Tree et Island Harvest n’ont hélas que peu d’intérêt, les paroles sont assez banales et la voix de Mary Maria est loin d’être transcendante sur ces compositions tout de même sauvées par les accompagnateurs. Oh! Love Of Life est un gospel chanté par Albert Ayler, on retrouve les traces de la technique vocale de Mary Maria dans le phrasé, mais avec un supplément d’âme qui fait la différence.


La véritable surprise c’est Drudgery, un blues électrique avec un excellent solo de guitare, très rock, de la part de Henry Vestine du groupe Canned Heat. Certains puristes y verront peut-être une accroche commerciale et feront la fine bouche, je pense plutôt qu’il ne faut pas bouder son plaisir et y voir une manifestation de joie festive, Albert Ayler a toujours été sincère dans sa musique, depuis ses premières compos où il intégrait des thèmes simples et même parfois naïfs, jusqu’à ce blues-rock décapant joué à l'automne de sa vie…


Un album inégal mais qui n’est pas sans intérêt.

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le 9 mars 2016

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