Une bataille - Le chant de mort de Ragnar épisode 3

1er épisode ici : https://www.senscritique.com/album/runaljod_ragnarok/critique/278049211

Episode 2 ici : https://www.senscritique.com/album/saga_de_ragnar_lodbrock/critique/274852325

Les pièces sont en place ! Au-dessus de la brume épaisse semblant issue d’un incendie terrible, un ciel sinistre terne et blafard comme un acier mal forgé strié de trainées jaunes orangées et traversé par un arc en ciel majestueux manifestation imaginaire de Dieux omnipotents, omniscients et omniprésents à tout esprit faible ou dérangé. En bas, sous cette masse démesurée, prélude à l’infini une lande morne mais belle, parsemée d’étangs bourbeux où fleurissent les Nepenthès et de rocs granitiques restes de géants de pierre éclatés dans une guerre ancienne entre les élémentaires fondateurs. L’horrible monotonie et la lugubre désolation des perspectives semblent si favorables à n’importe quelle tuerie. L’armée Angle fourbue est pressée de chasser les envahisseurs. Elle est forte d'une infanterie de six cents "soldats pions" encadrée et soutenue par une cavalerie lourde d'une centaine de pièces. Les fous sont là eux aussi incarnés par les « Ealdorman » Beornwulf et Ecgberht. Dévorés par l'ambition, le pouvoir et prêts à toutes les compromissions, ils sont malgré tout et pour cette circonstance au service du roi Æthelweard. Habile stratège ce dernier n'est pas dupe et sait que la partie sera serrée contre les Vikings mais surtout après la victoire espérée. Les ficelles qui les relient sont fragiles et n'existent que grâce à Ragnar. Dans toute partie d'échec il faut des tours. La première est Cenwulf maître de l'infanterie et la seconde son frère Ceolwulf maître de la cavalerie. Ils sont des forces de la nature, des géants que leurs chevaux peinent à porter et tous deux dévoués au roi. Ils se sont vus confiés les hommes de Beornwulf et d’Ecgberht afin de ne pas disperser les commandements, afin que les ordres émanent d'une seule tête. Enfin, tant qu’elle tient sur son tronc ! La balance donc n'est pas à l'équilibre et malgré le brouillard qui brise la vitesse d'une cavalerie, qui favorise le combat en petits groupes les vikings semblent mal engagés.

Æthelweard prend la parole :

- Cenwulf entends-tu ? La voix s'est tue !

- Oui mon roi et le choc des boucliers aussi.

Beornwulf de sa voix aigre :

- Ce brouillard n'est pas naturel, il s'est formé si vite ! Il est si dense et puis tous ces boulders ne vont pas non plus aider nos placements. Ils vont permettre à l'ennemi de se cacher, de surgir. Il nous faut trouver un espace vierge beaucoup plus grand qui nous permette grâce à notre avantage numérique de les renverser de les écraser et surtout de ne pas être gênés par ces rocs.

Ceolwulf à son frère :

- Ils sont tout prêts, il est temps pour moi de faire mouvement avec les chevaux nous ne pouvons rester avec la piétaille. Par Dieu, je connais ce pays, un peu plus loin les blocs se raréfient. Nous allons partir au trop et guetter. Si nous trouvons l’ennemi sur la route nous le balaierons. Mon roi ?

- Fais mouvement Ceolwulf, quant à nous, nous allons forcer l’allure et rester groupés avec les hommes. J’avoue que ces nordiques sont fous s’ils tentent quelque chose. Nous te rejoindrons très vite.

- Ta confiance fait plaisir à voir Æthelweard mais m’inquiète aussi. Ces animaux ne sont pas à prendre à la légère et puis cette voix, ces cris, ils se sont insinués dans l’esprit de nos hommes. Il vaudrait mieux faire marche arrière, trouver rapidement une position plus favorable et attendre que le damné fog se dissipe.

- Il n’est plus temps Ecgberht. Je sens presque leur odeur. Il est heure de batailler, de ferrailler et de vaincre ! Allez Ceolwulf va, Dieu t’accompagne !

Alors dans un grand fracas de sabots la cavalerie s’ébranle et se noie en quelques secondes dans le brouillard qui englue jusqu’aux pensées confuses des guerriers.

Le trot des chevaux forme une musique, une rythmique entrainante et malgré les fumées divines la cavalerie heureuse de faire mouvement retrouve assez vite un moral d’acier.

Derrière Cenwulf ordonne :

- Infanterie marche rapide, en avant !

La troupe malgré la fatigue force l’allure. Heureusement la pente est descendante, elle facilite l’effort des hommes. Après quelques minutes ils arrivent à hauteur d’un énorme bloc dont on ne distingue pas le haut. Au sol la masse imposante forme comme un bras détaché du corps, une anse qui s’élève du poing fermé jusqu’à l’épaule. Dans le creux intérieur du coude la mort veille, des hommes en transe patientent. Ils sont les bersekers ivres de frénésie rageuse, ivres d’attente et que Ragnar contient difficilement. Laissant passer une moitié des six cents Angle, ils chargent et percutent à la manière d’une boule de bowling explosant un set de quilles. Pas un mot, pas un cri juste le son du choc brutal comme le craquement d’une multitude d’os sous une contrainte insupportable. Les Dieux sourient. La charge est sévère, l’armée Angle est coupée en deux. Quelques cinquante fous de guerre nus et hurlant, faisant tournoyer leurs terribles doloires ont coupé l’infanterie d’Æthelweard puis sans se soucier de leur arrière il se tournent et poussent prenant de dos la moitié avant du groupe de Cenwulf. C’est à ce moment que Ragnar surgit avec le reste de ses hommes pour faire face à la moitié arrière protégeant du même coup le dos de ses bersekers. La mêlée est terrible.

Conduits par leur folie meurtrière les guerriers nus ne se battent pas côte à côte afin de ne pas se blesser entre eux car ils fauchent sans discrimination, presque au hasard. Leurs doloires, balaient, ratissent les chairs, les membres, les têtes et malgré leurs blessures ils n’arrêteront que quand la mort les emportera, quand le sourire des walkyries se posera sur leurs visages. Ils sont les Einherjar, ceux qui combattent seuls, les plus braves d’entre les braves. Loin d’eux la « mort de paille » ils tomberont sous les coups de l’ennemi, l’arme à la main. Freyja qui accompagne les fières et magnifiques walkyries relèvera tout à l’heure les morts pour les conduire à Asgard auprès d’Odin !

Le père de toutes choses les attend et ils le savent, leurs yeux flamboient. Comme un mirage flottant dans la brume ils aperçoivent déjà les fabuleuses déesses sur leurs chevaux piaffant. Elles ont entamé un chant divin qui soutient la fureur, qui nourrit la rage et anime la cadence de leurs bras. Alors encore tant qu’il reste un souffle de vie dans leurs corps, des armures se fendent, des bras volent, des têtes sont séparées de leurs troncs mais plus morbide que tout la couleur change et tout en cet espace restreint devient rouge. Au début c’est une pluie grasse, lourde qui ne tarde pas à s’amalgamer pour former une peinture monochrome terrible et fascinante. Nulle peur pour ces hommes convaincus s’ils meurent les armes à la main de s’attabler à la table d’Odin. Là est leur force, leur privilège, leur chance !

De son côté Ragnar n’est pas en reste. Avec sa centaine de guerriers il fait chanter les épées, rugir les haches et choquer les boucliers. Eux aussi deviennent rouges couverts par le sang de leurs ennemis mais aussi de leurs alliés. Les Angle se sont repris car la charge a coûté cher en blessures aux bersekers. Ils tombent les uns après les autres et sont piétinés. Curieusement la peur suscitée par les vikings a galvanisé leurs ennemis. Ils ont compris que leur seul salut résidait dans le combat, dans la victoire face à ces démons, ces païens ! Ils meurent aussi, en nombre mais affolés par la proximité de la faucheuse ceux qui restent continuent inlassablement de lutter pour leur vie et grâce à leur supériorité numérique, prennent l’avantage. Un voile noir danse, une faux géante circule et prélève son tribut. Ailleurs, loin les Nornes coupent, coupent, coupent...

Alors Ragnar et ses hommes peu à peu, malgré le prélèvement important de vies Angle se trouvent pris en tenaille et Cenwulf se trouve en face de l’homme aux braies velues. Le tumulte s’estompe. La bataille parait perdue mais par qui ?

Au cœur de la brume Ceolwulf galope avec ses hommes. Il n’est pas un simple colosse. Lancé au cœur du brouillard, il a fait semblant de s’éloigner puis effectué un mouvement tournant qui décrit un large demi-cercle. Avec sa troupe de cavaliers en armure il se rapproche de la bataille. Il a convenu avec son frère cette stratégie pour pousser les vikings à l’affrontement précoce puis par son retour les surprendre et les anéantir.

Soudain il entend une corne !

Ragnar a convoqué les wargs ! Au pied du bloc le roi serpent décide de s’occuper de Cenwulf. Ce dernier est presque aussi grand que lui mais apparait plus massif dans son armure à plaques. Autour les wargs montés ou pas font rage, se lançant du haut de blocs, déchirant des gorges, ouvrant des plaies profondes. Les cotes de mailles ne peuvent rien face à leurs crocs puissants et harassés les Angle sont bien trop lents pour les atteindre. La revanche de Ragnar se dessine ! Cenwulf s’est ramassé sur lui-même il se détend et frappe le roi serpent du haut vers le bas. Mais il est trop lent dans sa lourde armure, il y a de l’espace maintenant et cela est favorable aux guerriers légers. L’armure de Cenwulf est rouge. Il jette son heaume afin de pouvoir respirer mieux car ses poumons sont en feu et son épée à deux mains devient de plus en plus lourde. Alors Ragnar malgré quelques entailles légères se met à danser. Lourd lui aussi mais sans carapace gênante il est nettement plus mobile et sa science brutale de la guerre, de l’épée en font un adversaire épouvantable. En plusieurs coups très précis, il insinue la pointe de sa lame dans les jointures des plaques de l’armure de Cenwulf. Quatre « pointe » chirurgicales épaule, genou, épaule encore pour finir le pli de l’aine et son opposant est à genoux. Puis dans un bond fantastique Ragnar s’élève en rugissant « Odinnnnnnn ! ». Quand ses pieds nus retrouvent la boue rouge une tête se détache et roule.

A l’avant Beornwulf, Ecgberht et le roi Æthelweard se sont détachés avec une vingtaine d’hommes pour s’abriter un peu plus loin contre une falaise, dans un coin de roc noir. Pour l’instant il s’agit de mettre le roi et les nobles à l’abri. Ils combattront peut être et seulement s’ils y sont forcés. S’ils étaient pris ce serait la fin du rêve d’Æthelweard : unifier les peuples de la grande île ! De leur abri relatif ils entendent le fracas du combat.

Soudain un homme de la garde royale rugit :

- Sire, regardez, n’est-ce pas Ceolwulf ?

Un fracas de montures suit la voix de l’homme de troupe. En effet la cavalerie est revenue sur ses pas et sans hésiter malgré le brouillard le frère de Cenwulf a pris tous les risques en lançant le galop. Les cavaliers arrivent comme une harde de chiens de chasse et percutent la centaine d’hommes encore debout sur la scène du combat. Les quelques wargs restants sont tranchés, fauchés, les hommes sans distinction sont piétinés et tailladés. Il est réellement difficile pour les cavaliers tant le rouge a imprégné ce coin de nature pourtant magnifique de reconnaitre amis ou ennemis. Alors ils frappent et frappent encore et puis comme toutes les choses sur cette Terre le temps met un terme à la bataille.

Quand les filets s’abattent sur lui et juste avant que le noir ne l’enveloppe la voix formidable du roi serpent s’élève pour hurler : Odiinnnnnnnnnnn !


La haut entre les pics Il a posé sa pipe, en bas tous les vikings sont morts ou gravement blessés. Les walkyries invisibles relèvent les combattants pour les mener en leur paradis. Des Angle il ne reste qu’une cinquantaine de fantassins et à peine un tiers de la cavalerie de Ceolwulf. Celui ci à genoux tient la tête de son frère dans ses bras et il pleure comme un tout petit enfant.

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le 4 nov. 2023

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