Stup Virus
6.4
Stup Virus

Album de Stupeflip (2017)

C'est ma première critique soyez indulgent svp :(

Le jour de la sortie du disque, j'eus le triste malheur d'aller consulter l'Internet sans même avoir écouté le CD. Faut croire que ça m'avait découragé, en tant que désapprobateur convaincu de Terrora, de lire ça et là sur divers forums que "c'est vraiment de la merde ce nouveau disque", "ça a perdu toute sa saveur", "les lyrics sont vraiment à chier", et autres carabistouilles aigries et digitales. Rien qu'en remarquant la couverture minimaliste, j'avais appréhendé un total retournement de veste musical et, en effet, de la crainte de ne pas retrouver la formule magique qui avait tant stimulé mes petites oreilles de lapin depuis quelques années.


Hum hum, alors... Comment commencer cette critique...
J'avais dans un premier temps pensé à faire une critique individuelle et séparée de chaque morceau, au vu de la diversité de cet album ; mais ça risquait d'être trop linéaire et pas assez global pour saisir l'intégralité de ce que je pense du disque. Donc ce pavé sera séparé en deux "sous-pavés" : le premier pour la critique individuelle des tracks, puis le second pour une vue d'ensemble.



La partie "critique chiante et linéaire" (facultative)



Et la première track « Intro » était pas là pour infirmer mes craintes en termes de changement. La fameuse voix robotisée de Google Translate, évinçant par là l'intemporel Fabien Pollet. Finie la petite voix trafiquée qui m'avait transporté jusqu'aux confins du Stup Concept et guidé périlleusement à travers le stup DVD. C'est louable en temps qu'expérimentation et tentative de renouvellement, mais ça a pas trop d'effet. Et surtout où sont passées les caisses claires qui claquent, les intros qui mettent la hype à gros coups de guitare électrique et de beats secs et nerveux, les genres de sons qui te transmettent le simple message de "on est de retour, et ça va saigner du cul" ? Non. Là c'est tout calme, y a rien. Soit. 3/10.


Pour « The Antidote », je l'avais déjà trop écouté depuis sa sortie sur YouTube pour me rappeler ce que j'en pensais déjà. Bah c'est du Stupeflip. Un truc qui se serait bien casé dans THI, sans pour autant casser des briques. Déjà ça montre bien que le virage à 180° que je craignais ne risque pas d'être aussi violent : toujours un style en Crrr et des allitérations à plus savoir quoi en foutre. Par contre un beat un peu décalé, dommage. 7/10.


Et mais attends, je la connais cette intro ! King-Ju l'avait postée y a un an sur son SoundCloud ! Elle est un peu modifiée, mais de ce que je me rappelle le début de l'instru m'avait salement teasé à l'époque. Ici on a une version un peu plus lente, mais largement appréciable pour autant. Le titre du morceau « Creepy Slugs » rend salement bien avec l'ambiance et l'atmosphère transmise par ce son : un truc bien underground, une boucle aux sonorités sombres et terrifiantes. AH OUI PAR CONTRE cette voix du King-Ju au troisième couplet, ça me donne la stup-trique ! La même qu'il y avait dans de nombreux morceaux mythiques du passé : "Stupeflip", "Stup Danse", "Le Fléau", "Aqui per fau dau Brutz", le deuxième couplet de "Hater's Killah" ou l'excellentissime troisième de "La Menuiserie". C'est qu'un avis purement personnel, mais cette voix bon sang... Rien que pour ça, un point en plus dans mon estime de ce son que j'apprécie déjà. 8/10.


L'instru de « Cosmocrou (brochure) » était déjà passé en extrait sur la chaîne YouTube de stup, et ça m'avait assez plu. En tant qu'interlude musicale, ça rend bien, un peu comme un inédit qui traînait dans le disque dur depuis des mois et qui a enfin eu son moment de gloire. Mais mettre cette affreuse voix par dessus qui débite des inepties, très peu pour moi non merci. 5/10.


AAAAH c'est QUOI ce beat affreux ! Beuaaah j'en manque de couper le disque. La sonorité reggaeton de « La seule alternative » est totalement, mais alors totalement pas en adéquation avec l'esprit de Stup (oui je fais mon puriste et alors). C'est plus un truc qui passe dans des boîtes de nuit un peu craignos que du vrai son que t'écoutes posé dans ta chambre. Certes c'est sans doute bon pour un truc qui passe en soirée pour se déhancher le boule sur des rythmiques qui claquent, mais pas ma came désolé. 3/10.


Par contre la suite, ça, ça j'aime bien. « The Solution » : sur l'échelle du son posé et relaxant, on est bien au niveau de Apocalypse 894, voire même La bavure de Pop-Hip. Les flows différents proposés sur les trois couplets sont mariés à l'instru, c'est bavant à souhait. S'ils avaient été placés sur un autre style de musique, ç'aurait certainement pas passé aussi bien. Pis ce refrain, mmmm ce refrain... Avec cette atmosphère, on se croirait dans un album de Air ou de Pink Floyd. 9/10.


L'interlude musicale juste après, « Knights of Chaos », et bien... c'est assez agréable à écouter. Ça rend bien comme break instrumental et surtout il permet d'apprécier la dualité de Stupeflip : d'un côté le Julien tout sensible qui aime bien les trucs qui pianotent calmement, pis tout à coup CRAC le King-Ju énervé qui se réveille la guitare électrique qui envoie la sauce, la caisse claire qui claque comme jamais, et surtout les délicieux scratchs sur des samples de "La menuiserie", morceau culte et violent s'il en est. 7/10.


J'ai du mal avec le beat de « Stup Virus ». Dommage qu'en tant que titre éponyme, donc censé représenter l'album, il me fasse cet effet... Les voix et le flow sont sympathiques, mais c'est surtout l'instru qui pique un peu trop pour être appréciable. Le refrain semble un peu forcé. 4/10.


Ah bah putain enfin du Pop-Hip, je commençais à désespérer ! Pour citer l'artiste : un disque de Stupeflip sans Pop-Hip, c'est comme une soupe sans moustache. Après un skit au nom aguicheur de « Des nouvelles de Pop-Hip » – un brin bancal et incohérent qui aurait à la limite pu être évité – , on retrouve enfin les p'tits synthés moqueurs au goût de barbapapa et la voix toute douce de l'adorable tête de turc du crou, dans son nouveau tube qui passe en boucle sur 72.8 : « Lonely Loverz ». Rien à dire sur les lyrics, on aime ou on aime pas .C'est de la variétoche toute crachée, tout à fait semblable à ce qu'avait pu produire Pop-Hip avec "Gaëlle", autant dire que ça reste normal pour ce que c'est. Et la p'tite référence à Lio dans le titre qui fait toujours plaisir. (j'en profite pour conseiller grandement à mon auditoire la cover de Stupeflip d'"Amoureux Solitaires", elle est adorable à souhait). 7/10.


Et dire que ce n'est qu'à partir d'« Understup » que j'ai réellement pris conscience de la qualité du mixage de cet album. Avec le son non-compressé à fond à travers le casque audio, on les sent passer les 400k dans le studio Ferber. Ce sample de la propreté, on retrouve le vrai Stup qui se fâche comme dans un groupe de trash ; une raison de plus pour laquelle le deuxième couplet repris de l'inénarrable inédit "Le Fléau" semble plus qu'adéquat à être posé sur ce son de ouf qui t'emporte la tête. 7/10.


Si « Stalactites » avait été écrit et produit par un quelconque autre artiste, j'aurais certainement pas accroché. Mais vu que c'est Stupeflip qui a son nom sur la pochette, bah ça m'empêche pas de pas aimer. Refrain pété, égotrip de bas-étage sans le tout plein d'allitérations et de crrrr auquel le Ju nous avait habitué pour pallier le manque flagrant de fond dans certaines de ses lyrics. Mention spéciale à la ligne "Avec mon crou crou, c'est d'la balle, ça dit pas n'importe quoi" qui a eu le mérite de me faire doucement rire. 4/10.


« Fou-fou », aka "The Wrath of Colette" comme la connaissaient déjà les habitués de l'ASFH. Interlude toute douce et choupinou-pinette en sucre glace et en chocolat, en plus la gamine a une voix adorable. Un peu malsain le contraste entre l'ambiance bon enfant de l'instru et de la voix, avec les "idées suicidaires" et "Die motherfucker die". Ça rend sans plus sinon. 6/10.


Celle-là m'a mis des frissons comme pas permis à la première écoute, j'ai lâché des larmes d'émotion dans mon p'tit coeur de lapin. « 1993 », ou le vrai début de l'Ère du Stup. Toute l'essence de la vraie mélancolie du Cadillac qui se délivre à coeur ouvert encore plus que dans WRI, et sans les artifices de lore amenées et ramenées dans les interludes des précédents albums. La mort de Fabien Pollet, la création de l'ère du Stup, 1972, la Menuiserie... En cherchant un minimum, tout ceci est raconté et expliqué dans cette track, comme une sorte de synthèse de ce qu'est vraiment Stupeflip : deux p'tits connards qui fument et qui fument et qui fument en jouant de la guitare, sans ce soucier de la célébrité, de l'argent, ou de tout ces artifices. Meilleur couplet de Cadillac jamais, et la prod qui rend le tout mélancolique et tristounet. 9/10.


Par contre « Grosse tête » j'ai pas compris. 2/10.


Ok celle d'après. Celle. D'après. Putain. C'est. Indécemment. Bon. « Crou Anthem ». Rien que dans les dix premières secondes tu sens le truc lourd arriver, digne d'un album de hip-hop old-school tout droit sorti de 1993. Cette batterie sèche propre et nette venant accompagner tendrement le sample de classique, de l'ancienne époque dans son plus simple appareil. Et que dire des refrains scratchés à la perfection, de ce flow du premier couplet qui fait l'amour à la prod avec respect et gentillesse. Sublime hommage aux inspirations hip-hoppesques qui se sont faites ressentir principalement dans THI, je surkiffe bon sang. 10/10.


Le suivant, « Forcefield », c'est déjà sympa que la voix robotique des répliques de Sandrine aille bien avec le côté futuriste du morceau. Sans vouloir paraître péjoratif ou condescendant, il aurait mieux fait de rester à son statut d'inédit. Ça m'a pas l'air d'être du contenu à foutre dans un album, c'est pas assez... Stup. Bien travaillé sinon. 6/10.


Voici maintenant venu le temps des fameuses proses de Stupeflip, dans la fameuse lignée des West Région's Inquisitors, Crayon Titi, ou autres Visions. Et celle-ci, « Le trou noir », semble pas trop trop mal réussi, bien qu'assez ésotérique. Mais bon c'est pour l'ambiance, c'est ce qui compte ici visiblement. La diction lente et articulée donne un côté très poétique au tout, et le featuring de MC Salo en adéquation avec l'ambiance générale de la track. 6/10.


J'avoue, j'ai presque pleuré une seconde fois pour « Pleure pas Stupeflip ». En tant que fan de stup, comment ne pas laisser une p'tite larmichette en entendant ces terribles adieux que Julien fait à son oeuvre ? Le poum poum tchac reste très très lourd, tout comme les paroles. Une deuxième prose dans cet album, magnifiquement orchestrée, très « crayon-titiesque » dans la diction. Point négatif : moins long et moins élaboré en termes d'outro à ce que ce à quoi King-Ju nous avait habitué dans les 3 albums précédents, mais bon on peut pas avoir un truc du niveau de WRI ou Région Est à chaque album en même temps. Le résultat en reste néanmoins assez plaisant, bien qu'un peu décevant quand même... 7/10.


Depuis trois ans que j'écoute Stupeflip, je me suis jamais demandé ce que ça donnerait mélangé à de la trap. À vrai dire si l'idée m'avait un jour parcourue la tête, elle m'aurait très certainement fait plus rire qu'autre chose. Même si les nombreux morceaux égotrips correspondent déjà en termes de champ lexical et de thème dans les lyrics — a fortiori dans ce dernier album — avoir l'instru évanescente et le flow métrique qui collent avec le genre, bah ça rend pas si mal au final dans « Tales from the Crou ». Le mixage est mille fois impec sur ce son, surtout au début du couplet de Reverb-Man — son flow se fond délicieusement bien avec la prod — et Cadillac. Ce Cadillac. Tellement parfait sur cet album. 8/10.


On change radicalement d'ambiance pour cette ultime ghost track, « Fan 2 Stup ». Le titre annonce bien la couleur, puisque cette fois Ju ne parle pas du Crou et de à quel point il est lui-même technique au mic et que les autres MC il les bouffe au petit-déj' comme des céréales ; niup, là c'est au p'tit fan derrière sa sono à qui il s'adresse, et à la deuxième personne qui plus est. Le King retourne le jeu de façon inattendue, stupéfiante et originale, en rendant sa part du gâteau au fidèle lapin qui l'écoute religieusement depuis des années en attendant la suite. Les légers accords de guitare sèche et les choeurs en fond dans le refrain peuvent rappeller "Nan?..Si?" avec un beat plus léger ; musicalement c'est à des années-lumière de ce qu'il a pu nous présenter par le passé dans ses albums. Magnifique ending de carrière, cette clotûre sur un message aussi beau. 7/10.



La vraie analyse à proprement parler



Et sur tout l'album en général, y a quoi à dire ?


Déjà, il est totalement aux antipodes par rapport aux précedents opus, à remarquer dès la première seconde ne serait-ce que par l'absence de continuité dans l'intro, ou encore le manque flagrant de références au lore pourtant très exploitable de Stupeflip (les quatre régions, le crou, 894, la religion du Stup, le monastère...), ou même la disparition de Fabien Pollet. King-Ju a ici montré une fracture nette avec ce que la fanbase pourrait attendre de lui, une réponse du style "je fais ce que je veux dans mon groupe de musique, personne me dira ce que je dois faire ok ?" et rien que ça je trouve ça beau. Après le défi osé envers le monde du show-bizness, se montrer à contre-courant de sa propre image est une toute autre paire de manches.
Ce qui frappe surtout ici, c'est l'éclectisme musical évident de cet album. Du rap expérimental à la reggaeton, en passant par la variété à paillettes ou encore le hip-hop old-school, Stup Virus est un patchwork de tout plein de trucs assemblés ensemble dans lequel chacun trouvera forcément un morceau qui lui correspond.
Et c'est là aussi l'un de ses défauts majeurs. Bien que la plupart des sons ici soient de qualité standard sans plus, y a assez peu de sons sur lesquels j'ai vraiment vraiment pris mon pied dans cet album, alors que THI m'avait enchanté dans sa quasi-intégralité. En prenant le pari de faire un objet musical aussi varié, Stupeflip a aussi pris le risque non-négligeable de rendre une certaine partie de ses productions déplaisantes à une certaine partie de son auditoire.


L'absence de lore ou même de skits dans les interludes est une lame à double-tranchant, sauf qu'elle tranche dans les deux cas du mauvais côté. D'une part, ça rend tous les efforts de développement de l'histoire du Crou totalement obsolète, et d'autre part l'intérêt d'écouter l'album en entier est totalement perdu. Je m'explique : les trois premiers albums de Stupeflip étaient pour moi – et sont toujours – des chefs-d'oeuvre parfaitement orchestrés et ce pour une raison bien précise : ils forment un tout. Un ensemble uni et indissociable. Chacun des trois disques dégage une ambiance musicale parfaitement distincte, la fracture entre les trois ères du Stup est notable.


Pour illustrer, voici les trois décors que je me visualise en les écoutant :



  • dans Stupeflip (2003), deux pauvres gars drogués et alcooliques coincés dans leur appart, qui tentent de faire de la musique dans un style do-it-yourself bordélique au possible et qui espèrent un jour percer dans l'industrie du disque → c'est expérimental

  • dans Stup Religion (2005), le cadre est médiéval, dans un vieux monastère délabré, où des moines en transe récitent leurs dernières prières en attendant que leur fin vienne et que les maisons de disque achèvent leur contrat dans un déluge d'horreur et de violence inouïe → c'est la chute

  • dans The Hypnoflip Invasion (2011), c'est un gang de rappeurs masqués qui balancent des freestyles dans le hangar souterrain de leur immeuble, un rap technique qui demande rien à personne et qui ne cherche plus à côtoyer les hautes sphères du cho-bizness → c'est le retour et l'indépendance


Mais dans Stup Virus, rien. C'est plus une excroissance un peu ratée qui tente de surfer sur la vague démentielle que fut THI, mais qui ne réussit au final qu'à être son ombre. C'est pas tant la qualité individuelle des morceaux (correcte soit dit en passant) qui me fait désapprouver cet album par rapport aux précédents, mais c'est surtout l'absence de cadre inhérent à cet album fait perdre tout intérêt à l'écouter du début à la fin ; c'est plus proche d'une longue mixtape que d'un album de Stupeflip à proprement parler.
Dans un sens, c'est un mal pour un bien que Stupeflip décide de s'arrêter là ; continuer à forcer le délire et produire des albums de moins en moins bons – comme c'est déjà arrivé à de nombreux artistes ou formations musicales – ne serait qu'autant de clous en plus fermant le cercueil du crou.


(à titre de comparaison, j'ai mis 8/10 à Stupeflip et à Stup Religion, 9/10 à THI, et 4/10 à Terrora)

KiwiBird
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le 31 mars 2017

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