Cela commence doucement, le temps que les musiciens se mettent à nu , avec un morceau de Van Der Graaf: The Wave. La voix de Hammill a un peu vieilli en 13 ans et la douceur initiale de la chanson s'est perdue dans les tournées. Mais la magie passe.
Malgré que ce soit : Juste Good Friends qui enchaîne, on sait tout de suite que ce trio de musiciens n'est pas juste amis. Ils sont soudés. Ils vont faire l'amour sous nos yeux ce soir. Et JGF est le morceau qui fait entrer ce Live dans l'exceptionnel. Le violon de Stuart Gordon est magnifique, la basse de Nic Potter étrangement douce sait tenir sa place discrète et punchée, dans cette chanson d'amour de Peter. Une des plus belles jamais composées par lui.


Et puis le fabuleux Vision tiré du tout premier album solo (Fool's Mate). Tous les fans connaissent ce classique, qui ne l'a pas mis à une fille pour lui dire son amour ? Ici le violon s'élève si haut , qu'ont croit aux visions de Peter. La basse sourde appuie encore délicatement le morceau. Du travail d'orfèvre.Le morceau s'allonge pour laisser de la place aux musiciens. Le crescendo final est magnifique.Version unique !


Puis le superbe, le bouleversant Time To Burn (appelé Time To Run sur la pochette?). Écrit lors de la mort de Tony Straton Smith grand PDG de Charisma. Ici la mort de son ami à inspirer à Hammill un de ses plus grands textes. Nous avons le droit à la plus belle version jamais endisquée. C'est à éclater en sanglots. Putain ce violon et cette basse et ce piano ! Le trio fait l'amour et défie la mort!
Il est temps de tout brûler et c'est ce qu'ils font. 30 ans après la sortie de l'album , je viens les yeux encore plein d'eau... “So much lost and found ...here we are with time to burn....” Il faut entendre comme Hammill chante le dernier Burn...La voix brûle littéralement.
Hammill enchaîne les morceaux morbides. Le sonlennel Four Pails qui suit plaque ses accords sur le piano comme s'il devait le briser...Ce morceau de Skin ,(écrit par Chris Judge Smith fondateur de VDGG) sur la mort est d'une puissance incroyable. “Nous ne sommes que 4 gallons d'eau et un sac plein de sel...c'est une philosophie triste....Fais face à la vérité, quand tu es mort , tu es mort et maintenant elle est morte” Hammill hurle la peine de l'amant laissé seul...tout ce qu'elle était un sac de sel...dément...Alors le violon prend feu et la basse est si lourde....Les corps se touchent dans la chambre survoltée , l'orgasme musical est atteint une première fois.... Tant de beauté, tant de vertiges!
Il faut aller ailleurs...pour l'instant le piano a tout dit ....Hammill prend sa guitare acoustique pour un abyssal: The Comet, The Course The Tail (In Camera) la folie qu'impose le morceau va s'élever doucement poussé par ce violon sorti du Paradis ou des Enfers. Le trio trouve une première puissance Rock and Roll. La guitare acoustique est claire et soudainement le violon surgit telle une comète, la folie s'empare de ce band monstrueux, Hammill à lui seul peut toucher à la puissance de Crimson. Tenez-vous car ils incendient la galaxie au complet avec le feu de leurs instruments. Comment peut-on atteindre de tels Everest sans drums sans guitares électriques? Jamais Hammill n'enregistra live une version plus puissante. Avant que la chanson ne soit finie le public explose en applaudissements....et la chanson repart Hammill est en plein contrôle vocal, la folie s'empare à nouveau du band ! Ils peuvent monter encore plus haut ? Je rêve ? C'est le délire ! Il a sa propre direction !


Un peu de calme s'il vous plaît ou on va mourir ! Ophelia vient faire cela.... la voix de Hammill est fragile au début, c'est beau, c'est beau, on voudrait se lancer contre le mur ou dans les eaux...comme Ophelia...comme l'éternel violon de Stuart (RIP) et cette basse qui appuie tout avec l'intelligence d'un chef d'orchestre. Le dernier cri de Hammill annonce le prochain morceau.


“Plein d'alcool” sont les premières paroles de Happy Hour et le morceau est le miroir d'une brosse géante. La basse prend plus de place, le violon devient hargneux, le trio fait voler les draps du lit qui se sont reposés pendant Ophelia. Mettez votre gel dans les cheveux, soyez prêts pour le Happy Hour ! Attention pour le buveur ça se termine sur le plancher ! Le violon devient ivre comme la voix d'Hammill!


Ouf! un peu de repos ... If i Could (The Future Now) s'ouvre sur une rythmique à la Gentle Giant pour quelques secondes... Cette chanson est ici réinventée par ladite rythmique du violon de Stuart qui l'amène ailleurs. La chanson est plus douce et moins hurlée que sur les autres versions live connues , pirates ou non. Hammilll maîtrise son cri et ses hautes. Version live parfaite !


L'enchaînement avec : Something about Ysabel's Dance se fait en douceur. Ce morceau lancinant, comme un mal de tête, où le temps se dissout et où le bassiste est soûl remue par son étrangeté la chambre où le trio s'ébat depuis une heure. Très calme, très angoissant,“ ce monde rapetisse, c'est une croisière d'amusement ou un trip au musée” chante Hammill. “Pas de Charlie Mingus, ils sourient pour la caméra, c'est un attrape touriste”. La musique se fait espagnole sur ses paroles énigmatiques, le trio reprend ses ébats .... “Il y a quelque chose ici que l'anthropologiste ne peut expliquer à propos de la danse d'Isabelle” chante Hammill . Et nous non plus mais c'est fascinant l’anthropologie !


Ça y est c'est le schizophrénique et violent Patient qui clôture le premier disque. Ici le trio va fusionner dans une fournaise d'enfer. La basse agressive s'impose sur la voix de Hammill-Hendrix et le violon martèle de ces staccatos la voix qui roule dans la gorge de Hammill....Le docteur va -t-il arriver le chanteur est malade ?! Trop tard , la fureur s'empare des corps et il n'y aura visiblement pas de docteur pour cette orgie . Le trio prend l'ambulance de l'orgasme musical une seconde fois, le virus est réel , la voix est multipliée à l'infinie. L'asile calmerait-t-il ? Tout s'évanouit dans un rêve divin où le violon n'en finit plus de s'envoler. Un dernier cri, une dernière camisole de force, une dernière basse marine...La perfection est atteinte...

C'était à Montréal ou Québec ? je ne me souviens plus.... Ces concerts étaient fabuleux. Meilleurs que le trio de décembre 78 où Graham Smith était violoniste au lieu de Stuart. Mais toujours Potter à la basse.


Le deuxième disque s'ouvre aussi sur un morceau de Van Der Graaf Cat's Eye/Yellow Fever (running). C'est la seule version sur ce disque qui sera mieux endisqué Live sur There Goes The Daylight . Principalement parce que la puissance du drum manque au morceau. Par contre la voix de Hammill est plus claire et précise ici et le band tire son épingle dans la danse folle qu'est ce morceau. Ce qui compense énormément est la fusion du trio à la fin : la guitare acoustique étonnante, la basse encore aqueuse et légèrement ivre sur ce violon qui visite les ténèbres et le ciel amène la finale du morceau , incroyable avec VDG, dans les mêmes sphères...


Skin (Skin) prend ici une dimension inconnue sur l'album studio. Tranchant...“Comment les choses peuvent-elles devenir aussi physiques ? Sous la peau tu cherchais le paradis” Quand je vous disais que cet album était une histoire de sexe ! Hit that button ! le band s'enflamme dans ses draps à la fin...


Le très rare Hemlock (In A Foreign Town) suit. Cette chanson qu'on croirait tirée de 1984 de HG Wells se voit ici jouée de façon extraordinaire. La basse de Potter est électrisante en quelques notes et le duo acoustique guitare-violon se glisse dans votre tête comme un poison puissant. On boit cette cigüe qui nous chante: “ le pape parle à Dieu, l'Ayatollah aussi, avale la pilule, les cochons volent et si tu avales fort tu croiras à ces mensonges, n'essaie pas de penser, nous devons tous y faire face”. Hammill a du poison dans la gorge, le violon a été empoisonné et la basse tourne, tous les corps vont mourir dans un Eros hypnotisant.... Chef d'œuvre du live.


Our Oyster (Out Of Water) et son son de synthés chinois suit. “ A soundtrack of China in an universal tongue” Suite logique d'Hemlock et de sa thématique politique. Ici c'est la Chine qui est le point de mire. Le morceau est ici plus fort que l'enregistrement studio, surtout par la voix plus incisive live. Oui l'esprit du moment est mis en cage ! le son des balles dans l'air ! Nous sommes à l'époque de la place Tianamen et Hammill en a gros sur le cœur !


Le superbe Unconscious Life ( Enter K) est joué de main de maître. Sa dynamique avec la basse qui vient appuyée le côté éthéré du morceau est un bijou. Quand le morceau devient violent, il l'est très différemment qu'avec le K Group , qui en avait fait une version live aussi. C'est ainsi que Hammill montre à quel point une chanson avec lui, est toujours en mouvance. Rien n'est figé, tout est à explorer dans sa vie inconsciente. Et lui qui se croyait aux commandes au début du morceau, doit avouer qu'il n'est pas en contrôle de tout ce monde inconscient. Fascinant , il n'est que le moussaillon de son bateau et il doit traverser cette vie de l'inconscience.


After The Show (Skin) s'étire sur 11 minutes. Il permet aux claviers de Hammill de flotter en ouverture. Le morceau , tel qu'enregistré sur Skin, commence après 2 minutes de cette installation. Cette chanson sur les acteurs, Shakespeare, Beckett et voire l'acteur Hammill par extension, prend ici une dimension musicale plus riche , moins linéaire qu'en studio. Décidément ce band fait de la magie et sort de son chapeau toutes les possibilité d'un trip à 3. Même Hammill trouve des choses inconnues aux claviers. Cette version me fait aimer la chanson qui me laissait un peu froid sur Skin. Elle est étonnante, par moments les claviers deviennent du xylophone. On est complètement fasciné par la re-lecture.


Puis vient le sublime A Way Out ( Out of Water) Les chansons de Hammill sont souvent à leur meilleure quand elles viennent d'être endisquées. Ici elle atteint un sommet musical qu'il n'égalera jamais plus. C'est vertigineux. Propulsée par des paroles déchirantes.La chanson tourne autour du frère de Hammill qui s'est suicidé. Cela n'est jamais dit clairement dans la chanson et il faut connaître la petite histoire. Ce désespoir où plus rien n'est en nous, et où tout est out, est absolument un des plus grands moments de la carrière de Hammill par son désepoir, son impuissance , ses regrets. À la fin c'est à lui qu'il dit I wish i said i love you” . Le frère de Hammill se suicida après lui avoir téléphoné, on comprend son désespoir encore plus en sachant cela. 20 ans plus tard Hammill éclatera en sanglots en chantant la chanson en Italie.... (voir Youtube) éblouissant de douleur et de vérité.


Un The Future Now, ensorcelé, le train de Traintime plus arrêtable, (Patience) et un Modern inoubliable (The Silent Corner And The Empty Stage) finissent comme une bombe ce live somptueux. Les corps sont en totale fusion et on ne sait plus où les orgasmes s'arrêteront!


Room Temperature est le premier live véritablement solo de Peter. Le K group était un groupe à part entière et son live en était un de band . Ici on sent que les musiciens sont au service des états d'âme et de la musique de Hammill. Il y avait bien eu avant Skeletons Of Songs sorti à 100 copies en 78 et que Hammill reprendra de façon disparate , en bonus, lors des rééditions des albums solos, mais il était resté une rareté ultime et un pirate en cd fabuleux mais difficile à obtenir.


Ici enfin Hammill décide d'enregistrer pendant la tournée Nord-Américaine son plus grand live. Enfin ! Il était temps ! On ne peut faire taire cette musique et ces corps plus longtemps ! Et ils ne peuvent vivre sous l'eau !


Let there be light!

RockNadir
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le 22 juil. 2020

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