A1-John Coltrane – One Down, One Up 12:28
Bass – Jimmy Garrison ; Drums – Elvin Jones ; Piano – McCoy Tyner ; Tenor Saxophone – John Coltrane
A2-Archie Shepp – Rufus (Swung His Face At Last To The Wind, Then His Neck Snapped 4:58
B1-Archie Shepp – Le Matin Des Noire 7:39
B2-Archie Shepp – Scag 3:04
B3-Archie Shepp – Call Me By My Rightful Name 6:19
Bass – Barre Phillips ; Drums – Joe Chambers ; Tenor Saxophone – Archie Shepp ; Vibraphone – Bobby Hutcherson


Cet album est le témoignage d’un concert donné au Festival de Newport en 1965 par le quartet de John Coltrane et le groupe d’Archie Shepp. N’espérez pas les entendre jouer ensemble, non, Coltrane signe la composition d’ouverture et Archie Shepp le reste de l’album. L’expression « New Thing », souvent utilisée pour parler du « free jazz », véhicule moins de préjugés et prend son origine dans le titre de cet album. Cet enregistrement se déroule trois semaines avant la prestation publique d’Antibes où John Coltrane jouera A love Suprême, avec les réactions que l’on connaît.


Après une introduction par Father Norman O’Connor qui présente les musiciens, le quartet historique de Coltrane ouvre l’album avec One Down, One Up. Court exposé du thème suivi par un solo de Mc Coy Tyner au piano, main gauche implacable, la basse est doublée par la voix de Jimmy que l’on entend dans le lointain, Elvin Jones est tout simplement phénoménal à la batterie, autant coloriste que rythmicien. L’énergie est là, la pulsion aussi, et même la tension… John Coltrane rejoint le trio et improvise un solo d’anthologie, incendiaire, prolongeant la quête, cherchant toujours plus loin, jusque dans le cri, la plainte, le bout du souffle, explorant le monde des possibles, se livrant totalement en un engagement entier comme il a toujours su le faire. Le quartet est gigantesque, phénoménal, alors que reste-t-il pour Archie Shepp ?


Et bien il reste une plage avant la fin de la première face, ce sera donc Rufus, ce morceau que John Coltrane a souhaité, sur l’album qu’Archie Shepp lui a dédié, Four for Trane. Le producteur Bob Thiele n’en voulait pas, mais Coltrane a tenu à ce que cette composition signée Archie Shepp fasse partie de l’album. Cette pièce dénonçant le lynchage des noirs marque déjà son engagement politique. Archie Shepp se veut militant. Sans doute s’inscrit- il dans un autre registre en ne cherchant pas à rivaliser avec l’ouragan John Coltrane, et le blues est là et c’est beau, la simplicité suffit.


Le matin des noire (sans le « s ») est magnifique, l’une des compositions que je préfère chez Archie Shepp. Un savant mélange d’espoir et de tristesse, ce morceau qui sera à l’origine d’une rencontre qui scellera plus tard son amitié avec le pianiste français Siegfried Kessler qui restera dix ans à ses côtés… Sur cet enregistrement le vibraphone de Bobby Hutcherson est à la fois simple et magique, sans virtuosité particulière, il crée à lui seul un climat fait de tension et même d’inquiétude, répétitif et lancinant, jouant avec entêtement invariablement les même notes, jusqu’à l’hypnotisme. Le saxo d’Archie, en sons très aigus ou très graves, par petites touches bluesy brode sa plainte en restructurant un air, en forgeant une mélodie, brisure de rythme, soudain tout s’accélère puis repose, sur une note apaisée…


Scag débute par une intro envoûtante de Barre Philips à la basse, accompagné par quelques notes inquiétantes de Bobby Hutcherson au vibraphone, tendres et déchirées. Joe Chambers dévoile sa palette de coloriste avisé, ajoute quelques tintements de cymbales et participe au climat lourd et tendu qui s’installe durablement. Dramaturge, il accompagne Archie Shepp pendant que celui-ci délivre son poème sur la vie des junkies accrocs à l’héroïne et vivant dans sa dépendance…


Call Me By My Rightful Name termine l’album de la meilleure des façons, un magnifique thème joué avec le cœur. Une nouvelle fois Shepp se démarque de la démarche Coltranienne, tant que faire se peut, puisant chez les anciens ce qui fera sa signature, sa marque et son style. Sa grandeur est là. Le jeu d’Hutcherson est également superbe et, si vous êtes circonspect face au vibraphone, c’est l’album qu’il vous faut pour changer d’avis. Pas mieux.


Très bel album.

xeres
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le 4 mars 2017

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