Aaah les slasher-movies des années 80, ces jeunes filles qui hurlent en courant se cacher dans leur chambre, ces ados décérébrés dans tous les sens du terme, ces packs de six comme autant de promesses de conclure avortées par un couteau de boucher à la lame scintillante sous la lune, cette forêt, ce lac aux reflets argentés, la camionnette, et bien-sûr : le tueur ! Déshumanisé au point de se cacher derrière un masque, mort un nombre incalculable de fois, mais dont la main finit toujours par resurgir alors que tombe le générique. C'est exactement à ça que fait penser "Raise Your Fist and Yell", d'autant plus avec cette grotesque et mémorablement hideuse couverture.
Avec "Constrictor", Alice Cooper a amorcé son retour en force en adoptant tous les codes du heavy-metal plus ou moins FM de cette seconde partie des années 80. "Raise Your Fist and Yell" confirme cette orientation tout en réaffirmant le chanteur au rang des figures emblématiques de l'époque. Vous vous en doutez en voyant la note en bas, ce n'est pas vraiment mon album préféré du Coop. Il propose cependant quelques idées intéressantes, mais bien trop gavées d'une soupe heavy-FM que je digère assez mal pour ma part.

D'abord une bonne nouvelle. Cet album développe une histoire. Vous commencez à me connaître, j'aime les histoires. Sans être un concept-album, on y suit quand même un personnage tout droit issu des films dont j'ai parlé plus haut, un tueur anonyme qui s'inspire de quelques unes des grandes figures de l'horreur moderne des années 80. La chanson "Prince of Darkness" est d'ailleurs issue du film du même nom d'un certain Carpenter dans lequel on peut l'entendre à travers le walkman d'un des personnages.
Toutes batteries dehors, déboule "Freedom", comportant dans son refrain les fameux mots "raise your fist and yell" qui donnent son titre à l'album. Si "Constrictor" vous avait refroidis, ça ne va pas s'arranger, puisque ce nouvel opus se situe un cran plus loin dans ce style si typique. La batterie est plus dure, les guitares plus incisives mais, encore, je n'accroche qu'à moitié à cette débauche de clichés où le second degré ne semble pas spécialement de mise.
"Lock Me Up" est du même tonneau, sur un thème pourtant proche du "Guilty" de "Alice Goes to Hell" cette fois avec ce cher Robert "Freddy" Englund dans le rôle du juge/diable. C'est très énergique, mais ça ne mène pas très haut, surtout avec un refrain un peu ridicule parcouru de "woh oh oh ooooh oooh" pas très inspirés. Le solo est par contre plutôt efficace, un peu à l'étroit dans cette composition ultra formatée.
"Give the Radio Back" suit, on reste dans le hard FM avec des couplets qui annoncent au passage le futur "Hey Stoopid" de meilleure mémoire. Globalement pas grand chose à retenir de ce morceau, malgré ce personnage de "maniac" qui aurait mérité un meilleur traitement. "Step on You" renouvelle un peu l'intérêt avec un ton résolument plus violent. La rythmique est encore plus marquée que sur les morceaux précédents, les paroles sans concession à l'image du titre. On retrouve un peu de la hargne qui faisait notre joie auparavant et les solos du body-buildé Kane Roberts s'enchaînent avec plaisir. Enfin quelque chose à se mettre sous la dent.
"Not That Kind of Love" malgré quelques pointes d'humour, retombe dans les clichés du genre, la chanson n'émerge pas particulièrement au milieu des autres. On attend un peu plus de "Prince of Darkness" partageant son titre avec celui du film dans lequel apparaît le chanteur. Peut-être que les fans du film trouveront une valeur ajoutée à cette chanson, elle est pourtant tout à fait oubliable, relativement banale et empile les clichés sur tous les tableaux...jusqu'à sa fin accoustique qui a un côté "Only Women Bleed" qui laisse penser que tout cela n'est qu'une mauvaise passe et qu'un jour, oh oui un jour, le Alice qu'on a connu finira par revenir plus inspiré. "Time to Kill" et "Chop, Chop, Chop" poursuivent sur le thème du maniaque anonyme. Les paroles ont retrouvé un peu d'humour et d'efficacité (surtout sur la deuxième plutôt amusante dans le genre humour noir) mais musicalement, on finit par se perdre au milieu de toutes ces compositions relativement similaires.
Heureusement, sans prévenir, et s'enchaînant directement avec "Chop, Chop, Chop" arrive la ballade gothico/hard "Gail". La dernière victime de la chanson précédente rappelle au tueur cette Gail, victime qu'il avait aimée. Un clavecin et un orgue, qu'on croirait issus d'un ténébreux manoir accompagnent la voix du chanteur, parfois étrangement fluette (et à la limite de la justesse il faut le dire même si ce n'est pas dérangeant). Ca fait franchement du bien de revenir sur ce terrain abandonné depuis longtemps. Sans la moindre transition on passe du souvenir de cette malheureuse victime (sans oublier bien-sûr la description contemplative des étapes de la décomposition de son cadavre, Alice Cooper aurait-il trop lu Baudelaire ?) à ce qui semble être le récit de son assassinat. "Roses on White Lace" poursuit sur l'ironie sanglante développée tout au long de l'album, mais avec un retour au heavy-metal. Les paroles à l'humour de mauvais goût auraient gagnées à être mieux mises en valeur qu'au milieu de ce rock formaté, c'est un peu dommage. Ah et oui, l'album finit bien évidemment sur un fondu.

Que dire ? "Raise Your Fist and Yell" n'est pas un chef d'oeuvre c'est certain. Il surfe sur cette nouvelle vague heavy avec le même opportunisme que "Constrictor" ce qui ne sera pas tout à fait vain puisque sans être un énorme succès, il permettra à Alice Cooper de renouer avec les charts et surtout de partir en tournée à travers le monde. Les concerts donnent lieu à une nouvelle débauche de fausses éxecutions, à grands renforts de sang factice et de têtes coupées. L'Allemagne fera supprimer certaines parties du spectacle, tandis qu'en Angleterre, un député tentera en vain de faire interdire ce théâtre de l'horreur dont il juge l'imagerie trop sanglante, ah c'était un député non-voyant ceci dit. Pour ce qui est de l'album en soi, comme "Constrictor", il est peuplé de compositions qu'il est difficile de distinguer les unes des autres tant elles semblent avoir été produites à la chaîne et sans grande inspiration. Seule "Gail" émerge nettement du lot, sans doute parce-qu'elle nous rappelle une époque dorée qu'on croyait morte en enterrée depuis longtemps. Néanmoins, avec le succès de la tournée, Alice Cooper s'est trouvé un tout nouveau public, fan aussi bien des Twisted Sisters que de Bon Jovi ou de Mötley Crüe, ce qui lui permet de gagner un second souffle inespéré. Enfin l'horizon semble se dégager.

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le 3 févr. 2014

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I-Reverend

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