Temps de Crise
8.1
Temps de Crise

Album de Paris Violence (1998)

Oï glauque dans la "concrete jungle" ! Malaise latent et colère froide, impuissante pour ce skeud grisâtre aux textes littéraires de qualité. On ne saurait bien dire si c'est du PuNkOïsé ou de la chanson française ultra réaliste. En tout cas les valeurs de la classe ouvrière, l'ambiance malsaine des paumés, la rage canalisée de la rue exhalent un parfum qui nous dégoûte et nous grise à la fois.
"Echec total" "Spleen et banlieue" "Sur le front" nous replongent dans l'univers du héros de Céline, Ferdinand Bardamu que le chanteur guitariste auteur Trav vénère et vraiment c'est bien foutu !
A la première écoute la substantifique moelle de cet album, et à l'époque où on ingurgite, société de consommation oblige des disques comme un champion de concours de bouffe ingurgite des hamburgers, pourrait bien vous échapper.


Si un concurrent vomit, il est éliminé !


Ajoutons qu'il faut être tranquille pour bien prêter l'oreille aux paroles. Encore ça ne suffira pas. Les mots sont crachés, éructés, dégueulés à moitié bouffés et il faudra aller chercher les textes sur le net. C'est vraiment, vraiment dommage de ne pas avoir réussi un mix où les mots eussent été intelligibles mais le style s'y prête-il ? Ce que l'on gagnerait en compréhension serait perdu en impact ! Certainement une des raisons pour lesquelles un disque peut passer inaperçu ou rester au stade confidentiel de quelques aficionados. On ne saurait dire si l'étrange humanité de Céline aurait apprécié les années 90 et cette musique mais sans nul doute ces textes qui rappellent son parlé franchouillard populaire tout droit sorti de Mort à crédit ne l'auraient pas laissé indifférent.
Un bel hommage et un album littéraire à écouter mais surtout à lire.


ECHEC TOTAL
La pluie commence à tomber sur les hangars abandonnés
Les entrepôts désaffectés, le portail des usines fermées
Il laisse les gouttes épaisses tremper ses cheveux et sa tronche
Sa clope presque finie lui irrite un peu les bronches


Il longe le trottoir en zigzagant entre les flaques
Ferdinand Bardamu, c’est pas Eugène Rastignac
Là haut sur la voie ferrée qui passe par dessus la nationale
Un train de marchandise rouillé grince et trébuche sur les rails


La pluie est trop forte maintenant pour rester dehors
À l angle de la rue, l’enseigne du Bar des Sports
Le patron, l’air accablé, lui sert un ballon de rouge
Dehors la flotte a redoublé sur les cheminées couvertes de rouille


Il croise les mains et les fout sur la table
La toile cirée pleine de vieilles taches d’alcool et de cendres
Il n’a pas demandé cette vie minable
Il faudrait plutôt penser à essayer de se reprendre


Mais il sait pas au juste quel est son rôle
Dans les zones périphériques du bourbier urbain
Complètement paumé dans les Années Folles
Et les longs couloirs du métropolitain


Il laisse une pièce mais pas de pourboire
Et sort avec des yeux hagards
Il longe un moment un grand mur
Le dos fouetté par l air du soir


La pluie brusquement s’est arrêtée de tomber
Il n’est pas très tard les fumées des cheminées sombres
Se mêlent aux nuages noirs qui pèsent sur l’air pollué
Les bâtiments géants font des immenses taches d’ombre


Il marche le long du mur un peu nerveux
Pourtant à vrai dire il ne pense plus à grand chose
Les mains dans les fouilles de son imper’ douteux
Il regarde vaguement le paysage morose


Son passé est vague comme ces terrains vides
Qui s’étendent a perte de vue entre les vieilles usines
Sa gueule devient encore plus livide
Que les façades déglinguées des entrepôts en ruine


TINTIN CHEZ LES R.M.I.STES
Tintin s'est fait virer du Petit Vingtième
Et Haddock a dû vendre Moulinsart
Se sont installés dans le IXème
Et connaissent les joies du chômage
Milou, Milou sapristi, viens taxer au Capitaine
Un peu de cet elixir dont les caves du château étaient pleines


Tintin doit bosser les 3-8 à l'usine
Et Milou est devenu chien de cirque
Assis devant son verre de rouge
Se repasse la main dans la houppe
Merde, y reste plus un rond, c'est tout les coups comme ça
Va falloir tourner dans un film porno, pour tenir jusqu'à la fin du mois


Soudain réaliste, il observe le ciel lourd
Par le petit carré qui donne sur la cour
Regrette les partouzes qu'il faisait à Moulinsart
Et le LSD sur les pelouses du parc


Tintin fait des pompes dans la cuisine
Il en a marre de s'faire casser la sphère
Un poing américain dans la poche de son jeans
Le pantalon de golf il sait plus quoi en faire
Merde, il y a comme un problème, ça fait cinq mois de loyer
Qu'on doit au propriétaire, va bientôt falloir squatter


Avec ce qu'il lui restait dans le larfeuille
Il s'est fait tatouer sur l'avant bras gauche
Le signe du pharaon Ki-Osk
Et l'dragon du Lotus Bleu sur l'épaule
Capitaine rangez ce flingue, y a encore un peu d'espoir
Milou lâche ces seringues, tu ferais mieux comme moi de boire


Soudain pessimiste, il arrête le CD
Arrache sa chemise et se met à gueuler
Balance les bouteilles vides aussi loin qu'il peut
Regarde ses tatouages et se refout au pieu
Mais il peut pas dormir, et puis ça sert à rien
Encore que c'est toujours mieux que le lendemain
Où sont passés les autres, ma parole, c'est pas vrai
On se fout d'ma gueule, quelle bande d'enfoirés


Tintin remet ça au nom des souvenirs
En espérant qu'en bas, ils feront toujours crédit
Après il remet ça encore au nom de l'avenir
Auquel faut penser l'moins possible
Putain Milou j'ai l'machin qui répond plus aux ordres
J'ai beau y aller des deux mains, y a comme un truc qui déconne


Demain tout sera fini mais aujourd'hui c'est la fête
Un banquet, faites monter des salopes
Rideaux rouges, vin sanglant, tout est grand mes seigneurs
Le sang du Diable me réchauffe le foie, c'est le top
Ça y est c'est en marche, j'ai bien cru qu'il marchait plus
Qu'il me restait au derche, qu'il me restait au cul


Soudain très soucieux, il sort sur le balcon
Molarde un bon coup, se trouve un peu con
Remet sa chemise et ses baskets sales
Et merde, il reste plus de pinard
Il va faire un tour jusqu'à l'épicerie
Et merde c'est fermé, ah c'est vrai c'est lundi
Y a rien à la télé et le ciel est couvert
Ça le rend inquiet, ça le désespère


Tintin chez les R.M.Istes, Tintin.....

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le 26 nov. 2021

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SombreLune

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