Accouché dans la douleur, The Worse Things Get, The Harder I Fight, The Harder I Fight, The More I Love You (quel titre !) est sans nul doute le disque le plus personnel de la carrière de Neko Case. La chanteuse américaine, qui va bientôt fêter ses 43 ans, a toujours revendiqué haut et fort ses engagements divers et en particulier envers la cause animale. Son précédent album, le grandiose Middle Cyclone, était d'ailleurs dédié à la nature, dans sa toute puissance et sa beauté. Durant les quatre années qui ont suivi, Neko Case a traversé une longue phase de dépression suite à plusieurs deuils. Cette remise en question, et la lente reconstruction, a été largement documentée par l'artiste elle-même sur son compte Twitter. Reine de ce média pourtant peu intéressant, elle sait mieux que personne en jouer avec humour et sincérité. On pouvait presque se demander si elle trouvait le temps de composer entre deux « tweets ».

The Worse Things Get... est une flamboyante réponse, à la hauteur des attentes. Certes, la musique est moins aventureuse que celle de Middle Cyclone et on peut préférer les ambiances de Blacklisted et Fox Confessor, mais il suffit de se pencher sur les textes pour être frappé en plein cœur. Le meilleur exemple étant Nearly Midnight, Honolulu. La chanteuse raconte a cappella une scène d'abus verbal d'une mère envers son enfant (« get the fuck away from me ! ») pour le transformer en une prière consolatrice. Un échos à ses propres relations tumultueuses avec ses parents décédés ? Probablement. Ailleurs, l'auteur rêve d'être invisible, de se fondre avec les arbres de la forêt, de disparaître. « I wanted so badly not to be me », murmure-t-elle sur Where Did I Leave That Fire, qui débute avec des bruits de sonar de sous-marin. Et lorsqu'elle s'affirme c'est... en tant qu'homme, sur l'imparable single Man. Plus inattendue encore, la magnifique reprise de Afraid de Nico, morceau issu de Desertshore.

La conclusion de Ragtime fait intervenir une explosion de cuivres qui crée une sensation libératrice, indispensable après une telle plongée au cœur des ténèbres. The Worse Things Get pourrait être étouffant, il ne l'est jamais, car la voix de Neko Case, phénomène de la nature en soi, possède toujours cette énergie, cette étincelle, que rien ne semble pouvoir altérer. Avec l'âge, la chanteuse a appris les nuances, les démonstrations de force se font plus rares, et l'émotion n'est que plus évidente. Si l'album n'est peut-être pas le meilleur de l'artiste, il est certainement le plus attachant. En espérant que cette catharsis offrira à Neko Case la renaissance annoncée ici.
Ed-Wood
9
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le 10 sept. 2013

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