The Echo Show
6.3
The Echo Show

Album de Yeti Lane (2012)

La petite pop facile et évidente, ce n'est pas du tout mon truc ; la musique que j'aime se doit d'avoir des niveaux de complexité qui permettent l'écoute et la réécoute en découvrant à chaque fois de nouveaux petits détails différents, tels des vis qui maintiennent la structure en place. Autant dire que le premier morceau de The Echo Show, "Analog Wheel", qui se construit lentement autour d'une guitare pastorale et de pulsions électroniques visqueuses quasi-tribales, démontrant l'amour de Yeti Lane pour des groupes de krautrock tels que Neu!, Cluster, et surtout Harmonia (le projet monté par des membres de ces deux groupes révolutionnaires), m'a temporairement vendu du rêve. S'étirant dans une beauté toute plastique aux alentours de huit minutes, c'est une intention de psychédélisme prometteuse qui, hélas, ne tient pas du tout le long de l'album.

Des sonorités unusuelles, voire accroche-oreilles fleurissent dans The Echo Show, mais bien trop souvent Yeti Lane se contente d'en faire une sorte d'indie-dance loin d'être aussi accrocheuse que ce qu'elle promet. Les premiers morceaux de l'album sont à ce sujet les mieux foutus, le morceau-titre sonnant un peu entre un mix entre du Klaxons et du M83 dans un esprit très chill, là où "Warning Sensations" se mange un riff de synthé bien vintage à la Human League et pose dessus une ballade pas déplaisante, forçant un peu une juxtaposition sonore avec une guitare surf larmoyante. L'album est ponctué par quatre petites virgules ambient qui cherchent à faire office de respiration, mais ne font qu'aiguiser l'appétit pour quelque chose de plus intéressant.

Les voix et l'instrumentation sont lourdement protoolsés, ce qui aurait pu ajouter dans le psychédélisme sympa, mais ajoute plus souvent qu'autre chose une certaine confusion et ne réussit nullement à ancrer les compos les plus ratées. The Echo Show tente de jouer sur une certaine naïveté qui, bien que consistante, est rarement touchante. Le son de Yeti Lane ressemble assez étrangement à celui d'Is Tropical, le groupe londonien qui a loupé le zeitgeist de 2011 avec leur album fait de patchworks new-rave hit-or-miss. Cependant, là où Is Tropical réussissait à garder leur énergie gobeuse de pilules tout le long, Yeti Lane sonne bien trop souvent comme une brume post-spliff. Malgré tous leurs efforts à déployer des sonorités électroniques effervescentes et des guitares histrioniques, la profonde léthargie frappant des morceaux comme "Logic Winds" ou "Strange Call" laisse perplexe sur notre raison à leur donner ne serait-ce qu'une once d'intérêt. On dirait que Yeti Lane recherche une sorte de bénédiction hippie éthérée, mais le bourdonnement ainsi produit sonne plutôt inconséquent et sans destination.

Éventuellement, cette mollesse perpétuelle devient assommante, surtout sur l'écœurante ballade "Alba", ou bien encore "Sparkling Sunbeam" qui sonne comme le R.E.M. des années 80 à leur niveau le plus anémique. Yeti Lane récupère un peu de gloire psych-rock dans la coda bourrée de feedbacks du morceau final, "Faded Spectrum", qui sonne comme si le groupe avait écouté les légendaires dealers de noise japonais Les Rallizes Dénudés, mais dans la grande majorité, malgré les tentatives répétées de prendre l'auditeur par les couilles, Yeti Lane manque l'énergie de faire autre chose que de les chatouiller. Qu'importe le nombre de petites mélodies de guitare pétillantes et d'effets spacieux qu'ils nous servent, rien ne peut voiler le manque profond de substance au cœur de l'album. The Echo Show manque de l'imagination des nombreux groupes cités précédemment : pas non plus complètement inintéressant, rien ici ne se sifflote par la suite, et il n'y a certainement rien dans les compos que l'on ait entendu fait bien mieux dans des albums incendiaires parus en Allemagne et au Japon 40 ans de cela.
BiFiBi
3
Écrit par

Créée

le 18 févr. 2013

Critique lue 257 fois

8 j'aime

6 commentaires

BiFiBi

Écrit par

Critique lue 257 fois

8
6

D'autres avis sur The Echo Show

The Echo Show
BiFiBi
3

Cosmic Jokers

La petite pop facile et évidente, ce n'est pas du tout mon truc ; la musique que j'aime se doit d'avoir des niveaux de complexité qui permettent l'écoute et la réécoute en découvrant à chaque fois de...

le 18 févr. 2013

8 j'aime

6

The Echo Show
Hélice
4

Je ne te chercherais pas si je ne t'avais déjà trouvé

J’ai découvert la musique contemporaine de type rock assez « tardivement » dirons-nous, quoique tout soit relatif - je me souviens par exemple de ma découverte émue des Doors à 18 ans, et de Queen à ...

le 16 févr. 2013

8 j'aime

7

The Echo Show
JZD
7

Critique de The Echo Show par J. Z. D.

Evidemment, ils sont mignonnets, ils sont gentiment pop, ils font de la musique cool et agréable, un peu youyou - c'est le terme officiel, youyou, c'est la musique qui donne envie d'agiter les mains...

le 15 févr. 2013

8 j'aime

1

Du même critique

La Grande Bouffe
BiFiBi
8

Le plaisir de mourir

(Attention, critique susceptible de contenir des spoilers) Marco Ferreri est un réalisateur que j'admire beaucoup, tout autant pour sa détermination à dépasser sans cesse les frontières posées...

le 29 oct. 2010

64 j'aime

3

Network - Main basse sur la TV
BiFiBi
8

Ne réglez pas votre téléviseur

Vous avez probablement déjà vu un film de Sidney Lumet. Son premier film, 12 Angry Men, est un chef d'oeuvre du huis-clos judiciaire, et affirme déjà le style Lumet, artisan entièrement dédié à son...

le 11 déc. 2010

54 j'aime

2

Avengers
BiFiBi
3

Les drones neufs de l'Empereur

Car ce n'est plus juste la force, mais les images de force qui importent dans les guerres du 21e siècle. - Graydon Carter Le sous-texte des Avengers dispose d'une curieuse accointance avec la...

le 23 déc. 2012

49 j'aime

12