Depuis l'arrivée dans le groupe de Jordan Ruddess, le magicien du clavier, Dream Theater a enchaîné les projets ambitieux. Metropolis en 1999, opéra rock très métaphysique sur la réincarnation figurant toujours aujourd'hui à ma première place personnelle des disques du groupe grâce à des chefs d'oeuvres variés comme Home, Spirit Carries On et Fatal Tragedy, puis Six Degrees Of Inner Turbulence en 2002, double album dont le premier disque présente 5 chansons particulièrement abouties et un concept album construit comme une symphonie de 45 minutes, avant d'enchaîner dans la scène métal avec Train Of Thought en 2003 pour finir en beauté avec une autre pièce maîtresse, Octavarium en 2004, présentant en particulier une chanson de 10 minutes en hommage aux attentats du 11 Septembre et une pépite de 24 minutes construite en alternance entre 5 temps et 8 temps qui donnera le nom à l'album.
Cependant, suite à un tel enchaînement de projets dantesques, le groupe a du mal à concrétiser et peine à sortir trois ans plus tard un disque plus traditionnel, Systematic Chaos, qui, à l'exception de "The Ministry Of Lost Souls", s'avère être musicalement relativement faible en nous ventant simplement les talents techniques de leurs deux leaders Portnoy et Pettrucci. En 2009, Black Cloud And Silver Lighning souffre également d'un gros défaut d'équilibre entre quelques titres très sympatiques et d'autres à la limite du médiocre (comme Wither).
Suite à un manque évident d'inspiration et certainement un questionnement interne, le groupe doit encaisser un énorme coup dur dans la tête des fans puisque Mike Portnoy, considéré par beaucoup comme étant le meilleur batteur au monde, décide de quitter le groupe.


Ainsi, deux ans plus tard, le groupe se voit attribuer une mission particulièrement complexe: conquérir à la fois les deux publics majoritaires du groupe. Ceux issus d'une culture progressiste qui auront tendance à préférer Métropolis et Ocravarium et ceux issus d'une culture Metal d'avantage partisants de Train Of Thoughts, tout en convainquant les gens que l'arrivée de Mike Mangini n'est pas un frein à leur carrière.


Ainsi, sort en 2011 le disque qui sera sujet à cette critique: A Dramatic Turn Of Events.
L'accueil sera évidemment mitigé mais il s'agit selon moi d'un des meilleurs disques du groupe et en voici les raisons.


D'abord, je me dois de me situer en tant qu'auditeur pour vous faire comprendre ce choix. Je suis un grand fan des Pink Floyd et de Iron Maiden, préférant la prog au métal traditionnel, donc je recherche d'avantage une cohésion artistique et un sens de l'ambiance et de la mélodie qu'une démonstration de talent.
Et sur ce point là, Dramatic Turn Of Events marque un grand coup.


Le disque s'ouvre sur On The Back Of Angels, un titre particulièrement puissant et très vendeur. Quelques notes de guitares sortant du néant accompagné de la tablette magique de Ruddess avant d'envoyer les guitares électriques distordues nous abbattre en plein coeur. Puis s'en suit un crescendo musical soutenu et progressif pour nous servir une pépite de solo de piano, digne d'un concerto de Rachmaninov. Le titre est fort, l'ambiance est donnée dès l'introduction, on peut entrer dans le vif du sujet.


Dramatic Turn Of Events se constitue d'un ensemble d'envolées lyriques, mélangeant puissance et mélodie avec brio, avant de s'achever sur une des plus belles balades que le groupe nous a donné: Deep Beneath The Surface. Cette chanson est brillante car elle brise le cercle épique proposé par l'avant dernier morceau (sur lequel je reviendrai) en laissant la guitare électro-acoustique prendre le dessus sur une absence de son et une voix de LaBrie particulièrement sobre. Puis les violons arrivent et l'auditeur se sent perdu entre une angoisse sans voix et une beauté qui s'élève. Puis vient le son de clavier pour ajouter de l'ampleur à la musique, afin d'encourager le chant à prendre de l'assurance, avant de s'éteindre le temps d'une phrase à moitié morte. Puis le chant reviens, un octave au dessus, plus puissant que jamais pour achever ce chef d'oeuvre.


Globalement, l'ensemble des titres de ce disque a quelque chose de différent à nous proposer. Built Me Up Break Me Down est un titre plutôt métal et très accrocheur, Lost Not Forgotten est d'avantage un morceaux long classique de Dream Theater, This Is The Life marque puisque perdu entre puissance et finesse, Outcry est un titre très lyrique et Far From Heaven se rapproche d'avantage d'une prière perdue dans le néant, donnant un sens au titre de l'album.


Voici le moment ou je vais parler de mes deux morceaux préférés (enfin trois si on inclut Beneath The Surface).


Breaking All Illusion , avant dernier morceau du disque, est un ovni dans la carrière du groupe. Cette chanson de 12 minutes démarre par un clavier atypique proposant des son à moitié discordants avant de ponctuer ce riff par des violons laissant présager un morceau symphonique et lyrique, qui seront finalement à l'image du refrain du titre particulièrement accrocheur. Les couplets font énormément penser à du rock progressiste, puis vient le meilleur passage du morceau: l'instrumental. Tout y est, des riffs caractéristiques à la Iron Maiden, un solo particulièrement mélodieux prenant aux tripes à la manière de David Gilmour et un final insistant sur un leitmotiv particulièrement accrocheur pour entraîner LaBrie à revenir sur un refrain épique.


Puis mon petit bijoux personnel: Bridges In The Skies, qui nous entraîne dès les premiers instants sur un riff lourd particulièrement épique pour laisser LaBrie nous percuter avec sa voix puissante qui semble avoir pris de l'assurance par rapport aux précédentes années. Puis vient un refrain qu'il est quasiment impossible pour les fans de mon espèce de ne pas chanter à tue tête lorsqu'il arrive. Ce morceau est puissant, mémorable et prouve que Dream Theater est toujours en forme et n'est pas prêt de s'arrêter malgré les difficultés. Puissant, plein d'assurance, nous proposant un instrumental à la limite de l'anarchie révélant tout le talent de John Pettrici et Jordan Ruddess tout en restant mélodique, un morceau idéal pour se faire plaisir pendant une dizaine de minutes.


Ainsi, bien qu'ayant subit un accueil mitigé, Dramatic Turn Of Events marque d'un seau indélébile l'aire Mangini en proposant une oeuvre dense, riche, épique qui marquera les nouvelles bases d'un groupe qui avait un besoin urgent de se renouveler. Si le groupe choque c'est parce qu'il ose surprendre et innover. Une prise de risque est toujours préférable à une volonté de se reposer sur ses lauriers (je ne vise personne... non) et ce disque marque une transition importante dans le groupe, oscillant entre metal et prog, entre lyrique et épique, entre puissance et délicatesse. Une oeuvre à écouter plusieurs fois et à ne pas juger en une seule écoute. Je considère encore aujourd'hui ce disque comme un de mes préférés.

Orpheelepoete
10
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le 22 juin 2016

Critique lue 230 fois

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