Le couronnement de 40 ans de carrière

Quarante ans de carrière c'est long, très long, et peu d'artistes gardent leur talent intact si longtemps après leurs débuts. Parfois pourtant, des miracles surviennent…
Beaucoup en France ont oublié Gary Numan. C'est heureusement moins le cas en Angleterre et aux USA où ses deux derniers albums studio particulièrement réussis ont fait pas mal de bruit.
Voici maintenant un formidable live, probablement l'un des tous meilleurs de l'année 2018 qui prouve brillamment la vitalité de l'artiste.
Numan a souvent été réduit à ses 3 albums classiques, mi-électro mi post-punk mais finalement assez éloigné de la New Wave naisssante à la charnière des années 70-80, si bien qu'à un moment, par lassitude sans doute, il a quelque peu tourné le dos à des morceaux aussi incroyables que Down in the Park, Films, Metal, Are Friends Electric ? ou l'énorme tube Cars. Bonne nouvelle, ils sont tous dans la set list de son concert de Londres. Ce qui frappe, c'est à quel point ces titres sont cohérents avec les dernières productions de l'artiste. Bien sûr, les arrangements ont été modernisés, mais Numan et ses musiciens ont œuvré avec subtilité pour qu'aucun de ces classiques ne perde son âme. Je note juste une petite faiblesse parmi les anciennes chansons, la présence d'I am an Agent clairement pas au niveau du reste de l'album et qui, me semble-t-il, était plutôt dispensable.
Les morceaux issus de la dernière période créative de l'artiste , mais aussi ceux des années 2000 avec Pure et les albums qui ont suivi sont également présents et magistralement interprétés dans une tonalité rock industriel avec synthés acérés et guitares mordantes. Comme aux premières heures, la batterie, puissante, est toujours omniprésente (oui,on peut faire de la musique électronique sans boîte à rythme !) Une belle énergie habite l'ensemble du set et l'atmosphère est sombre puisque la musique de Gary Numan est aujourd'hui en phase avec une époque où la réalité commence à un peu trop rejoindre certaines dystopies qui n'étaient que thèmes de SF dans les années 80. La performance musicale est remarquablement bien captée, tant au niveau du son que de l'ambiance.
A l'heure où l'on n'en finit pas de regretter l'absence de l'immense David Bowie en écoutant son live parfait à Glastonbury, il y a lieu de se réjouir du retour en grande forme de Gary Numan à qui il fut un temps comparé avant ses errements du milieu des années 80 à la fin des années 90 (Bowie en a curieusement connu de similaires à la même époque). Certes Numan n'aura jamais le génie polymorphe de son principal modèle, mais il a lui aussi ce côté alien tombé au milieu des humains, cette distance élégante vis à vis du rock mainstream, et surtout, il fait partie de deux cercles très fermés que n'aurait certainement pas reniés Mr Jones himself. Celui, d'abord, des musiciens qui ont littéralement créé un son et une atmosphère qui les rend immédiatement reconnaissables. Celui, ensuite, de ceux et qui ont su garder la foi et régénérer intelligemment leur œuvre après une longue période de doutes et de manque de créativité. Rien que pour ces deux dernières raisons, il est urgent de découvrir ou redécouvrir cet incroyable et insubmersible artiste. Ce live constitue pour cela une excellente porte d'entrée.