Psychocandy avait fait trembler aussi bien les fondations de la pop music que du paysage musical des années 1980. Un mélange parfait entre songwriting étincelant et mur de saturation effrayant qui offrait une alternative au rock mainstream de cette période.
Darklands avait néanmoins apporté une rupture sans que cela remette en question le statut d’intouchable des Jesus and Mary Chain. Ils avaient choisi volontairement l’assagissement quitte à se mettre à dos les puristes de la première heure. Était-ce un moyen de prouver que les frères Reid savaient tout simplement écrire des chansons ? Je pense que c’est un peu ce qui explique le statut légèrement exagéré de ce disque qui ne fait pourtant pas partie de leurs sorties les plus excitantes malgré ses quelques coups de génies (comment ne pas frissonner en écoutant « Happy When it Rains » ?).


D’accord, ces sales poseurs savaient se départir de leur mur de son et écrire des pièces acoustiques délectables. Mais franchement, il fallait être sourd pour ne pas se rendre compte que leur premier album n’était pas seulement qu’un torrent de bruit, mais bien une collection de chansons parfaite. C’est pour cette raison qu’Automatic est un retour aux choses sérieuses, au rock and roll noisy. Car les JAMC n’ont jamais été aussi bons que quand ils mêlaient leur pop Beach Boyenne à l’énergie du noise rock.


Automatic n’est toutefois pas aussi violent et dissonant que Psychocandy. C’est ce qui le met parfois dans cette délicate position du disque de transition. Automatic est même devenu une sortie presque sous-estimée car, soi-disant, moins inspirée que ses pairs. Le titre de l’album a dû beaucoup jouer évidemment, car il était facile de blaguer dessus. Mais je vais vous le dire : non, les Jesus ne sont pas en pilotage automatique. Le disque est très homogène et ne possède aucune chanson faible. La boite à rythme est toujours présente mais comme elle est percutante et absolument pas cheap, on ne peut pas la critiquer (on est de toute façon plus proche de celle de Godflesh que des rythmes gentillets de la synthpop).


« Here Comes Alice » est une ouverture imparable. Comme si The Cure et New Order avaient fait front commun pour nous offrir le parfait tube indie noise pop de cette époque. « UV Ray » envoie la sauce sur un beat dansant qui a très certainement donner des idées à Curve et ces petits blanc becs se permettent même d’écrire l’un des plus grandes tubes des années 80 : « Head On ». Le genre de chanson qui peut réconcilier tout le monde, que ce soit les jeunes ou les vieux. Les Pixies sauront justement la reprendre sur leur Trompe le monde, on ne peut que saluer leur talent et leur bon goût.


Certes, cette homogénéité est peut-être ce qu’on peut reprocher à un tel skeud. On peut hâtivement en déduire qu’il est monotone et manque de sommets. C’est très probablement ce qui fait qu’il soit souvent mis de côté au sein de la foisonnante discographie des Écossais.
Mais si on va dans ce sens, autant en vouloir aux groupe pop des 60s comme les Beatles qui remplissaient leurs albums principalement de chansons courtes, quitte à donner cette sensation étrange qu’elles se ressemblent toutes à première vue. Sans être un « grower », Automatic n’est pas fait pour les gens pressés. Il se déguste comme un bon whisky et révèle ses saveurs après vous avoir alléché. Il s’agit d’un excellent album de pop bien gaulée avec ce qu’il faut de charisme et de venin (lisez donc les paroles de « Her Way Of Praying » et savourez les sous-entendus vicieux de Jim Reid) pour en faire autre chose qu’une compilation de chansonnettes agréables mais inconséquentes.


Quelque part, c’est un prototype du meilleur de l’indie pop rock des années à venir… De la britpop ? C’est pas faux.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 16 août 2015

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