Institution du black/death en Pologne, Throneum aligne une très jolie discographie avec dix albums en vingt ans et une pelleté de splits conclus avec d’autres missionaires de leur école de pensée : boucs, bières, cartouchières, noms de scène à la Blasphemy et pochettes réalisées par Thorncross. En plus de cette longévité respectable, ses membres successifs ont toujours eu un CV bien garni. Citons à l’envie Infernal War, Anima Damnata, Azarath, ou encore Arkona (le polonais). Encore une fois, une grosse majorité de formations black/death où le grand cornu est la superstar.


La seule fois que j’ai chroniqué Throneum dans le passé, c’était un live bootleg totalement inaudible (Anti Life Celebration) qui a eu l’insigne honneur d’appartenir à la catégorie des 0/6. Ce groupe ne mérite bien sûr absolument pas d’être réduit à cette triste statistique. Car l’écoute d’un album du trio polonais est presque toujours un plaisir coupable. Leur black metal blindé de feeling death et de plans thrash old school ont souvent donné aux auditeurs le loisir de les comparer assez régulièrement aux mythiques Nunslaughter. Des titres courts, sacrément énergiques qui donnent envie d’enfiler cuir et bracelets à clous. Basse ronde et ronronnante, un chant avec une énergie punk, des soli rock’n’roll. En revanche, l’ambiance s’inscrit vraiment chez Possessed et tous les groupes black metal qui comportent Goat dans leur nom. Un esprit plus sérieux et plus vindicatif donc au service d’une atmosphère réellement démoniaque. Les amateurs seront d’ailleurs comblés par un Death Throne Entities ou un Mutiny Of Death.


On aurait pu s’attendre à voir le groupe copier à l’infini cette formule mais cela fait depuis peu qu’une évolution se ressent dans la musique de Throneum. La longueur des pistes s’étire quelque peu depuis O*rganic Death Temple MMXVI* sorti… en 2016 justement. Sur l’album suivant parvenu deux ans plus tard, The Tight Deathrope Act Over Rubicon enregistre une baisse notable de la coolitude au profit d’ambiances plus nécrosées, de riffs plus lourds et dissonants. Les leads dissonants gâtés par le vice et attaquent des structures classiques et des breaks froids et démoniaques font leur apparition. Un album organique et habité par l’occulte. Les aficionados du genre seront tous d’accord pour convenir qu’il s’agit d’un bon album.


Oh Death... Oh Death... Determinate, Preach and Lead Us Astray… pousse la logique jusqu’au bout. Malgré un démarrage en trombe, il faut se rendre à l’évidence une fois la première écoute terminée. Finis les titres courts de moins de trois minutes et la baston à la Nunslaughter. Place à de longues incantations atteignant parfois le quart d’heure entrecoupés d’interludes atmosphériques. Le tempo a quant à lui bien baissé en intensité avec une majorité de plans mid-tempo. Les thrashos ont laissé place à un black metal agrémenté de death rampant et limite doom par moments. L’effet bœuf des guitares mixées en avant avec gros riffs percutants de Mutiny Of Death a laissé place à un mixage plus magmatique. L’excellent Alpha : Soulside-Space-Stream permet de se rendre compte de ce retournement à presque cent quatre-vingts degrés. La batterie est bien plus présente avec ses rythmiques dignes de tambours infernaux, simples mais efficaces. Malgré leur passif bestial, la présence de riffs lents égrainent une dissonance bienvenue sans effets de manche, toujours simples mais efficaces.


Opportunisme devant la synergie des productions Dark Descent et consorts ? Pas vraiment. L’écriture du disque est déséquilibrée de prime abord, voire bancale ? Peut-être mais pas que. On est surpris par ce Oh Death... qui semble au départ atterrir comme une mouche dans le lait mais positivement. Comme je l’ai dit plus haut, l’évolution est logique depuis 2016. Évidemment, dans le style on pourra toujours trouver des œuvres qui abordent cet angle d’attaque avec plus de génie, plus d’épaisseur. Mais Throneum a une patte bien à lui, Delta: Self-Appointed-Grandeur en est d’ailleurs très représentative. Son apparent amateurisme ajoute au contraire une vraie valeur ajoutée, un désagrément qui repousse au départ mais sur lequel on revient. Qu’il s’agisse des blasts téléphonés ou des breaks à base de chœurs étranges et de leads doomisants, on reconnaît une vraie singularité dans une mixture peu ragoutante qui pourtant prends très bien. Les phases lentes, à renfort de cordes réverbérées moches, de synthétiseurs bontempi qui succèdent sans arrêt à des accélérations nécrosées donnent une identité forte à un album boiteux. La laideur totale au service du black metal comme toujours. Et c’est réussi.


Même si j’avoue que Throneum n’a jamais fait partie de mes groupes préférés, sa profonde sincérité vis-à-vis d’un black/death sans concessions et son évident plaisir à faire déplaisir font de ce dixième album une œuvre intéressante à défaut d’être sublime. Au contraire, son sens du patchwork empreint d’immédiateté propre au genre pourra être apprécié par les amateurs à sa juste mesure.


Publié originairement sur le webzine Horns Up.

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le 4 juin 2021

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