Mine de rien on arrive en 2003 et Alice Cooper n'a pas l'intention de lacher l'affaire.
Les deux costauds que sont "Brutal Planet" et "Dragontown" ont reçu un accueil plutôt tiède, peu de ventes mais des critiques plutôt positives, "The Eyes of Alice Cooper" s'affranchit de ce dyptique metal-indus comme si de rien n'était avec un hard-rock bien plus festif ainsi que par des morceaux plus light, plus "oldschool" comme on va le voir plus bas.
Cette fois, pas de concept, l'album se recentre sur la personnalité du chanteur, mais aussi sur son aptitude à se glisser dans des personnages différents tout au long de vignettes à l'humour noir caractéristique. L'atmosphère est plus légère et on sent une volonté de mettre en avant un tout nouveau groupe qui s'affiche au même titre que le chanteur au dos de l'album. Pour la couverture, 4 couleurs d'yeux existent, bleu, rouge, vert et violet, certaines étant plus rares que d'autres.

"What do You Want From Me" pose le contexte, un hard-rock classique mais pas poussiéreux avec des paroles humoristiques. Alice Cooper qui parle de débrancher sa XBox pour plaire à sa promise a de quoi surprendre, faut l'avouer. C'est l'occasion de découvrir le son de ce nouveau groupe qui a de quoi plaire aux fans de la première heure, on sent une volonté d'intemporalité, s'éloignant des styles datés ou à la mode.
"Between High School & Old School" confirme ce sentiment. Comme le titre le laisse imaginer, on assiste à une sorte de bilan depuis le succès de "School's Out" jusqu'à cette époque futuriste des années 2000. Encore une fois, il s'agit d'un pur hard-rock, efficace et malin, maîtrisé et encore une fois bourré d'humour. A ce point, l'album débute donc dans un enthousiasme renouvelé.
Et ce n'est pas "Man of the Year" qui va faire retomber le soufflet ! Le personnage décrit est celui d'un homme parfait sous toutes les coutures, littéralement, "My urine tests are perfect, my prostate is a jewel", mais dont la vie est d'une telle tristesse sans surprise que seule la mort vient renouveler cette longue série de réussites. La paternité avec un "héros" comme celui de "No More Mr Nice Guy" ne fait aucun doute et c'est avec bonheur qu'on suit ce personnage sur un rythme entrainant et faussement guilleret.
"Novocaine" sonne plus pop, ce qui colle parfaitement pour une fausse chanson d'amour sur le thème de l'insensibilité tant physique que morale. Avec cynisme, "Bye Bye Baby" aborde le sujet de la rupture sur une musique particulièrement festive. A la façon d'un glam-rock glorieux, bardé de cuivres très bowiesques (oui on peut faire des néologismes de temps en temps) le morceau est une belle réussite. On sent le chanteur très en forme et parfaitement aiguisé.
"Be With You a While" se prend un peu les pieds dans le tapis pour sa part. C'est la chanson d'amour obligatoire de l'album, mais elle n'est ni très inspirée ni très remarquable. Il n'y a pas de quoi vomir, mais difficile d'en retenir quelque chose à moins d'être la femme d'Alice Cooper à qui elle est évidemment destinée.
Heureusement, "Detroit City" vient réveiller les quelques assoupis par la chanson précédente avec un nouveau hard-rock très rythmé, joyeusement pourvu en guitares. Alice Cooper, qui est issu de cette ville, rend un hommage aux autres gloires locales que sont entre autres Ted Nugent, les MC5, Iggy Pop, Eminem, Kid Rock et même Ziggy Stardust qui passait par là dans "Panic in Detroit". C'est musclé, joyeux et empli d'une certaine nostalgie, si vous ajoutez à ça le retour de cuivres habilement employés vous obtenez un hymne tout à fait honnorable à cette ville qui a vu naître Robocop.
"Spirit Rebellious" est plus énervée, avec un riff très réussi, on y suit un autre jeune homme en colère, plus tranchant qu'une scie, un jeune homme de 54 ans à l'époque mais dont les crocs ne semblent pas avoir été érodés. L'énergie est une nouvelle fois débordante, s'intégrant parfaitement à cet album porté par un souffle retrouvé.
"This House is Haunted" lorgne du côté de certains morceaux de "Welcome to my Nightmare". Avec une clarinette sortie de nulle part mais parfaitement à propos, un rythme lancinant et une voix fantômatique comme parvenue d'un antique grammophone, le morceau impose une ambiance que n'aurait pas renié le mémorable Steven (mais si, celui du "Nightmare" !). Peu à peu la chanson bascule dans le théatral et prend une ampleur entre comédie musicale et black-sabbath le temps d'un pont avant de repartir dans un contexte plus intimiste et mystérieux. Encore une fois les plus belles réussites ne sont pas forcément les plus exposées.
"Love Should Never Feel Like This" est amusante sans être une merveille pour autant. Le morceau est agréable et dynamique mais n'a rien de mémorable. D'autant qu'il précède la touchante "The Song That Didn't Rhyme". Cette petite chanson déglinguée et douce à la fois est une vraie réussite. L'entrée de batterie foireuse est irrésistible et le ton parodique rend le message paradoxalement plus touchant que dans une chanson comme "Been with you a While" par exemple.
Pourtant, les riffs punk de "I'm so Angry" viennent bousculer ceux qui pensaient que le Coop avait mis sa colère de côté. Enfin, c'est un punk plutôt drôle et une colère très second degré. L'exercice est cependant réussi et reste dans la tête trèèèès facilement. La fin qui dégénère est jouissive et très drôle à la fois.
La fin arrive, avec "Backyard Brawl" morceau plutôt bref mais porté par la puissance des guitares tout à fait dévergondées. On y rencontre un personnage très énervé qui visiblement sème la terreur dans un quartier typique des banlieues tranquilles des Etats-Unis. C'est encore très drôle, "Only got six teeth but three of those
Are sharp enough to bite off your nose", un peu dans la veine de certains morceaux de "Special Forces". C'est un drôle de morceau pour finir, mais dans la mesure ou aucune histoire ne sous tend l'album, cette chanson termine agréablement cet album sans contrainte avec l'énergie qui le caractérise.

"The Eyes" est donc une bonne bouffée d'air frais après deux albums réussis mais étouffants. L'humour omniprésent ravira les fans du Coop du bon vieux temps tandis que les amateurs de hard-rock pur et dur pourront y trouver leur compte. C'est aussi un point d'entrée judicieux pour qui aurait voulu découvrir Alice Cooper dans les années 2000 et qui donnera à coup sûr le goût de se plonger plus sérieusement dans les albums mythiques et plus anciens. L'album ne marquera certes pas l'histoire du rock, ni même celle d'Alice Cooper, il n'en est pas moins très agréable, très efficace, et par moments particulièrement attachant.

Créée

le 6 juin 2014

Modifiée

le 8 juin 2014

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