Smile
7.6
Smile

Compilation de Ride (1990)

Pour sortir un album, il n’y a pas de secret : il faut prendre sa guitare et foncer. Du moins, c’est ce qu’on peut se dire avec légèreté quand on n’a pas envie de dénouer le pourquoi du comment.


Ride aura justement commencé comme n’importe quel groupe. C’est-à-dire à répéter dans son garage en faisant le maximum de boucan possible avant d’être signé par Alan McGee… Quitte à se mettre leurs voisins à dos (les gentils garnements finiront par trouver un mot devant leur porte leur demandant « d’arrêter leur horrible bruit la prochaine fois »).


Évidemment, les Oxfordiens ont su marquer leur époque et occuper le statut qu’ils occupent parce qu’ils sont arrivés au bon moment. Sinon comment expliquer qu’en l’espace de 10 mois, ils ont pu sortir 3 EPs et un album ? Alors qu’ils s’étaient formés 2 ans auparavant ! Coïncidence ou non, leur tout premier EP est paru en janvier 1990. Il a immédiatement attiré l’attention des critiques qui allaient faire de ce très jeune quatuor le futur espoir du rock Britannique dès leur second EP Play. Était-ce une envie de passer à autre chose une fois entré dans une nouvelle décennie ? Très certainement.


Ride aura donc connu le même genre d’attitude vis-à-vis de lui que Lush. Parce qu’il fallait être dans le vent et que le shoegazing n’était encore qu’une musique nouvelle qu’on pouvait aborder sans se pincer le nez. Fort heureusement, l’enthousiasme était justifié malgré cet emmêlement malsain entre éléments extra-musicaux et véritable talent. Cette compilation, regroupant leurs deux premiers EPs aux célèbres pochettes fleuries (cette nouvelle pochette étant en soi un beau clin d’œil), est un éclatant témoignage de leurs premiers efforts.
L’intensité lumineuse de Nowhere est toutefois encore loin. Si vous vous mettez en tête d’y retrouver les mêmes ingrédients que sur ce fabuleux disque, vous partez avec le grand risque d’être déçu. Ces gosses n’ont jamais sonné aussi garage et la production crue en éloignera plus d’un. Mais c’est bien cette particularité qui fait tout le charme de ces premiers pas.


Plutôt proche des Jesus and Mary Chain et du Isn't Anything de My Bloody Valentine, on navigue en plein dans un shoegazing brut de décoffrage qui sent la sueur juvénile. Les maladresses sont là, mais elles embellissent la musique au lieu de la pénaliser. De toute manière, ce qui fait la magie et l’intérêt du style est là : des belles chansons ouatées accompagnées d’un torrent de guitares agonisantes. L’apaisante « Close My Eyes » représente bien ce paradoxe, car elle donne envie de s’abandonner à la beauté de la musique malgré sa lourdeur sonore éprouvante.


Ride accomplit déjà des miracles d’écritures en dépit de voix pas toujours justes (comme sur le pourtant défoulant « Chelsea Girl »). L’arpège à la The Cure sur le heavy « Drive Blind » est addictif au possible et « Silver » est une dérive noise aussi bien fascinante que pesante. « Like a Daydream » a même de quoi rendre jaloux les Byrds avec ces harmonies vocales angéliques. Mais la bande a quelque chose de plus que les Oiseaux Californiens : Loz Colbert. Le batteur qui dynamise n’importe quelle chanson. Rendant épiques ces morceaux aux vocalises vaporeuses (écoutez le dynamitage final de « Perfect Time » !).


…Et si ce n’était justement pas ça, ce qui fait le génie de Ride ? Cette idée d’écrire de jolies chansons langoureuses sur fond de saturations psychédéliques et de rythmiques destroy ? Quand nous constatons (amèrement) la suite de leur carrière à partir du milieu des années 1990, nous ne pouvons qu’en être persuadés.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 6 août 2015

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