Il y a des moments comme ça où j'ai une forte envie de bider dans cette grande arène qu'est le SensCritique game. Du coup, j'ai décidé de te parler de l'album d'un alias du producteur techno Shifted, sorti en cassette chez un label inconnu canadien qui n'édite que ça : Total Black. Si t'ajoutes à ça le fait que c'est un album de noise avec un graphisme minimaliste et une promotion inexistante, tu te doutes bien que dire que c'est confidentiel relève un peu de l'euphémisme. Je t'en cause quand même car ça me fait plaisir, peu importe si j'ai en matière de noise la même légitimité que Morandini quand il parle de physique quantique.


Une photo d'un barrage, deux compositions noise anonymes, et surtout une bonne grosse demi-heure de textures abrasives à souhait qui pourraient bien te vriller les tympans si tu n'y prend pas garde, voila comment on pourrait définir One Hundred Acres. Pourtant tout commence bien, avec ces drones et ces basses fréquences bien marquées, et aux textures tellement riches qu'on les croirait issues de fields recordings, voire directement sorties de l'album Andøya d'Eric Holm. Mais le truc c'est qu'on oublie jamais de te piquer de temps en temps le fond des oreilles à l'aide de pics dans les aigus, qui t'évitent de t'endormir et empêchent surtout la première composition de ressembler à une session de jam de Sunn O))) (encore que Stephen O'Malley aurait parfaitement pu faire ce qui se passe de 11:45 jusqu'à la fin de ce morceau).


Si t'en es arrivé à ce point là, à la fois dans ma critique et dans l'album, on peut se permettre d'être honnête : ouais, il se passe pas forcément grand chose, et certains passages du deuxième morceau pourraient limite faire penser de loin à des bruits d'aspirateur. En l'absence d'éléments me permettant d'expliquer tout cela (comprendre me cacher derrière de grands concepts foireux développés par le musicien), je vais juste en revenir à des choses très simples, à ces textures qui évoluent lentement, ces nappes qui passent et qui m'évoquent personnellement ce que pourrait proposer un Tim Hecker en train d'agoniser, lançant musicalement un dernier soupir avant de le rendre. On est loin du bagage techno de Shifted, et Guy Brewer prolonge ici ce travail sur les basses fréquences qu'il avait déjà commencé en 2013 avec A Luminous Veil, toujours sous le pseudonyme de Alexander Lewis


One Hundred Acres est clairement un album que l'on n'écoutera pas tous les jours, et seulement au casque afin de vivre pleinement la richesse de ces graves et de leurs variations minimes, et il figurera uniquement dans les sélections de fin d'année de ces gens pour qui analyser des synthés modulaires constitue le summum du fun, ainsi que des fans absolus de Shifted. Cela n'en reste pas moins une bonne voire une très bonne sortie, qui prouve que noise ne rime pas forcément avec tinnitus et montre que Shifted n'est pas qu'un bon producteur techno.


Sur mon tumblr : http://assholeignoramus.tumblr.com/post/119469140294/alexander-lewis-one-hundred-acres

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le 20 mai 2015

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