Ravish
Ravish

Album de Die et Deeskee (2004)

Membre du crew californien Shapeshifters au sein des Chainsmokers (le groupe qu'il forme avec LifeRexall et Akuma), Die Young était un des derniers à ne pas avoir encore eu l'occasion de briller réellement en solo. Ses prestations sur disque et sur scène laissaient présager d'un personnage sombre, torturé, affectionnant particulièrement l'esthétique pop-rock ce que sa première tentative discographique ("Dead Air EP" avec M.Fusion) confirmait partiellement. Toutefois, en raison de son format et de sa qualité sonore déplorable, la galette laissait cruellement sur leur faim tous ceux qui nourrissaient une quelconque curiosité à propos de Dierekt, et ce malgré ses qualités.
A l'annonce de son association le temps d'un disque avec le producteur Deeskee, on pouvait porter quelques doutes sur la qualité du résultat d'une telle collaboration, le producteur californien ayant un peu de mal à rendre son travail réellement marquant jusqu'ici. Un producteur mélancoliquement mou et un rappeur torturé dépressif ? Pourquoi pas. On aura vu moins cohérent comme duo, restait à voir à quoi ressemblerait le résultat.

Et le résultat de ravir aussi bien les confiants en les capacités de Die que les sceptiques qui ne voyaient en lui qu'un banal Chainsmoker (formation la moins enthousiasmante des Shapes). "Ravish" s'avère être homogène, cohérent et particulièrement immersif. Avec élégance (à l'image de l'artwork, particulièrement réussi), le duo exprime sa détresse et sa mélancolie polymorphes au long des 36 minutes d'une collaboration qui porte pleinement ses fruits.

Navigant entre ambiances désertiques façon Grand Ouest américain mexicanisant ("Ghoswriters", "Vampire Hunter" ou "All Of Me Remix"), productions bucoliques que ne renierait pas Beth Gibbons ("White Oleander"), sonorités pop-rock ("Dazed") et approches plus gothiques ("Haemoglobin"), Deeskee offre à son compère un support idéal pour exprimer les tourments de son âme torturée. Guitares, orgues, flûtes, violons, piano, le tout s'assemble avec harmonie et délicatesse, manifestation de l'hypersensibilité du producteur californien. Tout en gardant une grande homogénéité/cohérence au canevas qu'il a dressé pour son comparse MC, Deeskee a su créer un univers poétique et suffisamment varié pour ne pas lasser.

Tour à tour mélancolique, rageur, suppliant ou résigné, Die Young permet aux productions de son compère d'atteindre un autre niveau, plus profond et plus déstabilisant. S'il lui arrive d'en faire un peu trop avec sa voix rauque (et un peu rock) comme sur "Run Into The Sun" ou d'être répétitif sur "Vampire Hunter", Die se montre plutôt juste dans ses interprétations. Le plus intéressant des Chainsmokers arrive à transmettre sa détresse sans pour autant épuiser un auditeur rendu fébrile par l'intensité de la collaboration. Il a le bon goût de ne faire naître chez l'auditeur que de l'affection à son égard et non une pitié pompière qu'on retrouve souvent quand les rappeurs s'essaient à ce genre d'exercice.

Une qualité dont certains featuring manquent totalement (Existereo est trop en force et Awol One, qu'on aurait imaginer à l'aise, s'empêtre dans une mollesse soporifique) ou peinent à atteindre (si Akuma arrive, pour une fois, à montrer quelque chose d'intéressant, le rap classiquement banal ou banalement classique de LifeRexall manque cruellement d'intérêt).
En revanche, certaines collaborations dépassent toutes les espérances, celle de Xoloxanxinxo en tête. Il n'est rien moins que magistral dans le duo qu'il forme avec Die sur "Carnival" : le corpulent Mexicain semble habité par la même détresse que son comparse, à la différence près qu'il se montre plus subtile dans l'interprétation de son mal-être. Il passe ainsi de la tendresse à la haine, de la tristesse à la joie d'une rime à l'autre, donnant à son apparition un caractère schizophrène parfaitement réussi et maîtrisé.
2Mex (l'autre membre d'Of Mexican Descent) fait lui aussi une apparition remarquée avec Busdriver sur "Disappear", le premier s'adaptant parfaitement à l'ambiance torturée et sombre du titre alors que le second, avec son flow halluciné, apporte une touche de folie fort à propos.

Après ses expérimentations Lo-Fi avec M.Fusion, Die Young semble avoir trouvé le partenaire de déprime idéal pour exprimer les tourments de son âme en la personne d'un Deeskee particulièrement inspiré. L'alliance des spleens des deux californiens offre à leur collaboration un charme unique : envoûtant, mélancolique, romantique mais aussi inquiétant et torturé, "Ravish", s'il n'est pas exempt de défauts, s'avère particulièrement immersif et convaincant. Un très bel album.
NicoBax
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le 20 déc. 2011

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