Harangue - Le chant de mort de Ragnar épisode 2

1er épisode ici : https://www.senscritique.com/album/runaljod_ragnarok/critique/278049211

3ème épisode ici : https://www.senscritique.com/album/Or_Ymis_Holdi/critique/296442397

- Ragnar !

- Parle Jorund, je t'écoute ?

- Mon roi les hommes sont prêts pour la bataille, ils viennent de partir pour se rassembler au lieu dit et comme tu l'avais prédit une brume s'est levée. Elle est épaisse et drue comme une chevelure maléfique, ses ondulations semblent irréelles comme magiques !

- N'es tu pas content fidèle soldat, ne te l'avais je pas dit. Les dieux, oui les dieux...Odin ! Odin le borgne celui qui a donné son œil pour boire au puits de la connaissance me l'a dit en songe. Pensais tu qu'il en serait autrement, douterais tu des songes Jorund ? Douterais tu...des DIEUX !

Ragnar s'était levé, il avait déployé sa puissante carcasse et il dépassait maintenant Jorund pourtant loin d'être un freluquet d'au moins deux têtes.

- Non mon roi, les dieux sont nous plutôt ils sont en nous, ils nous visitent, ils nous guident, ils nous...aiment...

- Hahaha crois tu Jorund ? Que viens faire l'amour ici ?

Les yeux de Ragnar brillaient intensément éclipsant presque l'éclat de sa gemme bleue. Était il fou ? Nul n'aurait pu le dire, ni Oms, ni dieux ?

- Tu sais Jorund tous seront là aujourd'hui, Odin évidemment, Balder si beau qu'il en brille de mille feux, Frigg qui donne la vie, Tyr qui laissa sa main à Fenrir, Heimdall prince de l'arc en ciel...Tous ! Ils nous regarderont combattre.

Ragnar déploya son bras épais et sa main puissante attrapa la nuque de Jorund.

-Tu seras fort mon fidèle Jorund, je le sais et par chance ce soir nous trinquerons au banquet des Ases ! Ce soir l'épée, le glaive nous convoquera, nous chevaucherons avec les walkyries et puis nous boirons la bière céleste, nous frapperons la chope du grand Odin...Lui même...Peut être !

Mais d'abord place au spectacle ! Oui nous allons donner un spectacle celui de la bouffonnerie des Oms et si Loki ne nous joue pas un de ses tours nous vaincrons. Odin souffle sa fumée, elle nous aidera pendant la bataille. Elle masquera que nous sommes si peu nombreux pour affronter les Angles, ces traitres de la Northumbrie. Nous les briserons par la force de nos âmes, de nos cœurs, de notre sang ! Nous les briserons par la force de nos bras !

- Les hommes t'attendent Ragnar, ils attendent ta parole.

- Oui Jorund allons !

Les deux hommes sortirent de la tente. Ils traversèrent le camp de toiles maintenant vidé de sa substance humaine ou plutôt devrions nous dire animale. Seul le silence les accompagnait à peine troublé par un souffle léger. La parole du vent qui murmurait une indicible chanson. La vision était obscurcie par la brume dense. On n'y voyait pas plus qu'à quelques mètres. Après dix minutes de marche vive les deux hommes entrèrent sur la lande noire au dessus du camp viking. Ils pouvaient maintenant apercevoir au loin dans les pans de la fumée d'Odin les deux pics comme issus d'une main cachée et Bifrost qui naissait, montait puis chutait se perdre dans la brume.

Environ deux cents hommes formait cercle sur trois rangs. Ragnar le brisa et s'installa au centre Jorund resta en son périmètre. Le puissant roi se mit alors très lentement à tourner sur lui même pour regarder chaque membre de son armée. Au premier rang les bersekers nus, maculés de Terre et couverts de tatouages blancs étranges, d'une grande finesse au regard de leur apparence fruste, doloire en main balançaient en silence d'un pied sur l'autre, signe que la raison commençait à les quitter pour laisser place en leur esprit au spasme de fureur, spasme qui les mènerait à Asgard. Seules les respirations d'une vingtaine de Wargs se faisaient entendre. Leurs crocs luisaient d'une bave trouble, leurs griffes brillaient dans la boue et au fond de leurs yeux commençait à poindre une lueur de rage. Certains se battraient seuls aux ordres de leurs maîtres et d'autres tellement imposants supporteraient le poids d'un guerrier pour affronter les ennemis. Cette mini cavalerie était redoutable et capable de percuter, de renverser sur un espace réduit n'importe quelle infanterie.

Alors Ragnar éleva ses bras en direction des pics et hurla de sa voix puissante :

- Odinnnnn, Oooooodinnnnnn ! Entends tes enfants Odin. Nous sommes venus pour le glaive, nous allons frapper du glaive, nous allons lever haut l'épée ! Ooooooooodiiiiinnnn !

Alors du deuxième rangs les guerriers commencèrent à frapper en cadence du pommeau de leur hache, glaive, doloire leurs boucliers bois métal. Sinistre concert ! Une voix rauque, lourde, dure soutenue par les percussions lentes et monotones. Le fog était froid mais nul ne frissonnait si les hommes tremblaient c'était la rage qui montait lentement. Le froid de la folie meurtrière qui poussait ses branches, qui ancrait ses racines.

- Odin ! Une fois encore nous voilà devant toi pour combattre des ennemis plus nombreux que nous, qui paraissent plus forts que nous. Souviens toi Odin, souvenez vous...tous !

Nous avons bataillé avec l'épée ! il n’y a pas si longtemps nous sommes allés affronter un énorme serpent dans la terre des Francs. Liutgarde fut mon salaire. Liutgarde fille de roi et les guerriers m’appelèrent Lodbrock (c’est à dire culotte velue ou culotte de peau non tannée portée pour se protéger des morsures de serpent) en souvenance de ma victoire.

Je frappai, je taillai, je tranchai, mon sang coulait se mêlant au sang du serpent mon frère dans la fureur, mon frère dans la lutte. Alors je triomphai où l’acier luisant de mon épée frappa le serpent de plusieurs blessures mortelle et sa tête roula. Je la ramassai et bus le venin à même la gueule morte. Ma barbe poissée de sang rouge et de venin par ce baiser brulant.

Tout au long de son monologue la voix de Ragnar enflait, gagnait des décibels. Était il possible qu'un homme put hurler sa harangue avec autant de puissance ?

- Ce baiser sanglant fit de moi votre roi. Oui je vous le dis nous allons frapper du glaive ! A peine comptais je seize hivers que l’épée frissonnait dans ma main. A peine dix sept hivers quand je tuai le serpent quand tous étaient au Valhalla ou avaient fui. Ensuite, nombreux furent nos faits d’armes et jamais nous ne fûmes déçus. Récompensés par la victoire ou attablés au banquet d'Odin. Aujourd'hui le père de toutes choses est avec nous il fume sa pipe et souffle la fumée vers ses enfants.

Puis dans un paroxysme de hurlement :

- Nous allons frapper du glaive ! Les vautours seront là pour un repas fumant, les lances perceront les boucliers, les haches les pulvériseront, la flamme exterminante de l'épée hululera son chant de mort, les doloires écraseront, briseront, fendront les cranes.

Aujourd'hui une sueur rouge arrosera les cottes de mailles, la peau et ensuite inondera les corps par les plaies béantes !

Un peu plus loin sur la lande terne et parsemée de boulders se faisait entendre comme un frémissement, celui d'une multitude harnachée en guerre qui marchait pesamment. On discernait aussi le son de sabots au pas. Combien étaient ils ? Au cœur du cercle de Ragnar nul ne s'en souciait. Le spectacle avait commencé. Pourtant les Angles n'étaient pas loin mais gênés par la brume ils ne pouvaient se déplacer aussi vite qu'ils l'auraient voulu et puis ils entendaient la voix et les battements sinistres qui enflaient sur les boucliers. Ils sentaient la rage, la violence qui couvait dans cette tessiture terrible, c'était comme un grondement, un tonnerre. Alors sans qu'ils ne puissent se dominer les Angles laissèrent la peur s'immiscer en eux. En quelque phrases hurlées dans une langue qu'ils ne comprenaient pas ils furent bousculés, chamboulés, émasculés. Dans un sublime effort le roi serpent poussa encore ses cordes vocales soutenues par les percussions accélérées sur les boucliers.

- Aujourd'hui des vagues de sang vont déferler, la terre va en ruisseler, des rivières de sang vont prendre naissance entre mes mains, par mon glaive et éclabousser jusqu'à Bifrost. Aujourd'hui ! Parce que je suis Ragnaaaaaar !

Alors d'un même élan tous les guerriers hurlèrent :

- ODIIIIIIIIINNNNNNNNNN !

Et se ruèrent au combat !

La haut, pas si loin entre les deux pics sur un plateau d'altitude les Dieux ont pris place.

Que le spectacle commence !

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le 5 nov. 2023

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SombreLune

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