Alto Saxophone – Arthur Jones
Bass – Beb Guérin
Drums – Claude Delcloo
Trumpet – Jacques Coursil
Recorded July 7th and 8th, 1969 at Studio Saravah, Paris
Jacques Coursil est un trompettiste né à Paris, enfant il baigne dans la culture musicale martiniquaise que ses parents lui enseignent. Découvrir cette île lointaine restera encore longtemps pour lui un rêve inaccessible, cependant sa vie sera conditionnée par les grands voyages. Le premier vers le Sénégal où il restera trois ans, dont deux en tant que militaire. Puis, en 1965 il migre vers les Etats-Unis où il joue aux côtés de Sunny Murray tout en étant l’élève du pianiste Jaki Byard. Il entre ensuite dans le groupe de Frank Wright où il joue aux côtés d’Arthur Jones qui est l’un des piliers de l’aventure Byg, il côtoie également l’une des rythmiques les plus solides du free, Mohammed Ali et le précieux Henry Grimes, dont le destin cruel fera de lui un véritable personnage de roman. Jacques Coursil passera quelques temps dans l’Arkestra de Sun Ra en tant que premier trompette, il apprendra beaucoup aux côtés du Soleil, il enregistrera également deux albums pour ESP, on le voit son expérience est déjà grande quand il arrive à Paris en compagnie d’Arthur Jones…
A l’écoute de cet album, on sent qu’il ne faut pas négliger l’influence de Bill Dixon qui signe le titre de la face deux. Loin de la fureur de Sunny Murray ou Frank Wright, il semble que les conceptions du théoricien/professeur Bill Dixon soient à l’œuvre ici, on est plus proche de l’album d’Anthony Braxton et de la démarche de l’ACCM, que d’Alan Silva ou Dave Burrell.
La face une est composée de deux titres, « Duke » est évidemment un hommage à Duke Ellington. Cet immense icône de l’histoire du jazz. Mais à travers le Duke c’est également toute la tradition du jazz qui est saluée, toutefois le quartet reste dans la modernité. On entend au travers du morceau, toute la tendresse et le respect dont bénéficie l’inégalable aîné. Arthur Jones fait preuve d’un grand lyrisme et la trompette de Coursil est toute en retenue révérencieuse. Beb Guérin est immense ici, comme toujours, il ajoute une grande tension et soutient la pièce avec une très grande gravité.
Le second morceau se nomme « Fidel », hommage au voisin rebelle, qui défie, malgré l'embargo, les Etasuniens depuis son île. Le jeu de Coursil évoque la frénésie des îles, les accents de la musique cubaine, mais avec une rapidité et un phrasé qui frise la panique, la basse ne chante pas comme le ferait Charlie Haden mais garde sa profondeur et sa gravité, Delcloo organise l’espace, avec économie, utilisant cymbales et percussions. On lit, dans le solo d’Arthur Jones, une apparente sérénité, si ce n’est cette tension que l’on devine, inquiétante et souterraine. Décidément un album très pudique, qui ne livre pas ses beautés facilement.
La version de « Paper » de Bill Dixon se situe dans la droite lignée de la première face, on retrouve les mêmes caractéristiques, un batteur-percussionniste assez discret, coloriste et dramaturge. Une basse très présente autour de laquelle les souffleurs discourent avec tendresse ou gravité, faisant preuve de beaucoup d’expressivité et de lyrisme, finalement, par moment et malgré l’absence du cri, pas si éloigné que cela de certains accents Aylerien.
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