A peine remis de notre merveilleux voyage à Kékéland, en 2001, c’est plus classiquement rue Saint-Louis en l’île à Paris que nous devons nous rendre aujourd’hui pour étancher notre soif à la Fontaine magique qui, dit-on, a repris son débit de poésie miraculeuse. On l’aime tellement qu’on y court, rue Saint-Louis en l’île. Brigitte et Areski habitent là, tout près de Georges Moustaki, dans les murs où Astor Piazzola a composé autrefois. Brigitte n’en bouge presque pas. Ses vacances, elle va les passer chez ses amis du quartier où elle aime aller s’installer pour une petite sieste.


Puits de poésie en tout genre, Brigitte Fontaine, grande prêtresse de la chanson et de la langue française. Elle joue des deux avec un brio et une délicatesse malheureusement trop souvent masqués par quelques extravagances qui la font passer pour plus folle qu’elle n’est. Elle finit par souffrir de ce rôle de déjantée qu’on aime lui fait jouer – avec son plein consentement bien souvent, soyons honnêtes ! – et règle ses comptes dans Folie, en fin d’album, morceau très personnel, d’une amère profondeur, pleine de souffrance et d’avertissements (« Scribouillard qui chies ta copie, comprends-le, c’est ça ma folie »). Dont acte… Ce qui ne l’empêche pas d’enchaîner dans la foulée avec un (très dispensable) Homme à la moto, complètement déstructuré (mais assez téléphoné quand même), dans une interprétation quasi-psychiatrique.


Brigitte, cet album est splendide.
D’une finesse, d’une drôlerie, d’un romantisme, d’une richesse, d’une érudition, d’une variété fascinants. Paroles, musiques, interprétation atteignent un niveau émotionnel extraordinaire.


Mais trois passages agaçants l’empêchent d’être le chef d’oeuvre absolu qu’il méritait d’être. Hormis celui qu’on vient de dire (Biker ô combien rabâché depuis Edith Piaf !), que viens tu te mêler aussi maladroitement des vils débats de société (Le voile à l’école) et surtout, est-ce ta maison de disques qui t’a obligée à reprendre ce délirant bijou de Nougat en duo ( trio !) avec les chanteurs de Zebda ? Hein, avoue-le : c’est pour le sortir en single, parce que c’est plus vendeur comme ça ? Mais la version originale était parfaite ! Celle-ci est ratée. Et ça m’énerve.


Alors je préfère me concentrer sur les onze perles rares, aux arrangements raffinés, chacun dans son genre, de l’électro-tango du Gotan Project aux fines distorsions de M, de l’omniprésence d’Areski aux fantômes des poètes du XXème siècle, de la déconne au spirituel, des cordes sensibles au piano solo, autant d’écrins à la passion des sentiments d’une artiste hors normes dont la seule folie est d’ouvrir toujours un peu plus son cœur plein de tourments et d’angoisses refoulés.

RolandCaduf
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le 12 mai 2021

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