Painkiller
7.7
Painkiller

Album de Judas Priest (1990)

En 1990 le cœur de la machine Judas Priest ne battait plus...du moins c'est ce que tout le monde croyait jusqu'au moment fatidique où l'ouragan "Painkiller" surgit de nulle part. Plus qu'un album de Judas Priest "Painkiller" est un phénomène d'une violence redoutable, une œuvre unique dans la longue discographie de Judas Priest et qui ne ressemble à aucun autre album du groupe.


Que l'album ait foutu un gros coup de fouet à la carrière du groupe cela peut se comprendre aisément...les deux albums précédents n'ayant pas été de francs succès, que l'album soit majoritairement considéré comme LE chef d'œuvre ultime du groupe est plus contestable mais néanmoins une hypothèse intéressante que je tiens (pour une fois) à examiner avec sérieux.


En effet, j'ai longtemps eu un léger souci avec cet album...il ne m'a jamais foncièrement déplu ou écœuré (si ce n'est par sa froide perfection...) mais je me suis souvent senti obligé de le considérer comme un "chef d'œuvre" plus par raison que par cœur (je préfère toujours "British Steel" ou Stained Class" de la grande période...plus subtils surtout le deuxième). En effet, le renvoi de Dave Holland et l'arrivée du nouveau batteur Scott Travis au jeu beaucoup plus lourd et métallique (nettement moins "rock n roll" qu'avant) y est pour quelque chose : le mec enchaîne les blast beat avec une fougue de diablotin effarante et se fait largement plaisir avec sa double-pédale! La frénésie rythmique de l'album ne cesse que rarement tout en semblant assez abrupte de prime abord...et quand cela cesse l'immense chef d'œuvre symphonique qu'est "A touch of evil" et son riff doom à souhait nous envoûte dans l'obscurité. Halford y livre une des plus belles performances de sa carrière et s'impose définitivement comme le plus grand chanteur de son temps (ou alors pas loin du tout...). Ce bijou musical noir et toxique comme le venin d'un crotale ne jure nullement avec le reste de l'ambiance du disque qui est sans doute son principal point fort : totalement apocalyptique!


Que cela soit sur l'épique "Night crawler" et son pont central mystérieux, le divin "Hell patrol" et sa frappe de batterie qui résonne comme des tirs de canons successifs et accélérés, ou le grandiose morceau-titre...tout est métallique et métallisant à souhait du début à la fin...totalement viscéral aussi!
Jamais le groupe n'a joué aussi vite, jamais Rob Halford ne s'est autant adonné au hurlement, sa performance faisant même froid dans le dos durant les dernières mesures de "Hell Patrol"!


Les déboires judiciaires dont le groupe a été victime à cause d'imbéciles imaginant des messages subliminaux dans leur musique (le groupe a gagné le procès haut la main) semblent avoir en partie inspiré la violence présente ici...on sent que le groupe est énervé et déterminé également à enterrer pour de bon toute concurrence possible par dessus le marché! L'orientation du groupe est, effectivement, plus "thrash" que le bon vieux heavy metal à papa d'il y a peine dix ans avant la parution de l'album...ça bourrine et ça défouraille sec tout du long!


Aucun répit, aucun temps mort sur ce monument de violence qui cristallise l'essence du metal dans ce qu'il a de plus caricatural et "evil" : "All guns blazing" ou "Metal meltdown" en sont de parfaits exemples! Dès le légendaire morceau-titre on devine que l'on ne va pas écouter un énième album de Iron Maiden (que le groupe explose de part en part sur ce disque) : cette intro de batterie ultra-culte, ce riff de guitare complètement plombé qui vous tabasse les esgourdes sans ménagements et semble se ruer sur l'auditeur dans un cri semblable à un faucon fondant sur sa proie, et au milieu de tout ça le chant perçant de Halford...incontournable! Concernant le solo de guitare central de "Painkiller" je ne saurais en dire davantage tant le groupe fait montre d'une technicité et d'un feeling hallucinant...la paire Glen Tipton/K.K Downing (le meilleur duo de guitaristes qui soit) triture l'acier jusqu'à lui faire hurler des notes irréelles vectrices de désespoir et curieusement aussi...d'un sentiment de domination!


Oui, sur cet album Judas Priest domine définitivement son sujet : le metal, qu'il soit heavy ou extrême...il règne si haut que nul ne peut l'atteindre...il humilie et écrase tous ces "thrashers" nouveau-nés (les Metallica et compagnie...) qui ont cru pouvoir éclipser le grand patriarche de la cathédrale métallique. En effet, si "Painkiller" est violent et prend totalement ses distances avec les tendances blues, psyché/prog des tous débuts et même "hard rock" du début des années 80...il n'en oublie pas pour autant les mélodies réussies...là est sa grande force!


Outre les "tubes" déjà évoqués, des ruades aussi sauvages que "Leather Rebel" ou que le final grandiose "One shot at glory" sont de véritables perles mélodiques baignant dans un acier bien trempé et surtout d'une solidité rendant la musique du groupe plus redoutable que jamais! Judas Priest a signé ici le sommet d'un genre : le metal, non pas que le reste de la discographie du groupe soit moins "bon" musicalement mais le fait est qu'aucun album n'a jamais autant incarné l'esprit de cette musique dans ses excès et sa brutalité avec autant de magnificence.


"Painkiller" n'est donc pas un album surestimé en définitive...je crois même que si j'avais été musicien, metalleux, et plus encore les deux en 1990...j'aurais tellement été écœuré par un tel niveau de maîtrise en écoutant ce disque que je serais tombé en dépression et n'aurait sans doute plus jamais osé composer quoi que ce soit. Après avoir poussé le metal dans ses derniers retranchements et s'être définitivement émancipé de ses racines hard rock, il n'y avait guère plus qu'une dissolution momentanée du groupe et un renouveau grunge de la musique rock comme renouveau possible...


"Painkiller" est donc, en un sens, une œuvre charnière pour l'histoire du metal, du rock, et le témoin d'une fin d'époque.

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le 4 janv. 2021

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Venomesque

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