Slowdive
7.3
Slowdive

Album de Slowdive (2017)

Rien n’a changé et c’est tant mieux

La vie est pleine d’injustices, mais le cas Slowdive fait partie de ces exceptions redonnant foi en l’humanité.


Souvenez-vous dans les années 1990, ce petit groupe ne fut pas seulement raillé par les critiques, il était également incompris par le grand public et détesté par certains artistes ! L’anecdote de Richey Edwards des Manic Street Preachers affirmant qu’il les haïssait plus qu’Hitler en est même devenue plus célèbre que le groupe lui-même.
Aujourd’hui, Slowdive est chéri des critiques et possède une fan base conséquente… Ce qui surprend la bande de Neil Halstead ! A ce sujet, je me souviendrais toujours de l’accueil triomphal qu’ils reçurent en 2014 à la Villette Sonique. Rachel Goswell en était même bouche bée ! Après avoir reçu des tomates pendant des années, c’est vrai que ce retournement de veste a pu les surprendre.


Seulement, ça serait oublier qu’ils sont devenus très influents et pas uniquement dans la sphère du shoegazing… Trop influents peut être ? Il est vrai qu’il faut être un peu critique vis-à-vis de cela. Car beaucoup de clones médiocres sont nés des cendres de leur son. Cette pop lente, planante, psychédélique, comme une sorte de new wave noyée dans l’éther. Au point qu’on se demanderait si ce nouvel album est-il réellement nécessaire à une discographie parfaite comme la leur ?


A tous les oiseaux de mauvais augure se posant ces questions, il convient de leur faire écouter « Slomo » pour rabattre leur caquet ! L’épisode de l’avant-gardiste Pygmalion semble avoir été totalement oublié. Nous sommes en plein dans leur magnum opus, le merveilleux Souvlaki.
Slowdive assume. Ils font marche arrière et n’ont pas la prétention de révolutionner quoi ce soit. Il faut l’admettre, cela n’a pas d’importante tant ce premier morceau est une éclatante réussite. Son refrain faisant l’exploit de se rapprocher du « Running Up That Hill » de Kate Bush sans le plagier ! Difficile de se dire qu’en 2017, cette dream pop nébuleuse et mélodique nous manquait tant que ça. Mais il faut croire que les grandes chansons deviennent immédiatement vitales, même lorsqu’elles évoluent en terrain connu.


On en arrive au point qui rend ce disque au-dessus de presque toutes les reformations similaires : le songwriting. La troupe de Halstead a beau avoir cultivé une approche presque ambient de sa musique, elle a toujours été d’une simplicité mélodique susceptible de plaire au plus grand monde. Les singles tels que l’énergique « Star Roving » et le quasiment radiophonique « Sugar for the Pill » étant de parfaites démonstrations.
Néanmoins, même quand elle développe ses atmosphères cotonneuses dont elle a le secret (« Don't Know Why »), les mélodies vocales de Neil et Rachel servent de fils conducteurs dans ce maelstrom de nappes. Des voix qui n’ont, d’ailleurs, pas perdu de leur force malgré les années. Le sommet étant atteint sur « Go Get It » (le chef d’œuvre de l'album) dont le chœur absolument déchirant de Rachel et la guitare héroïque en sont le point culminant de l'émotion qu'on peut ressentir dans cette pop introspective.


Le minimaliste « Falling Ashes » s’avère être aussi une surprenante conclusion tout en étant le seul titre dans le lot à piocher dans leur œuvre maudite Pygmalion. Cependant, sa longueur et sa boucle de piano (qui devient pourtant un leitmotiv subtilement addictif) en font l’exemple typique du morceau incapable de fédérer. C’est très beau, mais ça va paraitre un peu chiant pour certains.


Au final, ce disque sans intitulé réussit à capturer l’essence même du quintet de Reading sans paraître inutile et passéiste comme pouvait l’être le dernier My Bloody Valentine. Toujours est-il que j’ai des scrupules à le placer au même niveau que leurs précédentes œuvres à cause de quelques flottements moins passionnants que le reste (« Everyone Knows » et « No Longer Making Time »).
Slowdive a toutefois réussi deux exploits : démontrer à toute la vague revival shoegaze que les mélodies ne sont pas négligeables, même dans une musique où le son est important. Puis conserver une discographie exemplaire en dépit d’une "récente" unanimité critique qui aurait pu leur monter à la tête.


Et ça, ce n’est pas Kevin Shields qui pourra le revendiquer.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
7
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le 25 juil. 2017

Critique lue 610 fois

2 j'aime

Seijitsu

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