Sonik Kicks
6.1
Sonik Kicks

Album de Paul Weller (2012)

A 53 ans, Paul Weller prend la route avec le souffle enthousiaste de celui qui a toute la vie devant lui, à la poursuite de ses rêves comme on partirait à la conquête d'une terre inconnue longtemps fantasmée. Faut-il encore présenter cet artiste majeur, bardé de récompenses et à l'origine de bien des disques de qualité tels que 22 Dreams ? Pour son onzième album, l'ancien leader des mythiques The Jam remet tout le monde à sa place en montrant aux jeunes loups qu'il est toujours le chef de meute, plus efficace, indomptable et élégant que jamais.

Cheveux au vent, le pied sur l'accélérateur, le Modfather explore dans un Sonik Kicks sous amphets des paysages en technicolor au volant d'un cheval nerveux et racé. On démarre sur un Green massif, appuyé par une basse vrombissante comme un moteur V6 sous le capot de la Mustang. Sous les accélérations, les solos de guitare wah-wah jaillissent phosphorescents comme des serpents électriques et repeignent à la Day-Glo un hymne taillé pour les dancefloors.
Que ce soit avec Dragonfly ou Around The Lake, Paul Weller, libre comme l'air, chante à qui veut l'entendre que la vie ne vaut d'être vécue que si on s'y lance à cent à l'heure. L'aiguille frétille sur les cent trente, tendue. Une bombe à retardement prête à exploser. Le Modfather vole, grisé par la vitesse, éclairant de sa folk un ciel crépusculaire tandis que l'électrique sourde des nuages. Des basses reptiliennes krautrock se traînent sur l'asphalte brûlant, et, par moment, les nappes électroniques s'élèvent dans l'air comme des vagues de chaleur. Plus rien n'a d'importance, seul demeure le plaisir de l'instant présent.
Le ciel bleu lentement se pare de couleurs chaudes alors que l'on mord la ligne blanche sans jamais la lâcher ; Kling I Klang en hommage aux Jam, morceau punk dans l'âme et mélodique à souhait. On sent le métier du Monsieur lorsqu'il décide de placer ça et là de purs moments de douceurs, témoin en est la pop de The Attic aussi délicieuse qu'une gorgée de jus Pago à l'orange tout juste sorti du frigo.

On laisse la voiture refroidir sous la brise pour une petite balade folk By The Waters où les violons s'élèvent légers comme le geste assuré d'un peintre. Le chant est langoureux, et maîtrisé de telle manière qu'il en émane une sensation de pureté et de profondeur incroyable. Vient alors That Dangerous Age, le single pour les radios. Un choix bien curieux compte tenu de la qualité des autres titres. Le chant éclairé est toujours parfaitement maîtrisé, mais c'est bien la seule chose véritablement digne d'intérêt ici.
A pied, la poussière s'élevant à peine au-dessus du sol, on admire l'immensité de ce monde ocre, erratique. On est pris par la chaleur amicale dégagée par l'orgue et la basse dans Study In Blue, pièce centrale de l'album, au léger accent Gorillaz. La guitare folk et le duo vocal avec sa femme en contrepoint apportent une fraîcheur à l'ensemble, et le monde devient harmonie. Une exploration de sept minutes entre jazz, reggae, soul et rock. Soudain, la guitare électrique frappe le sol, un éclair déchirant les ténèbres. Et la pluie fine récite sa poésie sur nos visages.

Bientôt la fin d'un merveilleux voyage. Un Paperchase dans les nuages, comme une apothéose, et un Be Happy Children lénifiant qui sonne comme un morceau de vieux briscard heureux d'être devenu papa. Certains semblent mieux supporter le poids des années que d'autres, le temps n'ayant pas de prise sur ceux qui savent garder l'esprit jeune. Volume à fond, le pied sur l'accélérateur, Paul Weller trace sa route avec style, le regard vers l'horizon.
MC_Sauteuse
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le 29 mars 2012

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MC_Sauteuse

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