Abbey Lincoln – Abbey Is Blue – (1959)
Cet album d’Abbey Lincoln, cru cinquante-neuf, est tout simplement extraordinaire. C’est son troisième pour « Riverside », en ces temps-là, la personnalité incontournable de Billie Holiday conditionnait les avis et les comparaisons ne manquaient pas de s’exercer. Il serait vain de vouloir faire d’Abbey Lincoln une disciple de la diva, tout autant que d’espérer qu’elle puisse échapper à l’attraction magnétique de la plus tragique des vocalistes de jazz.
Abbey possède la jeunesse et la fraîcheur, et l’album est tout empreint de ces grâces-là, la voix sûre et précise convient bien aux sujets que décide d’aborder Abbey lors de ses chansons, évacuant les airs traditionnels de « Tin Pan Alley », et les facilités qui vont avec.
En ce sens cet album pourrait être qualifié « d’engagé », elle chante en effet des sujets qui l’intéressent et la concernent, y compris sa condition de chanteuse de couleur, elle s’intéresse également à sa communauté et au mouvement des droits civiques.
L’album commence par le titre « Afro Blue » qui deviendra, également, un point de répertoire souvent joué par John Coltrane, la version ici est magnifique. Elle est suivie du superbe « Lonely House », sombre et déchirant, puis de « Let Up », un blues superbe, également la pièce la plus longue ici et celle qui reste ma préférée, elle me saisit à chaque écoute.
On retient encore « Laugh Clown Laugh » qui s’éclaire d’un nouveau sens si on songe aux combats civiques, il y a également « Come Sunday », une reprise de Duke Ellington qui revit sous la voix. Elle est accompagnée la plupart du temps par l’orchestre de son mari, l’excellent batteur Max Roach, Kenny Durham est à la trompette, Wynton Kelly au piano, Les Pann à la guitare ou à la flûte, d’autres musiciens interviennent également : il y eut différentes sessions.
Ce qui est à noter c’est juste la grande qualité instrumentale des accompagnements. Abbey Lincoln a évidemment enregistré d’autres très grands albums, mais celui-ci figure parmi les meilleurs, ce qui en fait une sorte d’indispensable.