ASTROWORLD
7.1
ASTROWORLD

Album de Travis Scott (2018)

Bon, on le sait, ASTROWORLD tire son nom d'un parc d'attractions de Houston dans le Texas, fermé depuis une dizaine d'années.
Mais surtout, il représente un produit, une substance de base de l'enfance de Travis.
L'artiste né Jacques Berman Webster, a mis en bouteille cette adrénaline et l'a incorporée dans son troisième album tant attendu, une œuvre qui se déroule comme une montagne russe de 58 minutes de sensations fortes, de frissons et d'énergie palpitante inégalée.


Sur son dernier album solo, "Birds in the Trap", on avait souvent l'impression que Scott capitulait devant ses invités, que ce soit Kid Cudi dans "Through the Late Night", Young Thug dans "Pick Up the Phone", ou même Nav dans "Beibs...", c'est dire!


Ici, par contre, Scott savoure sa maîtrise des montagnes russes, des trains fantômes, des stands de tir et Autos-tamponneuses amenant des artistes incroyables dans son monde déformé et drogué et les regardant s'amuser, s'élever et surtout en participant à la fête.


L'album de 17 titres démarre avec "Stargazing", une piste atmosphérique qui donne rapidement le ton avec une trap psychédélique. Scott utilisant son auto-tune comme un outil trippant pour élever son hip hop galactique en quelque chose de vraiment enveloppant et puissant.
Présentée avec un superbe échantillon des "Beastie Boys", l' apparition de Frank Ocean sur "Carousel" est exquise, heureuse même, car sa voix riche et pourtant rauque flotte sur des accords délicats: “Blue bands, blue bands/Get my cash from drive-thru/Boy you’re too flash, too flash/Keep the flash minimal/Bitch I’m too cold, too cold/See my breath visible.” Putain que c'est bon!
La première partie partie de Scott et le verset de Drake sur " Sicko Mode " (des lignes meilleures que la plupart de son propre album "Scorpion", Aie! ) est peut-être le moment le plus mémorable et le plus captivant d' Astroworld. Un Banger intemporel.
l'ambiance s'apaise avec un hommage approprié à une légende de Houston, "rest in peace to Screw, tonight we take it slowly". Swae Lee au secours de Scott pour une révérence émue et réussie.
Sur le lent et tentaculaire "Stop Trying To Be God", Scott échange des mélodies avec Kid puis laisse la place au crooner James Blake qui occupe le devant de la scène avec son couplet hymne jusqu'à ce qu'un solo d'harmonica resplendissant et habile, apparemment interprété par nul autre que Stevie Wonder, éclate dans notre poitrine. Renversant.
Vient "No Bystanders". Scott crée une atmosphère intense qui donne envie de sauter de plaisir mais aussi de rage quand nous entendons la voix de Juice WRLD, décédé trop tôt.
la production est envoûtante sur "Skeletons" et fait ressortir dès le départ, toutes les voix de Pharrell et The Weeknd grâce au travail que Kevin Parker de Tame Impala offre à la piste. Je pense qu'il est important de l'préciser.
Le trio The Weeknd - Scott - Mike Dean, sans forcer, se délecte pour chanson love/sex efficace, "Wake Up".
Puis Travis lâche un formidable titre, rendant hommage au vieux Hip Hop dans le morceau "5% Tint" en utilisant les touches du piano du morceau classique de Goodie Mob «Cell Therapy» sorti en 1995, qui finit par s'envoler dans les cieux. Wouaw!
Prenant des notes de Goblin et de crochets menaçants, "NC-17" laisse alternativement la piste ouvrir la voie à de véritables écrits pour Scott et 21 Savage. On est entre le train fantôme et la maison de poupées gonflables. Explicite et délicieux.
"Astrothunder" lui-même commence vraiment à jouer avec les effets, alors que Scott se détend dans des grooves relaxants pour laisser les synthés et les basses briller ici plus que jamais.
"Yosemite" n'est pas vraiment une idée nouvelle niveau production, pourtant elle sied parfaitement à Gunna et Scott (et Nav, oui, oui). On est pas dans la complexité mais le travail est exécuté de manière soigneuse et élégante.
Et "Can't Say" a exactement les même qualité! Don Toliver, apportant une fraîcheur avant cette voix particulière.
"Who? What!" a une production sous-estimé pour moi. 30-ROC et Cardo devrait produire une album entier pour les Migos. La façon dont Quavo et Offset, en fin de track, rebondissent sur le rythme est fascinant.
Murda Beatz, qu'on ne présente plus, est pour beaucoup au succès de "Butterfly Effect". Un titre qui définit à merveille ce qu'est Travis Scott : Expérimental, aérien, vaporeux. Les ad-libs qui s'envolent dans la chambre d'écho réglée au maximum. Chanson hallucinogène.
On s'approche de la fin et voilà un morceau brillant : "Houstonfornication". Là, vous pouvez vraiment comprendre pourquoi Travis Scott est l'un des artistes les plus en vogue du hip-hop, car il mélange de manière transparente une production effrayante avec une écriture accrocheuse et accessible.
On termine avec la chanson la plus personnelle de Travis à ce jour. "Coffe Bean". Sur une prod de Nineteen 85 excellente. "Coffee Bean" plonge directement dans le territoire hip hop old school avec une guitare basse funk forte. T. Scott se demande pourquoi ses beaux-parents, les Kardashians, ne l'aiment pas et propose ensuite une critique des priorités respectives de sa petite amie Kylie Jenner, alors qu'un magnifique violoncelle profond fait monter le frisson, ainsi qu'un effet de saturation très Kanye West. Le clin d'oeil en cloture.


Bon, L'album entier est incroyable et très diversifié.
Travis Scott n'a pas peur d'utiliser les fameuses synchronisations et voix déformées pour lesquelles il est connu sur une piste et de changer son style sur une autre chanson. Beaucoup de gens ont participé à la création de ce projet en utilisant l'esprit artistique de Travis pour le détail et cela ne passe pas inaperçu. La production et le son étant souvent interprétés d'une manière qui correspond à sa voix et à son style.


Astroworld sépare encore Travis Scott des autres artistes, il se solidifie après chaque piste.


Malgré la liste impressionnante de personnes impliquées dans la réalisation de ce disque, Astroworld ne semble jamais trop encombré. Au contraire, les différents invités sont présentés comme une chasse aux œufs de Pâques à découvrir au fil du temps, Les featurings n'apparaissant pas sur la tracklist. Voilà quelque chose délibérément fait par un artiste qui est hyper conscient de la limite de la durée d'attention de son public. Quand on y pense, toutes les feats ne font que détourner l'attention des autres chansons quand on les voit avant l'écoute d'un projet. En étant aussi malin, Scott empêche l'auditeur de sauter l'album et l'oblige à le lire tout au long. Il lui dit, en fait, Ne manque jamais un beat, un synthé, une voix, l'histoire d'ASTROWORLD.
Impossible de ne pas s'attarder sur la production de ce parc d'attraction. Les rythmes, fournis par plus de 30 personnages, sont soigneusement cousus ensemble par le co-producteur exécutif Mike Dean, qui adoucit les rebondissements qui claquent et les ambiances tourbillonnantes. La voix de Scott se faufile à travers l'obscurité, rappant et chantant dans des détails toujours aussi graphiques sur son mode de vie des stupéfiants, des voyages, des hôtels etc. Il n'a clairement pas peur des sensations fortes reflétant le titre de l'album. Les traitements de modulation et d'écho sur le chant, combinés aux tempos fréquemment torpides, font néanmoins d' Astroworld , un parc idéal mais jamais enfantin. Le défi d'apporter à l'auditeur la diversité dans les manèges est follement réussie!


On se souviendra d' Astroworld comme un tour de cirque incroyablement divertissant, l'album conceptuel imprévisible de fête apocalyptique que tout artiste aimerait réussir.
Travis Scott avait désespérément besoin d'un grand album pour justifier le battage médiatique, et avec Astroworld , le voilà sur le toit du monde, passant d'humble prodige à idole quasiment indétrônable.


ASTROWORLD EST UN CLASSIQUE.


9/10

BRKR-Sound
9
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Créée

le 1 mai 2020

Critique lue 1.5K fois

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