B.I.B.L.E.
6.3
B.I.B.L.E.

Album de Fivio Foreign (2022)

Depuis la mort de Pop Smoke, la superstar de Brooklyn, beaucoup ont présenté Fivio comme l'héritier du genre, continuant à établir la Drill comme un style/mouvement culturel dominant dans le Hip-Hop.


Quand Fivio a tweeté : “Ye doin my album”, l’été 2021, cela faisait un peu plus d’un an qu’il avait sorti sa mixtape "800 BC", une compilation de bangers tels que "Big Drip" et "Wetty", qui l'ont propulsé dans le hip-hop traditionnel. Et la déflagration “Off The Grid” (quel couplet!!) sur DONDA, a maintenu une attente et une excitation confirmées par des singles réussis comme "Magic City" avec Quavo et surtout l'hymne "City of Gods avec Ye et Alicia Keys.


Une semaine seulement après avoir assisté aux Grammys, Fivio a sorti son immersif “BIBLE the Documentary”. Dans ce document, il détaille son ascension et les obstacles rencontrés en cours de route. Parlant de tout, de son hit "Big Drip" à la projection d'images des coulisses de ce 1er album produit par Kanye, le documentaire rend également un hommage particulier aux proches perdus de Fivi, divulguant le rôle important que sa mère a tenu tant dans sa vie que dans sa carrière.

Partageant une lecture de son verset biblique préféré (Psaume 23), le docu est également fortement dédié à T Dott, le bras droit de Fivio, et créateur de nombreux mouvements de danse désormais emblématiques, tragiquement tué à Brooklyn plus tôt cette année.


Puis 2 jours plus tard, le 8 avril, sort enfin son premier album “B.I.B.L.E.” (Basic Instructions Before Leaving Earth) en référence au dernier titre de “Liquid Swords”, le 2ème album de GZA produit par RZA.

Alors?, Fivio Foreign a-t-il réussi à être à la hauteur du battage médiatique massif qui l'entoure, mais également a-t-il tenu sa promesse d'élever le son de la Drill bien au-delà de ce que l'on pensait autrefois?


C’est vrai que ce genre a souvent été représenté par des artistes ayant une gamme limitée en tant que parolier, exécutant plutôt différents exploits techniques derrière le micro avec une diction appropriée. Mais comme n'importe quel genre, vous pouvez l’améliorer lyriquement ou musicalement, comme Pop Smoke et certains rappeurs UK l'ont fait.

Et bien, avec l’aide de Kanye, Fivio est un autre à ajouter à la liste, car “BIBLE” le montre par moment à son apogée en tant que rappeur tout en progressant dans sa gamme musicale.

Parfois, seulement, car sur 17 titres, beaucoup ne fonctionnent pas vraiment…


Dès la première chanson, l'influence de Kanye est immédiatement évidente. En plus de son double sens de l'expression culturelle populaire, "On God" est une intro dramatique et crescendo canalisant l'esprit cinématographique de My Beautiful Dark Twisted Fantasy mélangé avec le chœur gospel de Jesus Is King . Seulement cette fois, au lieu de Ye, Fivi est soutenu par la voix éthérée du nouveau prodige apparent de Ye, KayCyy (qui a révélé que "On God" devait à l'origine figurer sur son premier album Who Is KayCyy?)

Fivio balance des plaisanteries poétiques sur son ascension, réfléchissant sur sa carrière avec des lignes comme “I got rich off saying ay / That was just something I happened to say,” en référence à son désormais emblématique ad lib.

Belle intro


Bien qu'on ne l'entende nulle part sur la chanson, Ye est tout aussi présent sur le morceau hommage "Through The Fire". Fivi rappe avec conviction, reprenant le premier hit emblématique de Kanye. Quavo se joint à un couplet mélodique étonnamment émouvant sur une production hybride innovante gospel-drill.

Quavo revient sur “Magic City”, la première véritable piste du projet nommée d'après son club de strip-tease préféré d'Atlanta. C’est parfaitement ce qu'on attend d'un single de rap pour la radio. Les 2 rappeurs brillent et sans effort.


Vient ensuite le premier single de l'album “City of Gods”, un chef-d'œuvre en noir et blanc, un hymne new-yorkais instantané. Tout y est brillamment exécuté: de la performance vocale à couper le souffle d'Alicia Keys à la production épique et extrêmement dynamique, en passant par les couplets magnifiquement intégrés et incroyablement réfléchis de Fivio et Ye. Alors que Ye utilise son couplet pour larguer des bombes qui font sourciller, Fivio brosse une image rafraîchissante et précise de New York et reconnaît Pop Smoke comme le vrai roi de New York.

Une grande chanson


Je dois dire qu’à ce moment-là, je me suis dit que c’était un sacré bon début d’album. Mais la suite a été un peu plus compliquée.


Pour "What's My Name", Fivi fait appel à 2 artistes féminines émergentes, Coi Leray et Queen Naija , pour une version vraiment oubliable du classique R&B des Destiny's Child.

Aussi, il manque cruellement une synergie entre Fivio et le couplet de Chlöe sur "Hello" malgré un KayCyy impeccable.

"World Watching" avec son clavier samplé de "Lights" d'Ellie Goulding montre une alchimie entre Fivi, Lil TJay et Yung Bleu qui laisse perplexe.

De même, l’interlude avec DJ Khaled "BIBLE Talk" qui suit semble forcé et inutile.

“Love Songs” avec la star des années 2000 Ne-Yo qui chante sur un sample d’un de ses propres titres “So Sick” est une autre tentative Rn’B ratée.

Et sur “Leftside”, Blueface fait carrément retomber le titre comme un soufflé après un bon début de Fivi.


Là, on peut se dire que ça commence à faire beaucoup.

Mais à la manière du bon début de l’album, il y a d’autres moments vraiment réussis.

Comme “Confidence”, bien trop court où ASAP Rocky et Fivio forment un duo inédit vraiment excitant.

Puis Lil Yachty entre dans la partie pour tout dégommer avec "Slime Them". Sur un rythme Drill lourd et effrayant produit par AyoAA , Fivi et Boat sont en mode démon en échangeant des lignes percutantes et sauvages. Créant une atmosphère absolument électrique avec son arrangement extrêmement dynamique, "Slime Them" est un des titres les plus réussis du projet et rappelle cette même énergie que l’on retrouve à ces débuts.

“Changed On Me”, avec le rappeur de Chicago Polo G et la nouvelle star Vory, aurait eu tout à fait sa place sur “Donda”, AyoAA, Ye et Mike Dean aux commandes, comment se louper? Les 3 rappeurs sont parfaits, c’est bondissant et théâtral, une tuerie.

À noter que “For Nothing”, “Feel My Struggle” et “Whoever” sont sans featuring et c’est très bien ainsi. Sans réinventer le genre, ces 3 titres ont tout à fait leur place ici, utilisant des voix de fond aiguës, parfois chorales qui donnent une intensité certaine.

Enfin, avec “Can't Be Us”, Fivio lâche un message sincère à lui-même sur son histoire, ses défis et ses motivations sur un échantillon de DMX, un autre New-Yorkais emblématique. Il remercie Dieu de lui avoir donné un moyen d'échapper à ce mode de vie dangereux qu’il a connu et de lui avoir donné une seconde chance après avoir vu sa carrière défiler devant ses yeux après son arrestation l'année dernière (possession d‘une arme à feu + fuite) il s’en excuse.

Une fin réussie.


Bon, laisser un avis simple et concis est compliqué car les écoutes répétées de B.I.B.L.E. m’ont vraiment décontenancé.

D’un avis général, c’est une demi déception. Avec Kanye West en producteur exécutif, on pouvait s’attendre à mieux. J’ai l’impression d’entendre parfois un “DONDA” de moindre qualité. Pas loin d’une cinquantaine de producteurs et 16 invités pour 17 titres, des échantillons surprenants, des mélanges de genres, des prises de risques, de l’épique aux effluves évangéliques, parfois c’est vraiment impressionnant, parfois c’est raté.

Sans les quelques pistes jetables, on aurait eu droit à un album de 10/12 titres plus séduisant, plus solide, plus digeste tout en gardant cette polyvalence que Fivi, on l’aura compris, voulait absolument montrer pour prouver qu’il est plus qu’un simple rappeur Drill. C’est rageant parce qu’il y a des passages complètement euphorisants, captivants qui feront partie des grands moment de l’année 2022.

B.I.B.L.E. témoigne toutefois d’une évidente maturité et d’une plus grande accessibilité du genre et de l’artiste.

Même si la couronne semble encore un peu lourde à porter, l’avenir de Fivio Foreign semble radieux.


BRKR-Sound
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le 21 juin 2022

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