Ralala..."Ram Jam"...le groupe qui se coltine la réputation de "One hit wonder" au même titre qu'un Europe avec son maudit "Final countdown" (et encore ils ont pondu "Carrie" aussi...tube mineur mais tube quand même!) ou qu'un "Survivor" et son "Eye of the tiger"... Certes, "Black Betty" a été un véritable giga-tube qui a fait date et qui, aujourd'hui, est encore considéré comme un immense classique de l'histoire du rock. Mais tiens? Et l'album en lui-même? Il valait quoi?


Et bien...si on prend la peine de lui donner sa chance le premier Ram Jam s'avère être un très bon album pas dégueu du tout distillant un rock rugueux légèrement bluesy et avec des mélodies parfois pop et envoutantes. Mais bon, pour ça il faut s'armer un peu de patience...oublier un peu la grosse claque magistrale d'entrée ("Black betty" : revisite rock sensationnelle du blues des anciens) et se laisser porter par ce son de guitare cru et sans fioritures ainsi que le fun toujours communicatif de ce groupe trop peu connu dans le détail.

Toutefois, "Ram Jam" premier du nom n'était clairement pas un chef d'oeuvre...ne nous voilons pas la face...la faute à un léger déséquilibre en terme d'inspiration et à une production un poil trop gentillette...Il n'empêche que ce premier album fort du giga tube susmentionné gagne à être redécouvert et apprécié...et pour ce qui est de ce second et ultime album là on peut carrément parler d'une terrible injustice lorsque l'on mesure les progrès colossaux accomplis par le groupe entre temps et l'absence de succès rencontré par la suite qui mettra fin à l'un des groupes les plus prometteurs de l'histoire du rock.


Oui! J'ose le dire...si "Ram Jam" n'a ni l'aura ni la puissance musicale d'un Led Zep ou d'un Deep Purple cela ne vient que d'un seul élément (très simple) : on ne leur en a pas laissé le temps. Quoi? Vous ne me croyez pas? Ecoutez bien cet album attentivement s'il vous plaît...vous ne remarquez rien? Une ambiance particulière encore plus recherchée que sur l'album précédent? Un son de guitare parfois cru et très chaud qui évoque curieusement aussi bien le punk que le blues? Des influences si subtiles et imperceptibles que l'on peine à saisir comment le groupe a pu réaliser un mélange si prodigieux et si exceptionnel et ne jamais rester à la postérité comme l'un des meilleurs groupes de la décennie? Oui, oui, oui...c'est tout cela que j'ai découvert en écoutant ce magnifique album...magnifique tant par sa pochette qui bénéficie d'un superbe visuel que par son contenu.


Evidemment, l'album est pénalisé par son absence de tube fédérateur et pourtant il écrase sans aucun problème son prédécesseur... Dès "Gone wild" on s'en prend plein la poire : la guitare saturée vous saute à la gorge et le groupe joue à une vitesse raisonnable qui le fait passer de "groupe de heavy rock à tendance pop" à meilleurs candidats possibles pour concurrencer aussi bien Judas Priest que les Pistols (dont le groupe est entièrement contemporain). Ca joue sec, ça joue nerveux...et surtout l'influence du groupe s'est resserrée et concentrée sur l'essentiel avec un supplément de recherche musicale qui donnera lieu à quelques chef d'œuvres bouleversants : l'enchaînement "Turnpike"/"Wanna find love"/"Just like me" est l'un des plus réussis de l'histoire du rock sur un album... Le premier "Turnpike" joue la carte d'un rock légèrement progressif à l'allure étrange et baroque...les parties de piano sont d'une beauté folle et instillent au titre une ambiance lugubre et chaude à la fois...le chant est grave et contenu et la mélodie profonde et puissante. Sur "Turnpike" Ram Jam fait clairement de l'ombre aux plus grands...mais il ne s'arrête pas là puisque non content de chatouiller le derrière de Queen (sur leurs meilleurs albums!)...le groupe se permet de visiter le terrain de la funk et de la soul avec un riff de guitare groovy à souhait que Stevie Wonder lui-même n'aurait pas renié (souvenez-vous de "404" sur l'album précédent qui lorgnait déjà un peu dans cette direction...) et de les passer à la moulinette rock/blues torride. Les refrains de "Wanna find love" donnent chaud et sonnent comme une exaltation tribale proche de la transe pure et simple...jamais hard rock et blues n'auront semblés si indistincts...même Led Zeppelin prenait un temps pour faire du rock et un temps pour faire du blues sur un même album généralement à quelques exceptions près...mais chez Ram Jam tout est compris en une seule et même énergie créatrice...ils n'en ont rien à faire et synthétisent tout avec une pâte qui leur est propre et qui ne correspond à rien d'autre dans l'histoire de la musique en terme de feeling. Et "Just like you" qui achève de clore ce divin enchaînement? Une raclée dans les règles de l'art pour tous ces groupes punks qui (et pourtant j'en aime quelques-uns) ne parviendront jamais à atteindre un tel degré d'intensité musicale en si peu de temps...on sent clairement que Ram Jam n'a pas peur d'en découdre avec ces jeunes freluquets et transcende le style comme si cela ne lui demandait pas vraiment de difficulté...c'est sidérant!

"Hurricane ride", lui, va se charger de titiller le derrière de Judas Priest (celui de la même époque) : le groupe balance une décharge électrique toujours crue et pleine de vélocité qui ferait pâlir la plupart des formations de heavy metal ou de punk encore une fois...tout en maintenant dans sa musique un je ne sais quoi de "poisse" bien crasseuse et évoquant immédiatement le blues. Ce qu'il y a de fameux avec Ram Jam c'est qu'ils suintent le blues par tous les pores et que cette influence ne cesse jamais même quand le groupe adopte des tempos plus "speed" et punk dans l'esprit ou donnent dans le boogie rock festif et furieux avec un "Saturday Night" tout bonnement impeccable. Inversement, l'urgence propre au punk ne s'envole jamais totalement sur les titres plus "pop" ou bluesy et lents...Encore une fois la synthèse et la tension maintenue par le groupe entre blues, punk, heavy, rock et pop est sidérante mais ne peut être révélée qu'aux oreilles attentives qui ne cherchent pas à retrouver ici une copie de "Black betty" (qui synthétisait déjà un peu toutes ces nombreuses qualités remarque).


Concernant "Please, Please, Please (Please me)" qui vient clore cet album démentiel je crois que je commence à expérimenter les limites du dicible en terme de frissons et de feeling exprimables avec de simples mots pour vous parler d'une musique...ça donne chaud...c'est rampant...c'est torride...c'est inquiétant...c'est très blues mais aussi doom...c'est Ram Jam...du très grand Ram Jam! Au départ, je ne comptais mettre à cet album "que" 9/10 maximum à cause de l'absence de tube "connu" ou reconnu comme tel et parce que je suis carrément dégoûté que cet album n'ait jamais eu de réel successeur...mais en le réécoutant je me suis rendu compte qu'aucun titre n'était réellement faible et que les frissons et la chaleur que me procurent cette musique exceptionnelle à la fois puissante et originale méritait réellement plus que l'oubli ou la quasi indifférence à laquelle elle est exposée lorsque des oreilles peu attentives ou averties découvrent cet album en s'attendant à entendre une énième resucée de "Black Betty".


Le premier album éponyme et "Black Betty" le laissaient déjà présager : Ram Jam n'est pas un groupe de petits musiciens inexpérimentés mais de grands musiciens aguerris avec une culture musicale solide et une grande finesse de style les démarquant de n'importe quel autre groupe de rock. Une fois sa mise en lumière (méritée) venue le groupe se foutra une sacrée pression pour engendrer d'un tel album si classe de sa pochette à sa musique proprement impressionnante mais si tôt parvenu à la perfection la lumière que le groupe avait eu la chance d'avoir attirée sur lui disparaîtra... Un grand groupe était né et mort du même coup...une bien triste tragédie et un bien beau gâchis qui ne font que renforcer la valeur historique de cet album magistral effectuant la synthèse des genres de rock développés antérieurement des prémisses du blues au punk en passant par la soul, le prog et la funk.


Un indispensable de l'histoire du rock...qu'on se le dise!

Venomesque
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le 17 mai 2022

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