Atem
Atem

Album de Die Wilde Jagd (2022)

La respiration est au cœur du vivant. Que l’on soit mollusque, cétacé ou graminée, on respire tous, à notre façon. L’échange de gaz entre notre organisme et l’air forme l’essence même de la vie. Le souffle en est le garant, la flamme éternelle qui, une fois tarie, annonce notre entrée dans l’empire des morts.


L’allemand Sebastian Lee Philipp dédie depuis 8 ans aux oreilles curieuses ses hymnes neo-krautrock sous l’acronyme DIE WILDE JAGD (« La Chasse Sauvage »). Après trois albums riches en variations et marqués par des rythmiques binaires très dansantes, il propose une cassure avec « Atem », un morceau-titre de 45 minutes, fruit d’une prestation live capturée en Avril 2021 aux Pays Bas, commandée par le Roadburn Festival.


« Atem » signifie « souffle » en langue germanique, et ce thème servira de fil-concept à cette longue divagation ambiancée. Penser en musique au souffle, à ses formes et variations, à ses sens et à ses manifestations. Epurée, vibrante et exigeante, cette œuvre rapproche un peu plus DIE WILDE JAGD de son héritage ancestral - On pense surtout à l’électronique progressive des années 70, de l’école Berlinoise à la drone psyché façon Tangerine Dream.


Entouré d’une violoncelliste-vocaliste ( Lih Qun Wong) et d’un percussionniste (Ran Levari), Sebastian Lee Philipp prend le temps d’animer ses longues plages d’orgue de micro-respirations fluctuantes. Montant en intensité comme une haleine qui s’emballe, « Atem » est un trip mystique très puissant, aérien forcément, plus organique que mécanique, minimaliste sans jamais être redondant. Bercé par un souffle bien particulier, le morceau réussit une parfaite transition sonore, de l’ambient spatiale des débuts jusqu’aux prédations tribales de la seconde moitié. Cris réverbérés des archers, grondements feutrés des tambours, clapotis de synthés goulus d’air, nappes solennelles de claviers,« Atem » déchire l’atmosphère, pulse et se dissout enfin dans l’éther.


L’auteur a apporté un véritable soin à la progressivité de sa musique, en lui dotant une ambiance expérimentale très avenante, en l’animant d’une aura spirituelle discrète, qui devient très palpable lorsqu’on assimile les intentions de l’œuvre, son message – animer ensemble deux respirations fondamentales, complémentaires, indissociables même : celle de l’homme et celle de la musique. Le thème est touchant et donne réellement vie à la forme, créant une musique qui s’écoute autant qu’elle se pense, d’où son caractère demandant.


Avec cette performance sonore, DIE WILDE JAGD redonne charme au concept-album de la musique ambient. Il dévoile une facette plus subtile et nuancée de son incroyable palette d’artiste de l’underground allemand, loin des transes syncopées du prog teuton, et pourtant si proche de tout cet héritage sacré.

FlorianSanfilippo
8

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le 18 janv. 2022

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