Naturellement

Quand celui que quelques critiques en manque d'inspiration et de points d'audition appelaient God ( Rapport à un tag dans le métro Londonien: "Clapton is God" et dont le surnom est surement le plus surestimé de l'histoire du Rock) repris le vieux (1965) morceau After Midnight de l'inconnu J.J.Cale, le producteur Audie Ashworth vit le moment pour J.J de balancer son premier album à la face encore hébétée de ces early 70's tâtonnantes et ainsi bénéficier du succès de la reprise Claptonienne.
J.J.Cale n'est pas un lapin de six semaines quand les premières sessions d'enregistrement ont lieu à la toute fin de l'an de grâce 1970. En effet le bonhomme d'Oklahoma City vient d'avoir la trentaine, possède derrière lui quelques singles (passés inaperçus) et une bonne expérience de la scène acquise dans quelques troquets fleurant bon le whisky bon marché et le cheeseburger réchauffé.
Connaissant le talent inné de mélodiste et la plume légère de Cale, Ashworth décide de pousser au cul le flegmatique Américain.

Cale n'est pas un rapide, il prend son temps, il se laisse aller tranquillement sur les chemins bucoliques de ce Country-Rock typique, il laisse lentement couler le temps comme ces vieux Blues languissants qui balancent en grinçant sur leur rocking-chair déchiré.
Les enregistrements prennent fin en Juin 71 et le disque sort en 1972.
L'album est fignolé dans le Moss Rose Studio à Nashville. Il est mûri paisiblement, ciselé avec simplicité par Cale.
Naturally est comme son auteur: Doux, calme et introverti. Il n'est rien de plus facile que de rentrer dans ce premier album de J.J.Cale. Ecouter Naturally c'est traverser les Etats-Unis en chaussons.
C'est la balade sauvage tranquilou bilou.
J.J. investit l'Americana. D'une main il vient caresser le Blues d'une patte de velours, tout en grattant délicatement sous le menton la Country des anciens.
Le Rock de J.J. se veut discret, en retrait, comme son maître, comme le jeu de guitare de son maître. Ce fameux Laid Back, ce jeu décontracté, toujours en arrière du temps, cette gratte douce et polie qui ne veut surtout pas déranger.
Cette guitare comme une caresse, un frôlement; une douce brise qui viendrait un peu rafraîchir l'été. C'est ça la guitare de Cale, effacée, timide mais solide et essentielle à l'équilibre des morceaux.
La simplicité règne en maître sur l'album. A la voix sensuelle et délicate de Cale s'ajoutent Piano, basse, guitares ou harmonica qui se mêlent, qui s'entremêlent avec douceur et crée cette ambiance apaisée, cette atmosphère ouatée qui baigne cette pépite d'une lumière ocre de soleil couchant.

Cet homme discret "qui reconnaît volontiers qu'il fait toujours un peu la même chose" vient d'ouvrir une nouvelle brèche dans ce Rock 70's qui se durcit, qui se radicalise musicalement.
Cale offre la fragilité au Rock, la douceur au Blues et la sérénité à la Folk.
L'homme malgré une timidité maladive, une humilité véritable qui le faisait fuir la célébrité inspire tout un pan non négligeable du Rock des années 70 ( Clapton lui piquera Cocaïne, Lynyrd Skynyrd reprendra Call Me The Breeze. Santana ou Johnny Cash se serviront également. Dire Straits et Mark Knopfler s'en inspireront directement.).
L'homme continuera son chemin humblement, publiera seize albums qu'il produira dans son studio. Seize albums qu'il peaufinera avec l'application et le professionnalisme de l'artisan passionné.

Jusqu'à ce 26 juillet 2013 où J.J.Cale, fatigué, partit faire partager son fameux laid back au plus haut des cieux.

En toute discrétion... Naturellement.

Magnolia

ou

After Midnight